vendredi 19 juillet 2013

La constitution sur l'Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et spes)

Constitution pastorale1 : l’Eglise dans le monde de ce temps2

« Gaudium et spes »

Quand les Pères conciliaires rédigent cette Constitution, ils ont conscience qu’ils ne vivent plus dans le monde chrétien du Moyen Âge, totalement subordonné à l’Eglise. Ils savent que le pouvoir spirituel n’est plus maître du pouvoir temporel qu’autrefois l’Eglise faisait exercer par l’intermédiaire des puissances séculières.
En outre, les Pères conciliaires ont gardé en mémoire tous les conflits qui ne cessaient de se répéter lorsque - à partir du XVIIème siècle - le monde prenait peu à peu, et de plus en plus, son indépendance, et accaparait les institutions dont l’Eglise avait le monopole : les hôpitaux, l’enseignement, l’assistance sociale…
Faisant le constat du caractère stérile de ces affrontement, d’autant qu’ils ne pouvaient pas ne pas reconnaître tout ce que le monde avait apporté à l’Eglise au cours de l’histoire et continuait à lui apporter dans tous les domaines, les Pères conciliaires, dès l’ouverture du Concile, optent résolument pour une attitude de dialogue avec la société actuelle.

*     *
Alors que les trois autres Constitutions sont en quelque sorte tournées vers l’intérieur de l’Eglise - car celle-ci définit pour elle même les bases de son renouveau - la Constitution "Gaudium et spes" est tournée vers l’extérieur : elle se consacre entièrement aux grandes questions du monde contemporain en vue de montrer comment elles sont présentes dans la vie de l’Eglise. La Constitution répond ainsi pleinement à la volonté du pape Jean XXIII lorsqu’il décide de convoquer un Concile pour instaurer un dialogue entre l’Eglise et le monde de notre temps3.
Après un avant-propos suivi d’un exposé préliminaire sur la condition humaine dans le monde d’aujourd’hui, la Constitution comprend deux parties :
  • la première plus doctrinale, dans laquelle l’Eglise exprime sa conception sur l’homme, sur la communauté humaine et sur l’activité humaine.
  • la seconde partie traite "de quelques problèmes plus urgents" dans le monde d’aujourd’hui, à savoir le mariage et la famille, l’essor de la culture, la vie économique et sociale, la vie de la communauté politique, la paix et la construction de la communauté des nations etc.

La mission de l'Eglise

Après avoir défini dans la Constitution "Lumen gentium", la nature humaine et divine de l’Eglise, et déclaré que l’Eglise ne pouvait se comprendre qu’à travers le mystère du Fils de Dieu fait homme, les Pères conciliaires veulent préciser sa mission et son mode de relation avec le monde.
Pour y parvenir, il leur fallait - en raison de la nature humano-divine de l’Eglise - rejeter deux attitudes, à savoir :
  • concevoir une Eglise sécularisée, c’est-à-dire une Eglise qui se confonde avec le monde ; ce qui a été le cas, parfois, durant certaines périodes de son histoire, où elle était totalement inféodée à la politique des souverains ou des princes.
  • à l’inverse, vouloir une Eglise séparée du monde, c’est-à-dire coupée le plus possible de la société environnante et se mettant en marge des réalités culturelles et sociales de son temps.
D’emblée, le Concile ouvre un chemin entre ces deux attitudes (confusion et séparation). Le titre : "L’Eglise dans le monde de ce temps", qu’il retient pour la Constitution "Gaudium et spes", est révélateur de la perspective adoptée.

Le Concile ne veut plus - comme ce fut le cas au XIXème siècle4 - une Eglise sans cesse sur la défensive face au monde moderne, mais une Eglise profondément solidaire du monde dans lequel elle vit, et se mettant au service de toute l’humanité5; d’autant que celle-ci est en proie à beaucoup d’inquiétudes.
Le long et très beau préambule de la Constitution "Gaudium et spes" intitulé : « Etroite solidarité de l’Eglise avec l’ensemble de la famille humaine », témoigne de cette volonté :

« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de notre temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve de résonance dans leur cœur.
Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’ils doivent proposer à tous.
La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. 
C’est pourquoi, après s’être efforcé de pénétrer plus avant dans le mystère de l’Eglise, le deuxième Concile du Vatican n’hésite pas à s’adresser maintenant, non plus aux seuls fils de l’Eglise et à tous ceux qui se réclament du Christ, mais à tous les hommes. A tous, il veut exposer comment il envisage la présence et l’action de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui.
Le monde qu’il a ainsi en vue est celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l’ensemble des réalités au sein desquelles elle vit. Le monde, théâtre de l’histoire du genre humain, marqué par l’activité de l’homme, ses défaites et ses victoires.
Selon la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du Créateur ; il est tombé, certes, sous l’esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré pour qu’il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu’il parvienne ainsi à son accomplissement.
De nos jours, saisi d’admiration devant ses propres découvertes et sa propre puissance, le genre humain s’interroge cependant, souvent avec angoisse, sur l’évolution présente du monde, sur la place et le rôle de l’homme dans l’univers, sur le sens de ses efforts individuels et collectifs, enfin sur la destinée ultime des choses et de l’humanité.
Aussi le Concile, attestant et exposant la foi de tout le Peuple de Dieu rassemblé dans le Christ, ne saurait donner une preuve plus parlante de solidarité, de respect et d’amour à l’ensemble de la famille humaine, à laquelle ce Peuple appartient, qu’en dialoguant avec elle sur ces différents problèmes, en les éclairant à la lumière de l’évangile, et en mettant à la disposition du genre humain la puissance salvatrice que l’Eglise, conduite par l’Esprit saint, reçoit de son Fondateur.
C’est en effet la personne humaine qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il faut renouveler. C’est donc l’homme, l’homme considéré dans son unité et sa totalité, avec son corps et son âme, avec son cœur et sa conscience, avec sa pensée et sa volonté, qui constituera l’axe de tout notre exposé.
Voila pourquoi, en proclamant la très noble vocation de l’homme et en affirmant qu’une sorte de germe divin est déposé en lui, ce saint Concile offre au genre humain la collaboration sincère de l’Eglise pour l’instauration d’une fraternité universelle qui réponde à cette vocation.
Aucune ambition terrestre ne pousse l’Eglise ; elle ne vise qu’un seul but : continuer, sous l’impulsion de l’Esprit Paraclet6, l’œuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi7. ». GS n° 1-3.
Pour se mettre au service de l’humanité, l’Eglise se doit d’abord d’apprendre à analyser les événements du monde et les changements qui s’y produisent, et ensuite à discerner leur signification en se laissant éclairer par l’évangile ; c’est-à-dire, apprendre à interpréter ce qu’elle appelle « les signes des temps »:
« Pour accomplir une telle tâche, l’Eglise a sans cesse le devoir de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre aux questions permanentes des hommes sur le sens de la vie présente et de la vie future, et sur leurs relations réciproques.
Il est donc nécessaire de connaître et de comprendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations et son caractère souvent dramatique.» GS n° 4,1.
Après ce préambule, les Pères du Concile analysent ce qu’ils appellent : « La condition humaine dans le monde d’aujourd’hui. »

