dimanche 23 mars 2014

Une théologie morale renouvelée par Vatican II

Si, comme le regrette le Père Congar, le Concile ne traite pas en particulier la théologie morale, il faut néanmoins reconnaître que dans plusieurs Constitutions, Décrets et Déclarations, il aborde des points essentiels qui entrent dans le champ de la morale. Il suffit de relire notamment la Constitution "Gaudium et spes" pour constater que le Concile introduit une conception renouvelée du comportement et de l’engagement des chrétiens dans la société1.
Ne serait-ce qu’en parlant de la condition humaine2, de la vocation humaine3, de la dignité de la personne4, du mariage et de la famille5, de la vie économique et sociale6, de la vie politique et de la sauvegarde de la paix7, le Concile met l’accent sur la haute responsabilité des chrétiens à l’égard du monde et exhorte constamment ces derniers à lutter contre la tentation de l’individualisme :
« L’ampleur et la rapidité des transformations (dans la société) réclament d’une manière pressante que personne, par inattention à l’évolution des choses ou par inertie, ne se contente d’une éthique individualiste. ». GS n°30,1.
Fixer constamment son regard sur le Christ et, à sa lumière, s’engager dans une charité active auprès de tous ceux et celles qui nous environnent de près ou de loin, telle est l’orientation essentielle que donne Vatican II aux chrétiens.
Plutôt que de présenter la morale comme un ensemble de lois et d’interdits à respecter, le Concile la présente comme un appel lancé à tous les chrétiens afin que - comme le Christ - ils aient pour seule préoccupation : l’amour de Dieu et du prochain ; avec tout ce que cet amour implique de devoirs.
Pour résumer, on peut dire - en ce qui concerne la morale - que le Concile invite les chrétiens à prendre principalement comme chemin de lumière les Béatitudes (plutôt que les lois du Décalogue).
En demandant aux chrétiens de prendre conscience qu’ils appartiennent à la communauté humaine et qu’à ce titre ils doivent s’en sentir solidaires, Vatican II, par le fait même, leur demande d’abandonner toute attitude de repli sur soi et d’opter pour une attitude d’engagement dans le monde, en vue de créer une société non seulement plus juste et plus fraternelle, mais aussi animée d’une plus grande espérance.
Le préambule de "Gaudium et spes" illustre bien cette orientation donnée aux chrétiens :
« De nos jours, saisi d’admiration devant ses propres découvertes et son propre pouvoir, le genre humain s’interroge cependant, souvent avec angoisse, sur l’évolution présente du monde, sur la place et le rôle de l’homme dans l’univers, sur le sens de ses efforts individuels et collectifs, enfin sur la destinée des choses et de l’humanité.
Aussi le Concile, témoin et guide de la foi de tout le peuple de Dieu rassemblé par le Christ, ne saurait donner une preuve plus parlante de solidarité, de respect et d’amour à l’ensemble de la famille humaine, à laquelle ce peuple appartient, qu’en dialoguant avec elle sur ces différents problèmes, en les éclairant à la lumière de l’évangile, et en mettant à la disposition du genre humain la puissance salvatrice que l’Eglise, conduite par l’Esprit saint, reçoit de son fondateur.
C’est, en effet l’homme qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il faut renouveler. C’est donc l’homme, l’homme considéré dans son unité et sa totalité, l’homme corps et âme, cœur et conscience, pensée et volonté qui constituera l’axe de notre exposé. » GS n°3,1.
On ne sera pas sans remarquer que ce texte se situe dans la ligne que traçait déjà saint Paul concernant le but de la morale proposée par le Christ :
« aider l’homme à devenir, par la grâce de Dieu, un officiant de Jésus Christ auprès du monde, afin que le monde sanctifié par l’Esprit Saint, devienne une offrande agréable à Dieu8. »
Le Concile ne néglige pas pour autant le devoir qu’a tout homme de se sanctifier personnellement et cela, en étant fidèle à la loi émanant de l’évangile, sans jamais oublier toutefois que la loi de l’évangile n’est pas un code de bonne conduite à respecter, mais une personne : la Personne du Christ ; le Christ qui se comporte devant les personnes sans s’imposer et en tenant toujours compte - dans ses recommandations - de leurs tempéraments, de leurs possibilités, de la situation dans laquelle elles se trouvent, de leurs origines, etc.
La loi, c’est-à-dire la ligne de conduite et les orientations que propose le Christ est toujours adaptée aux personnes qu’il a devant lui.
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1 Le Père Häring, rédemptoriste allemand, spécialiste de la théologie morale, expert au Concile, sera une des premières plumes dans la rédaction concernant le renouvellement de la morale.
2 GS n°4-10.
3 GS n°11.
4 GS n°12-22.
5 GS n°47-52.
6 GS n°63-72.
7 GS n°79-90.
8 Rm 15,16.

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