mardi 9 juillet 2013

Alfredo Ottaviani (1890-1979)

Le défenseur acharné de l’autorité pontificale.

Né dans le quartier populaire de Rome, le Trastevere, Alfredo est l’avant dernier d’une famille de douze enfants dont le père est boulanger.

Après ses études primaires chez les Frères des écoles chrétiennes, il entre au séminaire pontifical romain où il obtient brillamment des doctorats de philosophie, de théologie et de droit canon.

Ordonné prêtre en 1916, il est nommé professeur de philosophie et de droit canon dans différentes universités, tout en exerçant un ministère pastoral auprès des plus déshérités.

En 1922, il entre au service de la Curie comme secrétaire particulier du pape Pie XI. Six ans après, il devient Secrétaire d’État.

D’esprit essentiellement juriste, il est appelé à contribuer à la rédaction des Accords du Latran en 1929, signés entre Mussolini et le Saint Siège.

En 1953, il reçoit le titre de cardinal et il est nommé par le pape Pie XII à la tête de la Congrégation du Saint Office1.

Soucieux de la défense de la foi, et persuadé que la stabilité et la solidité de l’Église étaient confiées entre ses mains par le pape, il fait preuve, sans état d’âme, d’un zèle (jugé excessif) pour lutter contre toutes les nouveautés doctrinales et tous les systèmes théologiques qu’il considère dangereux ou hasardeux pour l’Église catholique. C’est ainsi qu’il combat aussi bien le communisme que les catholiques taxés de progressisme2, et qu’il est en première ligne pour condamner l’expérience des prêtres ouvriers en France sous le pontificat de Pie XII.

Au Concile Vatican II qu’il a préparé dans l’intention de le contrôler de près, il est regardé comme le chef de file du courant conservateur et comme celui qui s’oppose à tous les changements proposés3, en particulier ceux qui pourraient affaiblir l’autorité pontificale. Pour le cardinal Ottaviani il ne faisait aucun doute qu’à toucher aux prérogatives du pape, on mettait en péril l’unité de l’Église catholique.

Une hantise chez le cardinal : la mise en œuvre, comme le réclamait la majorité des Pères, d’une véritable collégialité épiscopale. Il considérait la demande de collégialité comme une révolte contre la papauté.

Atteint d’une très forte myopie, ses adversaires en profitent pour lui retirer, à son insu, le micro quand ils considèrent que ses propos sont trop catégoriques ou trop polémiques.

Cependant ne voir le cardinal que sous l’angle d’un conservateur à l’esprit étriqué ou d’un intégriste sans concession, préoccupé principalement de préserver l’autorité du pape sur l’ensemble de l’Église, serait mal rendre compte d’une personnalité par ailleurs très attachante, très fraternelle et aussi très loyale envers l’Église. Il acceptera, en effet, les décisions du Concile en signant tous les documents, y compris tous ceux pour lesquels il avait exprimé son désaccord.

Le Père Congar dira du cardinal Ottaviani : je suis convaincu qu’il croit sincèrement qu’il fait la volonté de Dieu, ce qui n’est pas le cas de tous ses collaborateurs.

A quelques semaines de la clôture du Concile, il fera cette déclaration :
« Durant soixante-seize ans, j’ai été le gardien du dépôt de la foi, le vieux carabinier, en sentinelle.
Mais si c’est l’Église elle-même qui réexamine, réapprofondit les thèmes, parle un autre langage au service d’une autre manière d’être, Dieu me donnera la grâce d’être aussi fidèle aujourd’hui qu’hier.
Je sers l’Église aveuglément, comme un aveugle que je suis
. »

A la fin du Concile, il fera en outre un très beau geste : lorsque le pape Paul VI donnera à chaque évêque un anneau (simplement doré et sans la moindre pierre précieuse) pour les inviter à renoncer à leur bague d’améthyste et signifier ainsi la volonté de l’Église de rechercher la pauvreté, le cardinal, en signe de soumission, sera le premier, après Paul VI, à retirer immédiatement sa bague pour la remplacer par le modeste anneau que venait de lui offrir le pape.

Par ailleurs, n’ayant jamais oublié ses origines populaires, il fera preuve jusqu’au bout d’une grande activité pastorale à l’égard des plus pauvres, en particulier des jeunes délaissés par la population romaine. Il patronnera également, jusqu’à la fin de sa vie, un orphelinat.

Alors que la hiérarchie ecclésiastique avait l’habitude de tenir secrets les abus sexuels de certains clercs, le cardinal est le premier à écrire aux évêques pour leur demander de condamner les membres de leur clergé fortement soupçonnés de pédophilie. Il s’agit, déclare-t-il, d’un comportement "criminel", qu’il faut absolument dénoncer.

Moralement très atteint lors de la réforme de la Curie engagée par le pape Paul VI, il présente sa démission en 1968.

Son dernier combat : une lettre envoyée au pape pour lui faire part de son opposition au "Nouveau Missel Romain", sachant pertinemment cependant que sa demande ne serait pas acceptée. Il considérait comme un sacrilège la modification de la liturgie latine. Il meurt le 8 août 1979.

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1 Qui deviendra par la suite la "Congrégation pour la doctrine de la foi".
2 Le cardinal Ottaviani est aussi l’auteur de la condamnation et de la mise à l’Index de certains théologiens (comme les Pères Congar et de Lubac) accusés de dispenser "une nouvelle théologie". C’est au sujet de ces condamnations, qu’il s’entend dire par un Père conciliaire s’en prenant directement au Saint Office : « Personne ne doit être jugé et condamné sans être entendu, sans savoir ce qu’on lui reproche et sans avoir la possibilité de corriger ce qui peut lui être reproché. »
3 C’est ainsi qu’il s’en prend violemment au cardinal Frings au sujet de la réforme du Saint Office et au cardinal Bea à propos l’œcuménisme et de la liberté religieuse.

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