Dans un exposé préliminaire, ils s’emploient à discerner les mutations sans précédent du monde moderne : les mutations sociales et culturelles,  mais aussi celles d’ordre psychologique, moral et religieux :
« Le genre humain se trouve engagé aujourd’hui dans un âge nouveau de son histoire, caractérisé par des changements profonds et rapides qui s’étendent peu à peu à l’ensemble du globe. Provoqués par l’homme, par son intelligence et son activité créatrice, ils rejaillissent sur l’homme lui-même, sur ses jugements, sur ses désirs, individuels et collectifs, sur ses manières de penser et d’agir, tant à l’égard des choses qu’à l’égard de ses semblables. A tel point que l’on peut déjà parler d’une véritable métamorphose sociale et culturelle dont les effets se répercutent jusque sur la vie religieuse. » GS  n° 4,2.
Ces mutations se sont produites et se produisent encore à une telle rapidité que l’humanité ne parvient pas toujours à les contrôler, ce qui engendre en elle interrogations et doutes :
« Comme en toute crise de croissance, cette transformation ne va pas sans de sérieuses difficultés.
Ainsi, tandis que l’homme étend si largement son pouvoir, il ne parvient pas toujours à s’en rendre maître.
S’efforçant de pénétrer plus avant dans les domaines les plus intimes de son être, il apparaît souvent moins sûr de lui-même. Il découvre peu à peu, et avec plus de clarté, les lois de la vie sociale, mais il hésite sur les orientations qu’il faut lui imprimer.
Jamais le genre humain n’a disposé d’une telle abondance de richesses, de possibilités, de puissance économique, et pourtant une part considérable des habitants de la terre sont encore tourmentés par la faim et le dénuement, et d’innombrables hommes souffrent de la totale ignorance de l’usage de l’écriture.
Jamais les hommes n’ont eu un sens aussi aigu de la liberté qu’aujourd’hui, alors qu’en même temps surgissent de nouvelles formes de servitude sociale et psychique.
Alors que le monde a un sentiment si vif de son unité et de la dépendance réciproque de tous dans le cadre d’une nécessaire solidarité, il est néanmoins violement écartelé par des forces qui se combattent (conflits politiques, économiques, sociaux etc.) …et le danger d’une guerre qui pourrait provoquer une destruction totale n’est pas absent.
Enfin, on recherche avec empressement une organisation temporelle plus parfaite, sans que la croissance spirituelle progresse au même rythme.
Affectés par une situation si complexe, un très grand nombre de nos contemporains ont beaucoup de mal à discerner correctement les valeurs permanentes ; en même temps, ils ne savent pas comment les harmoniser avec les découvertes récentes.
Une inquiétude les saisit et ils s’interrogent avec un mélange d’espoir et d’angoisse sur l’évolution actuelle du monde. Celle-ci appelle l’homme à apporter une réponse ; bien plus, elle l’y force. » GS n° 4,3 et 5.
Une inquiétude qui va parfois jusqu’à l’angoisse parce que si les avancées scientifiques et économiques lui ont apporté beaucoup de facilités et de libertés, elles ont parallèlement généré beaucoup de difficultés8 et de servitudes :
« Le monde moderne apparaît à la fois comme puissant et faible, capable du meilleur et du pire, tandis que s’ouvre devant lui le chemin qui mène à la liberté ou à la servitude, au progrès ou à la régression, à la fraternité ou à la haine.
D’autre part, l’homme prend conscience que de lui dépend la bonne orientation des forces qu’il a mises en mouvement et qui peuvent l’écraser ou le servir. C’est pourquoi il s’interroge. ». GS n° 9,4.
L’humanité se trouve ainsi face à de multiples interrogations. Celles-ci laissent certaines personnes insensibles parce qu’elles sont sûres qu’elles parviendront par leurs seuls moyens à les résoudre, mais elles inquiètent beaucoup d’autres qui se posent des questions plus en profondeur :
« Si certains attendent du seul effort de l’homme la libération véritable et plénière du genre humain et se persuadent que le règne à venir de l’homme sur la terre comblera tous les vœux de son cœur… le nombre croît, de jour en jour, de ceux qui, face à l’évolution présente du monde, se posent les questions les plus fondamentales ou les perçoivent avec une acuité nouvelle : Qu’est-ce que l’homme ? Que signifient la souffrance, le mal, la mort, qui subsistent malgré tant de progrès ? A quoi bon ces victoires payées d’un si grand prix ? Que peut apporter l’homme à la société ? Que peut-il en attendre ? Qu’adviendra-t-il après cette vie terrestre? GS  n° 10,2.
Confrontée à toutes ces questions qu’elle se pose elle-même parce qu’elle les fait siennes, l’Eglise, dans sa foi, se met humblement à la lumière de l’Esprit Saint et
« se propose de s’adresser à tous, pour éclairer le mystère de l’homme et pour aider le genre humain à découvrir une solution aux problèmes majeurs de notre temps. ».GS n° 10,3.
PREMIERE PARTIE DE LA CONSTITUTION : L'EGLISE ET LA VOCATION HUMAINE

Chapitre I : La dignité de la personne humaine

Tel est le titre du premier chapitre de la Constitution9. Il commence par ces mots :
« Croyants et incroyants sont généralement d’accord sur ce point : tout sur terre doit être ordonné à l’homme comme à son centre et son sommet. » GS chp I n° 12,1.
Le Concile déclare que la grandeur et la dignité de l’homme viennent du fait que, parmi toutes les créatures, il est le seul à avoir été conçu à l’image de Dieu. Ce qui explique que, à la ressemblance de Dieu qui est communion de trois Personnes, l’homme est un être relationnel appelé à vivre en véritable communauté fraternelle:
« Dieu n’a pas créé l’homme seul, car dès l’origine,"il les créa homme et femme", et leur union constitue la première forme de la communion des personnes. En effet, l’homme, par sa nature profonde, est un être social, et, sans relations avec les autres, il ne peut ni vivre ni épanouir ses qualités.» GS chp I n° 12, 3
Cette affirmation est complétée au chapitre suivant par ces mots :
« Quand le Seigneur Jésus prie le Père pour lui demander "que tous soient un comme nous, nous sommes un", il ouvre des perspectives inaccessibles à la raison humaine, et il suggère qu’il y a une certaine ressemblance entre l’union des Personnes divines et l’union des fils de Dieu dans la vérité et l’amour. « cette ressemblance montre clairement que l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut se trouver pleinement que par le don sincère de lui-même10. » GS chp II n° 24,3.
Ayant été créé à l’image de Dieu, l’homme est revêtu d’une dignité infinie. C’est en raison de cette dignité qu’il est appelé à entrer en communion avec Dieu et à dialoguer avec Lui ; il y un rapport intime et vital qui unit l’homme à Dieu :
« L’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l’homme de dialoguer avec lui commence avec l’existence humaine11. » GS chp I n° 19,1.
En raison de sa dignité (une dignité qui demeure malgré le péché)12, tout homme quel qu’il soit, quels que soient sa place dans la société, ses handicaps, ses écarts de conduite, ne peut être traité comme un simple objet à des fins purement utilitaires ; tout homme est une personne unique aux yeux de Dieu et, à ce titre, il doit être considéré avec le plus grand respect et demeurer au centre de nos préoccupations:
« En vérité, l’homme ne se trompe pas, lorsqu’il se reconnaît supérieur aux éléments matériels et qu’il ne se considère pas simplement comme une simple parcelle de la nature, ou comme un élément anonyme de la cité humaine.
Par sa profonde intériorité13, il surpasse en effet l’univers des choses : c’est à cette profonde intériorité qu’il revient, lorsqu’il rentre en son coeur où l’attend ce Dieu qui scrute les cœurs, et où il décide personnellement de son propre sort sous le regard de Dieu.
Ainsi, lorsqu’il reconnaît en lui une âme spirituelle et immortelle, il n’est pas abusé par une fiction fallacieuse de l’imagination qui s’expliquerait seulement par les conditions physiques et sociales, mais bien au contraire, il atteint la vérité même de la réalité dans sa profondeur. » GS chp I n° 14,2.
Ce qui fait la grandeur et la dignité de tout être humain par rapport aux autres créatures, c’est en premier lieu, sa conscience : cette voix intérieure qui s’exprime au plus profond de l’homme et lui permet de discerner ce qui est bien et ce qui est mal ; ce qui est moral et immoral. Elle se révèle à lui comme une loi d’amour, comme une exigence d’aimer.
Encore faut-il qu’il n’étouffe pas cette voix secrète qui parle au plus intime de son cœur :
« Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, résonne, lorsqu’il le faut, à l’ouïe intérieure : "Fais ceci, évite cela". Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera.
La conscience est le centre le plus secret de l’homme et le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre dans ce lieu le plus intime.
C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain.
Par fidélité à leur conscience, les chrétiens s’unissent aux autres hommes, pour chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale.
Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes renoncent aux décisions aveugles et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité.
Toutefois, il arrive souvent que la conscience s’égare, par suite d’une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa dignité.
Mais cela ne peut être dit lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien, et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle. » GS chp I n° 16.
En second lieu, la grandeur et la dignité de l'être humain résident dans le don de sa liberté. Malgré sa condition de pécheur qui l’empêche souvent d’être maître de lui-même, l’homme, guidé par les valeurs que lui indique sa conscience, garde la liberté de choisir la route qu’il lui faut prendre, et la force d’assumer les responsabilités qui lui incombent :
« Cette liberté, nos contemporains l’estiment grandement et ils la poursuivent avec ardeur. Et ils ont raison.
Cependant, ils la cultivent souvent d’une manière qui n’est pas droite, comme la licence de faire n’importe quoi, même le mal, pourvu que cela plaise. Or la vraie liberté est en l’homme un signe éminent de l’image divine. Car Dieu a voulu laisser l’homme à son propre conseil pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à Lui, parvenir ainsi à la perfection pleine et bienheureuse.
La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure.
L’homme parvient à cette dignité lorsque, se délivrant de toutes servitudes des passions, par le choix libre du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s’en procurer réellement les moyens au prix d’ingénieux efforts.
Ce n’est toutefois que par le secours de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut s’ordonner à Dieu d’une manière effective et intégrale. » GS chp I n° 17.
Les quelques réflexions que les Pères conciliaires viennent de nous livrer sur l’homme, montrent à l’évidence qu’ils portent sur lui un regard lucide et sans complaisance : en même temps qu’ils exaltent la grandeur et la dignité de toute personne, ils ne passent pas sous silence ses faiblesses et ses misères dues au péché. Le premier service que l’Eglise peut rendre aux hommes, c’est de les aider à prendre conscience de ce qu’ils sont, de leur grandeur (malgré leurs pauvretés) et des valeurs qu’ils portent en eux. A la fin du premier chapitre, les Pères conciliaires abordent deux sujets sur lesquels ils étaient attendus : le mystère de la mort et le phénomène moderne de l’athéisme.

Le mystère de la mort

Le Concile ne pouvait se taire sur le problème que le fait de mourir pose à tout être humain. Pour lui, la mort n’est pas seulement source de souffrance et d’incompréhension, mais souvent de révolte parce qu’elle met un terme à tout ce qu’il a entrepris, ainsi qu’à ses relations et surtout à ses affections les plus chères.
La mort est aussi pour l’homme source d’une grande angoisse, car il ne sait pas ce qui l’attend lorsqu’il fermera les yeux. Même ceux qui ont la foi en une autre vie – celle promise par le Christ – ignorent la forme que prendra celle-ci. C’est pourquoi, généralement, les uns et les autres luttent de toutes leurs forces pour se maintenir en vie le plus longtemps possible :
« C’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet. L’homme n’est pas seulement tourmenté par la souffrance et la déchéance progressive de son corps, mais, plus encore, par la peur d’une destruction définitive. Et c’est par une inspiration juste de son cœur qu’il rejette et refuse cette ruine totale et la fin définitive de sa personne. Le germe d’éternité qu’il porte en lui, irréductible à la seule matière, s’insurge contre la mort. Toutes les tentatives de la technique, si utiles qu’elles soient, sont impuissantes à calmer son angoisse : car le prolongement de la durée de vie biologique ne peut satisfaire son désir d’une vie ultérieure, invinciblement ancré dans son cœur.  ». GS chp I n° 18,1.
Même parmi les incroyants, rares, en effet, sont ceux qui ne nourrissent pas, dans le plus profond de leur cœur, la secrète espérance d’une vie au-delà de la mort. C’est cette espérance que l’Eglise, en s’appuyant sur la résurrection du Christ, s’efforce de conforter :
« Alors que devant la mort, toute imagination défaille, l’Eglise instruite par la Révélation divine, affirme que Dieu a créé l’homme en vue d’une fin bienheureuse, au-delà des misères du temps présent.
De plus, la foi chrétienne enseigne que cette mort corporelle à laquelle l’homme aurait été soustrait s’il n’avait pas péché, sera un jour vaincue, lorsque le salut, perdu par la faute de l’homme, lui sera rendu par son Sauveur.
Dieu, en effet, a appelé et appelle l’homme à adhérer à Lui de tout son être, dans la communion éternelle d’une vie divine inaltérable. Cette victoire, le Christ l’a acquise en ressuscitant, libérant l’homme de la mort par sa propre mort.
A chaque homme qui réfléchit, la foi présentée avec des arguments solides, offre une réponse relative à son angoisse au sujet de son sort futur.
Elle nous offre en même temps la possibilité d’une communion dans le Christ avec nos frères bien-aimés qui sont déjà morts, en nous donnant l’espérance qu’ils ont trouvé près de Dieu la véritable vie. » GS chp I n° 18,2.
Le phénomène moderne de l'athéisme

Beaucoup de nos contemporains, soulignent les Pères conciliaires, ignorent ou rejettent le lien d’amour que Dieu leur propose dans sa Révélation. L’athéisme, reconnaissent-ils, est l’un des faits les plus notables des temps modernes.

Le mot "athéisme" recouvre, disent-ils, plusieurs formes dont voici, à leurs yeux, les principales :
  • « certains athées nient Dieu expressément, d’autres pensent que l’homme ne peut absolument rien affirmer de lui. » C’est la position des agnostiques14.
  • « d’autres encore examinent la question Dieu selon une méthode telle que cette question semble dénuée de sens ».
  • « beaucoup outrepassent indûment les limites des sciences positives, ou bien prétendent que la seule raison scientifique explique tout, ou bien, à l’inverse, ne reconnaissent comme absolument définitive aucune vérité. »
  • « certains font un tel cas de l’homme, que la foi en Dieu s’en trouve comme énervée, plus préoccupés qu’ils sont, semble-t-il, d’affirmer l’homme que de nier Dieu ».
  • « d’autres se représentent Dieu sous un jour tel que, en le repoussant, ils refusent un Dieu qui n’est en aucune façon celui de l’évangile. »
  • d’autres encore manifestent un athéisme d’indifférence. « Ils n’abordent même pas le problème de Dieu ; ils paraissent étrangers à toute inquiétude religieuse et ne voient pas pourquoi ils se soucieraient encore de la religion. »
  • nombreux sont ceux qui affichent leur athéisme en raison de tous les maux dont souffre continuellement l’humanité : « l’athéisme, en outre, naît souvent d’une protestation révoltée contre le mal dans le monde15. »
  • certains enfin, prisonniers de l’ambiance matérialiste qui règne dans la société actuelle, n’ont pas le loisir de penser à Dieu : « la civilisation moderne elle-même, non certes par son essence même, mais parce qu’elle se trouve trop empêtrée dans les réalités terrestres, peut rendre plus difficile l’approche de Dieu. » GS chp I n° 19,1 et 2
Il y a aussi
« ceux qui délibérément s’efforcent de tenir Dieu éloigné de leur cœur et d’écarter les problèmes religieux, en ne suivant pas ce que leur dicte leur conscience. Ceux-là ne sont pas exempts de fautes. » GS chp I n° 19,3.
Au paragraphe suivant, le Concile mentionne une autre forme d’athéisme : celui des personnes qui jugent que, mettre sa foi en Dieu, entrave la liberté de l’homme. Celui-ci, disent-ils, pour sauvegarder son autonomie, se doit de manifester une totale indépendance vis-à-vis de Dieu :
« Souvent l’athéisme moderne présente aussi une forme systématique qui, en plus des autres causes, pousse le désir d’autonomie humaine jusqu’à faire obstacle à toute dépendance à l’égard de Dieu. Ceux qui professent un athéisme de cette sorte soutiennent que la liberté consiste en ceci que l’homme est pour lui-même sa propre fin, le seul artisan et le démiurge de sa propre histoire. Ils prétendent que cette vue des choses est incompatible avec la reconnaissance d’un Seigneur, auteur et fin de toutes choses, ou au moins qu’elle rend cette affirmation tout à fait superflue. Cette doctrine peut se voir favorisée par le sentiment de puissance que le progrès technique actuel confère à l’homme. » GS chp I n° 20,1.
On reconnaîtra dans cette forme d’athéisme, ce que le théologien Henri de Lubac appelle "l’humanisme athée16" en ce sens que pour certaines personnes la religion ne fait qu’aliéner l’homme. En mettant ce dernier sous la dépendance de Dieu et en faisant miroiter une vie ultérieure bien plus heureuse que celle sur terre, la religion, affirment ces personnes, empêche les individus de se consacrer totalement au développement économique, social et culturel de l’humanité.
Pour eux, loin de promouvoir la grandeur de l’homme et sa dignité, la religion ne fait que l’asservir :
« Parmi les formes de l’athéisme contemporain, on ne doit pas passer sous silence celle qui attend la libération de l’homme, surtout de sa libération économique et sociale.
A cette libération s’opposerait, par sa nature même, la religion, dans la mesure où, érigeant l’espérance de l’homme sur le mirage d’une vie future, elle le détournerait d’édifier la cité terrestre. C’est pourquoi les tenants d’une telle doctrine, là où ils deviennent les maîtres du pouvoir, attaquent la religion avec violence, utilisant pour la diffusion de l’athéisme, surtout en ce qui regarde l’éducation de la jeunesse, tous les moyens de pression dont le pouvoir public dispose17. » GS chp I n° 20,2.
Quelle attitude l’Eglise doit-elle adopter face à toutes ces formes d’athéisme qu’elle vient d’énumérer ?

Dans un esprit d’ouverture et de respect à l’égard des incroyants, les Pères conciliaires invitent les chrétiens à s’efforcer de comprendre le phénomène de l’athéisme, et pour cela, à entrer en dialogue avec les athées et à se laisser questionner par leurs arguments.
Bien plus, dans leurs réponses face à l’incroyance, les Pères ne disent pas aux athées ce qu’ils doivent faire pour avoir la foi ; ils disent l’attitude que doit adopter l’Eglise envers eux : au lieu de jeter l’anathème sur les athées, ils demandent que l’Eglise :
« soumette les motifs des incroyants à un examen sérieux et approfondi. » GS chp I n° 21,2.
et qu’elle fasse humblement sa propre révision de vie. A cet égard ils reconnaissent que beaucoup de personnes qui se disent chrétiennes portent une grande part de responsabilité dans la naissance de l’athéisme. Le mode de vie qu’elles mènent et leur façon de pratiquer la religion sont tellement éloignés de l’esprit de l’évangile qu’elles donnent prise à l’incroyance :
« Mais les croyants eux-mêmes portent souvent à cet égard une certaine responsabilité. En effet, l’athéisme considéré dans son ensemble, n’est pas quelque chose d’originaire, mais il résulte plutôt de diverses causes, parmi lesquelles figure la réaction critique contre les religions, et dans certains pays, surtout contre la religion chrétienne.
C’est pourquoi, dans cette genèse de l’athéisme, les croyants peuvent avoir une part non négligeable de responsabilité, dans la mesure où l’on doit dire d’eux que, par une éducation négligée de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des manquements dans leur vie religieuse, morale et sociale, ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le révèlent. ». GS chp I n° 19,3.
Quels remèdes les Pères conciliaires proposent-ils pour enrayer l’athéisme ?
Certes, il faut montrer que la religion chrétienne, loin de porter atteinte à la dignité de l’homme et de l’aliéner, permet au contraire de lui donner toute sa dimension et de répondre aux questions cruciales qu’il se pose avec beaucoup d’anxiété, concernant le sens de la vie, la mort, le mal et la souffrance.
Mais, par-dessus tout, déclarent les Pères, le remède à l’athéisme réside dans une juste présentation de la doctrine chrétienne et, plus encore, dans le témoignage d’une vie authentiquement évangélique. Les membres de l’Eglise doivent, sur le plan doctrinal, donner une meilleure image de Dieu, et manifester par leur comportement une plus grande fidélité au message du Christ ; et cela, quelles que soient les difficultés et les épreuves qu’ils rencontrent dans leur vie :
« Quant au remède à l’athéisme, on doit l’attendre d’une part d’une présentation adéquate de la doctrine, d’autre part de l’intégrité de vie de l’Eglise et de ses membres.
C’est à l’Eglise qu’il revient en effet de rendre présents et comme visibles Dieu le Père et son Fils Incarné, en se renouvelant et en se purifiant sans cesse, sous la conduite de l’Esprit Saint. Cela s’obtient avant tout par le témoignage d’une foi vivante et mûre, c’est-à-dire d’une foi formée à reconnaître lucidement les difficultés et capable de les surmonter.
D’une telle foi, de très nombreux martyrs ont rendu et continuent de rendre un éclatant témoignage. Cette foi doit manifester sa fécondité en pénétrant toute la vie des croyants, y compris toute leur vie profane, et en les entraînant à la justice et à l’amour, surtout au bénéfice des déshérités.
Enfin, ce qui contribue le plus à révéler la présence de Dieu, c’est l’amour fraternel des fidèles qui travaillent d’un cœur unanime pour la foi de l’évangile et qui se présentent comme un signe d’unité. » GS chp I n° 21,5.
Au numéro suivant le Concile affirme avec force que le Fils de Dieu en se faisant chair s’est engagé dans l’humanité entière, et qu’en conséquence il rayonne son Esprit Saint sur tous les hommes, quelles que soient leur race, leur culture ou leur religion. Il offre son salut à toute personne ; aucune personne n’en est exclue :
« (Cette offre de salut) ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce18. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation ultime de l’homme est réellement une, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. » GS chp I n° 22,519.
C’est le monde entier qui est le destinataire de l’engagement de Dieu ; l’Eglise n’étant que la servante de l’action de Dieu dans notre humanité.

Chapitre II : La communauté humaine

Après avoir longuement insisté sur la dignité et sur la liberté de toute personne, les Pères conciliaires, dans le chapitre II, rappellent que l’homme ne peut pas vivre isolé. Pour se construire et atteindre toute sa dimension, il lui faut impérativement vivre en étroite relation avec autrui. Par sa nature l’homme est situé en solidarité avec une communauté : la communauté humaine. Il ne peut se réaliser pleinement que dans la communion avec ceux et celles qui l’entourent de près ou de loin20. Pour lui, vivre en lien avec la société21 n’est pas une attitude facultative mais indispensable à son accomplissement :
« Le caractère social de l’homme fait apparaître qu’il y a interdépendance entre l’essor de la personne et le développement de la société elle-même. En effet, la personne humaine qui, de par sa nature même a absolument besoin d’une vie sociale, est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions. La vie sociale n’est donc pas pour l’homme quelque chose de surajouté ; aussi c’est par l’échange avec autrui, par la réciprocité des services, par le dialogue avec ses frères que l’homme grandit selon toutes ses capacités et peut répondre à sa vocation. » GS chp II n° 25,1
Le fonctionnement de la société doit permettre à chacun de bénéficier de tout ce qui lui est nécessaire, et d’obtenir tout ce dont il a droit pour s’accomplir et exercer ses responsabilités :
« Il faut donc rendre accessible à l’homme tout ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine, comme la nourriture, l’habillement, l’habitat, le droit de choisir librement son état de vie et de fonder une famille, droit à l’éducation, au travail, à la réputation, au respect, à une information convenable, le droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, le droit à la sauvegarde de la vie privée et à une juste liberté, y compris dans le domaine religieux. » GS chp II n° 26,2.
Vivre réellement en société exige que toute personne puisse revendiquer ses droits, mais aussi qu’elle prenne conscience de ses devoirs à l’égard de la communauté humaine avec laquelle elle doit faire corps. Sur ce point, le Concile se réfère à l’évangile ; plus précisément au regard que l’évangile nous demande de porter sur le prochain. Toute personne quelle qu’elle soit, dit-il, doit être infiniment respectée :
« Que chacun considère  son prochain, sans aucune exception, comme "un autre lui-même", tienne compte avant tout de sa vie et des moyens qui lui sont nécessaires pour vivre dignement…
  De nos jours surtout, nous avons l’impérieux devoir de nous faire le prochain de n’importe quel homme, et s’il se présente à nous, de le servir activement : qu’il s’agisse de ce vieillard abandonné de tous, ou de ce travailleur étranger, méprisé sans raison, ou de cet exilé, ou de cet enfant né d’une union illégitime qui supporte injustement le poids d’une faute qu’il n’a pas commise, ou de cet affamé qui interpelle notre conscience en nous rappelant la parole du Seigneur :" Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ".» GS chp II n° 27,1et 2.
Bien que renonçant aux anathèmes - conformément aux voeux du pape Jean XXIII lors de l’ouverture du Concile - les Pères ne peuvent éviter de tenir un langage très sévère au sujet de toutes les actions ou paroles qui portent atteinte à la dignité et l’intégrité des personnes, quelles qu’elles soient22. C’est avec une extrême vigueur qu’ils les dénoncent :
« Tout ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré ; tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, les tortures physiques ou morales, les contraintes psychologiques ; tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaine, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments pour réaliser des gains, sans égard pour leur personnalité libre et responsable : toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent, et insultent gravement à l’honneur du Créateur. » GS chp II n° 27,3.
Les Pères tiennent le même langage au sujet des discriminations dont sont victimes certaines personnes. Il y a, affirment-ils, égalité fondamentale entre toutes les personnes quels que soient leurs différences, leurs aptitudes, leurs handicaps :
« tous les hommes ne sont pas sur un plan d’égalité quant à leurs capacités physiques, qui sont variées, ni quant à leurs forces intellectuelles et morales qui sont diverses. Mais toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle soit sociale ou culturelle, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu.
En vérité, il est affligeant de constater que ces droits fondamentaux de la personne ne sont pas encore partout garantis. Il en est ainsi lorsque la femme est frustrée de la facilité de choisir librement son époux ou d’élire son état de vie, ou d’accéder à une éducation et une culture égales à celles que l’on reconnaît à l’homme. » GS chp II n° 29,2.
Les Pères continuent sur le même ton à propos de ceux qui pratiquent une morale individualiste et méconnaissent leur responsabilité à l’égard de l’ensemble de la société, car disent-ils, justice et charité ont une dimension sociale. Sur ce point, ils n’hésitent pas à entrer dans les moindres détails :
« Il y a des gens qui, tout en professant des idées larges et généreuses, continuent à vivre comme s’ils n’avaient cure des solidarités sociales. Bien plus, dans certains pays, beaucoup font peu de cas des lois et des prescriptions sociales. Nombreux sont ceux qui ne craignent pas de se soustraire, par divers subterfuges et fraudes, aux justes impôts ou à d’autres prestations dues à la société.
D’autres négligent certaines règles de la vie en société, comme celles qui ont trait à la sauvegarde de la santé ou à la conduite des véhicules, sans même se rendre compte que, par une telle insouciance, ils mettent en danger leur propre vie et celle d’autrui. GS chp II n° 30,1.
Après ce réquisitoire dressé contre toutes les dérives, les Pères conciliaires reprennent le langage de l’espérance en pensant à tout ce que les hommes peuvent réaliser en faveur de l’humanité entière, toutes les fois où ils se laissent guider par les valeurs sociales et morales :
« Que ce soit une loi sacrée pour tous de compter les solidarités sociales parmi les principaux devoirs de l’homme d’aujourd’hui, et de les respecter comme tels. En effet, plus le monde s’unifie, et plus il est manifeste que les obligations de l’homme dépassent les groupes particuliers pour s’étendre peu à peu à l’univers entier. Ce qui ne peut se faire que si les individus et les groupes cultivent en eux les valeurs morales et sociales et les répandent dans la société.
Alors, avec le nécessaire secours de la grâce divine, surgiront des hommes vraiment nouveaux, artisans de l’humanité nouvelle. » GS chp II n° 30,2.
Pour que chaque individu puisse assumer ses responsabilités à l’égard de la communauté humaine, il faut lui « assurer une éducation qui vise à développer la culture de l’homme intérieur. » Ce qui exige de veiller, en premier lieu, à l’éducation des jeunes ; une éducation ayant pour but de former « des hommes et des femmes qui ne soient pas seulement intellectuellement cultivés mais qui soient aussi des âmes généreuses, vu que notre temps les réclame instamment.» GS chp II n° 31,1.
Ce qui exige également des conditions de vie permettant aux citoyens de prendre conscience de leur dignité et de leur devoir de solidarité à l’égard de la société.
Pour cela, chaque pays a la responsabilité d’amener, en toute liberté, les citoyens à participer aux affaires publiques. Encore faut-il pour y parvenir, que les hommes et les femmes trouvent dans les groupes sociaux auxquels ils appartiennent :
« des valeurs qui les attirent et les disposent à se mettre au service de leurs semblables. On peut légitimement penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer. ».GS chp II n° 31,3.
Chapitre III : L'activité humaine dans l'Univers

Tout en manifestant sa profonde et sincère admiration pour le développement technologique dû au travail et au génie de l’homme, le Concile se fait l’écho des questions qui surgissent : « quels sont le sens et la valeur de cette laborieuse activité qui a transformé le visage d’une grande partie de notre humanité ? Quel usage faire de toutes ces richesses qui ont indéniablement facilité notre vie ? Quelle est la finalité de tous ces efforts, individuels et collectifs ? »
A la lumière des Ecritures, les Pères conciliaires rappellent que l’activité humaine ne se réduit pas à des rapports économiques, mais doit répondre à la mission que Dieu a confiée à l’homme : certes, faire fructifier la terre mais dans le but de se perfectionner, c’est-à-dire d’atteindre toute sa dimension d’enfant de Dieu :
« De même qu’elle procède de l’homme, l’activité humaine lui est ordonnée.
De fait, par son action, l’homme ne transforme pas seulement les choses et la société, il se parfait aussi lui-même… Il cultive ses facultés, il sort de lui-même, il se dépasse.
Une croissance bien comprise, est d’un tout autre prix que l’accumulation possible de richesses extérieures. L’homme vaut beaucoup plus par ce qu’il est, que par ce qu’il a…
Voici donc la règle de l’activité humaine : qu’elle soit conforme au bien authentique de l’humanité, selon le dessein et la volonté de Dieu, et qu’elle permette à l’homme, considéré comme individu ou comme membre de la société, de répondre à sa vocation et de la mener à son achèvement. ».GS chp III n° 35,1 et 2.
Dans une société qui se sécularise et cherche ses règles d’organisation en elle-même, et non plus dans les institutions religieuses, l’Eglise reconnaît une juste autonomie du temporel. Cependant, en raison du péché auquel tout être humain succombe à un moment ou à un autre, elle invite la société à se référer à Dieu, son Créateur, au risque sinon de sombrer :
« Si, par autonomie des réalités terrestres, on veut dire que les choses créées et les sociétés elles-mêmes ont leurs lois et leurs valeurs propres, que l’homme doit peu à peu apprendre à connaître, à mettre en oeuvre et à ordonner, une telle exigence d’autonomie est pleinement légitime : non seulement elle est revendiquée par les hommes de notre temps, mais elle correspond à la volonté du Créateur…
La recherche méthodique, dans tous les domaines du savoir, si elle est menée d’une manière vraiment scientifique et si elle suit les normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi : les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même Dieu…
A ce propos, qu’on nous permette de déplorer certaines attitudes qui ont existé parmi les chrétiens eux-mêmes, insuffisamment avertis de la légitime autonomie de la science. Sources de tensions et de conflits, elles ont conduit beaucoup d’esprits jusqu’à penser que science et foi s’opposaient entre elles
23.
Mais si, par "autonomie des réalités temporelles", on veut dire que les choses créées ne dépendent pas de Dieu et que l’homme peut en disposer sans référence au Créateur, la fausseté de tels propos ne peut échapper à quiconque reconnaît Dieu. En effet, la créature sans Créateur s’évanouit. Du reste, tous les croyants de quelque religion qu’ils soient, ont toujours perçu la voix et la manifestation de Dieu dans le langage des créatures ».GS chp III n° 36,1 et 2.
Les progrès scientifiques et économiques sont, déclare le Concile, un grand bien pour l’homme, mais ils portent en eux la tentation d’une dérive : les hommes peuvent s’en servir pour leurs intérêts propres, en oubliant totalement ceux des autres. Ils peuvent ainsi se détruire par leur propre puissance.

Pour éviter ce drame, les hommes ont besoin de se purifier à la lumière de l’évangile et de suivre pour itinéraire le mystère pascal : le mystère de la mort et de la résurrection du Christ :
« Le Christ nous apprend, par son exemple, que nous devons aussi porter cette croix que la chair et le monde font peser sur les épaules de ceux qui poursuivent la justice et la paix. »
C’est la tâche essentielle qui revient à l’Eglise. GS chp III n° 37 et 38.

Chapitre IV : La tâche de l'Eglise dans le Monde de ce temps

Comment l’Eglise voit-elle sa place dans ce monde marqué par l’autonomie du temporel et par toutes les mutations consécutives au développement des sciences, des techniques et de l’économie ? Telle est la question à laquelle le chapitre IV de la Constitution va s’efforcer de répondre.
Le Concile commence par déclarer que l’Eglise n’est pas une réalité étrangère au monde, mais qu’elle est au contraire profondément insérée dans la trame de l’histoire de l’humanité. Il y a, dit-il, une telle réciprocité des relations entre l’Eglise et le monde que le Concile va jusqu’à employer le terme de "compénétration" entre l’Eglise et le monde.
En ce qui concerne plus particulièrement le rôle de l’Eglise, les Pères conciliaires déclarent qu’elle aide le monde à devenir plus humain et à s’élever spirituellement :
« A la fois "assemblée visible et communauté spirituelle24", l’Eglise fait route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l’âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et à être transformée en famille de Dieu.
A la vérité, cette compénétration de la cité terrestre et de la cité céleste ne peut être perçue que par la foi …
L’Eglise, en poursuivant la fin salvifique qui lui est propre, ne communique pas seulement à l’homme la vie divine ; elle répand aussi, et d’une certaine façon sur le monde entier, la lumière que cette vie divine irradie, notamment en rétablissant et en ennoblissant la dignité de la personne humaine, en affermissant la cohésion de la société et en procurant à l’activité quotidienne des hommes un sens plus profond, la pénétrant d’une signification plus haute. Ainsi, par chacun de ses membres comme par toute la communauté qu’elle forme, l’Eglise croit pouvoir largement contribuer à humaniser toujours plus la famille des hommes et son histoire. ».GS chp IV n° 40,1 et 2.
Pour exercer pleinement son rôle dans le monde, le Concile lance un appel tout particulier aux laïcs. Elle les invite, dans la fidélité à leur promesse baptismale, et avec l’aide spirituelle du clergé, à participer pleinement aux activités humaines, et à témoigner du Christ au cœur de celles-ci : «  Aux laïcs reviennent en propre, quoique non exclusivement, les tâches et les activités séculières. Lorsqu’ils agissent, soit individuellement, soit collectivement, comme citoyens du monde, ils auront donc à cœur, non seulement de respecter les lois propres à chaque discipline, mais d’y acquérir une véritable compétence. Ils aimeront collaborer avec ceux qui poursuivent les mêmes objectifs qu’eux.
Conscients des exigences de leur foi et revêtus de sa force, qu’ils n’hésitent pas, si besoin est, à prendre de nouvelles initiatives et à en assurer la réalisation. C’est à leur conscience, préalablement formée de façon appropriée, qu’il revient d’inscrire la loi divine dans la cité terrestre.
Que les laïcs attendent des prêtres, lumières et forces spirituelles. Cependant, qu’ils ne pensent pas pour autant que leurs pasteurs aient une compétence telle qu’ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission.
Mais plutôt, éclairés par la sagesse chrétienne, en prêtant fidèlement attention à l’enseignement du Magistère, qu’ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités
. » GS chp IV n° 43,2. Cependant, l’apport n’est pas en sens unique. L’Eglise, par la voix des Pères conciliaires, reconnaît - et c’est assez nouveau - que non seulement elle reçoit beaucoup du monde, mais qu’elle en a besoin pour son approfondissement25. Elle reconnaît également que même les oppositions qu’elle suscite peuvent déboucher sur un apport positif pour elle.
Une telle attitude permet de dépasser les querelles d’un cléricalisme dominateur et d’un laïcisme exclusif :
« De même qu’il est de l’intérêt du monde de reconnaître l’Eglise comme une réalité sociale de l’histoire et comme son ferment, de même l’Eglise n’ignore pas tout ce qu’elle a reçu de l’histoire et de l’évolution du genre humain.
L’expérience des siècles passés, le progrès des sciences, les richesses cachées dans les différentes cultures, qui permettent de mieux connaître l’homme lui-même et qui ouvrent de nouvelles voies à la vérité, procurent également des avantages à l’Eglise.
En effet, dès le début de son histoire, elle a appris à exprimer le message du Christ en se servant des concepts et des langues des divers peuples et, de plus, elle s’est efforcée de le mettre en valeur par la sagesse des philosophes…
L’Eglise constate avec reconnaissance qu’elle reçoit une aide variée de la part d’hommes de tout rang et de toute condition ; une aide qui profite aussi bien à la communauté qu’elle forme qu’à chacun de ses fils.
En effet, tous ceux qui contribuent au développement de la communauté humaine au plan familial, culturel, économique et social, politique (tant au niveau national qu’au niveau international), apportent par le fait même, et en conformité avec le plan de Dieu, une aide non négligeable à la communauté ecclésiale, dans la mesure où celle-ci dépend d’éléments extérieurs.
Bien plus, l’Eglise reconnaît que, de l’opposition même de ses adversaires et de ses persécuteurs, elle a tiré de grands avantages et qu’elle peut continuer à en tirer. » GS chp IV n° 44,1-3.
De la même façon, si culturellement, l’Eglise a beaucoup apporté au monde elle se doit, pour s’approfondir, d’être ouverte aux autres cultures :
« L’Eglise, constamment fidèle à ses traditions et tout à la fois consciente de l’universalité de sa mission, peut en conséquence entrer en communion avec les différentes formes de culture; d’où l’enrichissement qui en résulte pour elle-même et pour les différentes cultures. ». GS chp IV n° 58,3.
Commentant ce chapitre IV de la Constitution, Le pape Paul VI souligne la nouveauté du rapport de l’Eglise au monde :
« L’Eglise se montre entièrement dégagée de tout intérêt temporel… Est-ce à dire que l’Eglise se retire au désert et abandonne le monde à son sort, heureux ou malheureux ? C’est tout le contraire. Elle ne se dégage des intérêts de ce monde que pour mieux être en mesure de pénétrer la société, de se mettre au service du bien commun, d’offrir à tous son aide et ses moyens de salut. C’est une nouvelle caractéristique de ce Concile, qui a souvent été soulignée. L’Eglise le fait d’une façon qui contraste en partie avec l’attitude qui marqua certaines pages de son histoire26. »
DEUXIEME PARTIE DE LA CONSTITUTION : QUELQUES PROBLÈMES DE PLUS GRANDE URGENCE.

Dans la deuxième partie de la Constitution "Gaudium et spes", le Concile traite de problèmes qui posent de plus en plus de questions aujourd’hui.

Chapitre I : La dignité du mariage et de la famille27

Au sujet du mariage et de la famille, dans le monde d’aujourd’hui, le Concile fait tout d’abord un constat : la bonne santé de la communauté conjugale et familiale a une influence déterminante sur la santé des personnes et de la société.
Il se réjouit de tout ce qui est fait en faveur du mariage et de la famille ainsi que de toutes les actions entreprises pour le respect de la vie et pour aider les parents dans leur mission, mais il déplore tout ce qui porte atteinte au mariage et à la famille, notamment : l’égoïsme, la polygamie, le divorce, l’amour soi-disant libre, l’hédonisme28, l’avortement, les pratiques illicites qui entravent la génération.
Il souligne également que certaines conditions économiques, socio-psychologiques et civiles nuisent à la dignité du mariage et de la famille. GS chp I n° 47,1et 2.
L’article suivant souligne le caractère sacré du mariage. Pour les chrétiens, Dieu est l’auteur du mariage dès l’origine de l’humanité. Le Christ a béni l’amour des époux, image de son union avec l’Eglise. C’est pourquoi le mariage est reconnu comme un sacrement qui assure la présence aidante du Seigneur dans la vie du foyer :
Le Christ, « Epoux de l’Eglise vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement du mariage. Il continue à demeurer avec eux pour que les époux, par leur don mutuel, puissent s’aimer dans une fidélité permanente, comme Lui-même a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle. ».
GS chp I n° 48. L’amour des époux, ratifié par un engagement mutuel, et par-dessus tout sanctifié par le sacrement du Christ, demeure indissolublement fidèle, de corps et de pensée, pour le meilleur et pour le pire ; il exclut donc tout adultère et tout divorce. » GS chp I n° 49,2.
Le Concile rappelle ensuite  que :
« le mariage et l’amour conjugal sont par leur nature ordonnés à la procréation et à l’éducation des enfants », les enfants étant en effet le grand don fait aux parents et la source de leur bonheur. GS chp I n° 50,1.
Les parents participent ainsi à l’œuvre créatrice de Dieu. Ils sont, dit le Concile,
« les coopérateurs de l’amour du Dieu Créateur  et en quelque sorte ses interprètes ».GS chp I n° 50,2.
En ce qui concerne le choix du nombre d’enfants à engendrer, les époux sont les premiers à en décider29 :
« Dans un respect plein de docilité à l’égard de Dieu, d’un commun accord et d’un commun effort, ils se formeront un jugement droit : ils prendront en considération à la fois et leur bien et celui des enfants déjà nés ou à naître ; ils discerneront les conditions aussi bien matérielles que spirituelles de leur époque et de leur situation ; ils tiendront compte enfin du bien de la communauté familiale, des besoins de la société temporelle et de l’Eglise elle-même30. »
Les époux devront faire ce choix devant Dieu, en se conformant à leur conscience éclairée par l’enseignement de l’Eglise. GS chp I n° 50,2.

Au paragraphe suivant, le Concile souligne - et c’est nouveau - que la procréation n’est pas la seule fin du mariage :
« Cependant, si le mariage et l’amour conjugal sont d’eux-mêmes ordonnés à la procréation et à l’éducation, le mariage n’est pas seulement institué en vue de la procréation. »
Celui-ci a également pour but l’approfondissement de l’amour et de l’épanouissement des époux31.
C’est pourquoi, même dans le cas où les époux ne peuvent pas avoir d’enfant, le mariage garde "sa valeur et son indissolubilité" comme signe de la communion du Christ avec son Eglise. GS chp I n° 50,3.

Lorsque, par après, le Concile traite du respect de la vie humaine, le ton se fait intransigeant :
« Dieu, maître de la vie, a confié aux hommes le noble ministère de sauvegarde de la vie, qui doit être rempli d’une façon digne de l’homme. La vie doit donc être protégée avec un soin extrême dès la conception : l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables. » GS chp I n° 51,3.
Le Concile achève ce chapitre sur la dignité du mariage et de la famille, en demandant aux responsables de la société et tout particulièrement aux chrétiens, par leur témoignage, de veiller à la promotion du mariage et de la famille. GS chp I n° 52. En ce qui concerne les enfants, le Concile requiert, de la part des parents, une éducation qui prépare les enfants à choisir librement leur mode de vie et à exercer leurs responsabilités futures :
« La famille est en quelque sorte une école d’enrichissement humain. Mais pour qu’elle puisse atteindre la plénitude de sa vie et de sa mission, elle requiert une communion d’esprit pleine de bienveillance, une mise en commun des pensées entre les époux et aussi une attentive coopération des parents dans l’éducation des enfants.
La présence agissante du père importe grandement à leur formation, mais il faut aussi permettre à la mère, dont les enfants, surtout les plus jeunes, ont tant besoin, de prendre soin de son foyer sans toutefois négliger la légitime promotion sociale de la femme32.
Que les enfants soient éduqués de telle manière qu’une fois devenus adultes, avec une entière conscience de leur responsabilité, ils puissent suivre leur vocation, y compris leur vocation religieuse, et choisir leur état de vie, et que, s’ils se marient, ils puissent fonder leur propre famille dans des conditions morales, sociales et économiques favorables.
Il appartient aux parents ou aux tuteurs de guider les jeunes par des avis prudents que les jeunes devront écouter volontiers, pour la fondation d’un foyer. Ils veilleront toutefois à n’exercer aucune contrainte, directe ou indirecte, sur eux, soit pour les pousser au mariage, soit pour choisir leur conjoint . » GS chp I n° 52,1.
Chapitre II : L'essor de la Culture

Dans l’introduction de ce deuxième chapitre, le Concile précise qu’il faut faire une distinction entre "la culture et les cultures".
Au sens plus général, le mot "culture", dit le Concile, signifie l’ensemble des moyens par lesquels les personnes développent, par l’étude, le travail, l’art et les expériences spirituelles, toutes les capacités de leur corps et de leur esprit ; cette culture leur permettant de contribuer activement au progrès de l’humanité, plus particulièrement à celui de la société à laquelle ces personnes appartiennent. GS chp II n° 53,1.
Mais quand on parle "des cultures" ("de pluralité des cultures") on souligne, dit le Concile, que :
« les façons de travailler, de s’exprimer, de pratiquer la religion, de se conduire, de légiférer, d’établir des institutions juridiques, d’enrichir les sciences et les arts et de cultiver le beau », diffèrent selon les pays, les races, les groupes sociaux et les époques. Ainsi, à partir des usages hérités, se forme un patrimoine (culturel) propre à chaque communauté humaine. Tout homme, quels que soient sa nation et son siècle, est inséré dans un milieu (social et historique) déterminé d’où il puise les valeurs qui lui permettront de faire progresser la culture humaine et civile. ».GS chp II n° 53,3.
Cependant, fait remarquer le Concile, en raison des échanges33 dans tous les domaines (littéraire, scientifique, artistique, social, économique, etc.) entre toutes les nations - des échanges qui, dans le monde moderne, se multiplient de jour en jour - on peut parler « d’un nouvel âge de l’histoire humaine » et de la naissance d’un type de culture plus universel.

On va, ajoute le Concile, "vers un nouvel humanisme" qui se caractérise par le fait que de plus en plus de personnes prennent conscience de leur responsabilité envers tous leurs frères dans le monde, notamment à propos de la promotion de la culture. GS  chp II n° 54-55.
En parlant de la responsabilité qui incombe à toute personne de promouvoir la culture, le Concile n’est pas sans poser certaines questions qu’il reconnaît difficiles à résoudre, à savoir :
  • comment concilier, dans cette marche vers l’unité du genre humain, la diversité légitime des cultures ?
  • comment éviter que la multiplication des échanges culturels ne bouleverse le génie propre à chaque peuple ?
  • comment promouvoir l’expansion d’une culture nouvelle sans porter atteinte aux traditions des différents pays ?
  • comment échapper à une coupure entre le niveau culturel de plus en plus élevé d’une élite et celui de l’ensemble des hommes ?
  • enfin, comment éviter les dangers d’un humanisme purement terrestre, clos sur lui-même dans une attitude de suffisance, sinon d’hostilité à l’égard du fait religieux ? GS chp II n° 56.
A propos des relations entre foi et culture qu’il vient d’évoquer, le Concile rappelle que l’un et l’autre sont deux ordres distincts de connaissance qui obéissent chacun à des lois qui leur sont propres, mais qui ne peuvent pas s’ignorer. C’est dans la mesure où ils établissent entre eux une collaboration confiante qu’ils permettent une découverte plus profonde de la vocation de l’homme. Le Concile reconnaît que le développement de la culture dans tous les domaines, et que les découvertes - toujours plus nombreuses, que les savants font à partir des richesses de la création - apportent une meilleure connaissance de l’homme et du monde, et amènent l’Eglise à approfondir le message évangélique.
Inversement, souligne le Concile, l’évangile du Christ a joué et joue encore un rôle irremplaçable dans le développement culturel de l’humanité.

Au fil des siècles, la foi chrétienne s’est exprimée à travers des cultures très différentes, car elle n’est liée à aucune forme de culture ni à aucun type de civilisation. Respectueux des dons particuliers de chaque peuple, il est indéniable que le christianisme a fécondé de l’intérieur et enrichi la culture des pays évangélisés, et inversement. GS chp II n° 57-59.
Concernant la pluralité des cultures et les valeurs positives qu’elles véhiculent, le Concile invite non seulement à les reconnaître, mais à les considérer comme des points d’appui pour transmettre l’évangile :
« Comme elle l’a toujours fait au cours des siècles, l’Eglise se doit d’utiliser les ressources des diverses cultures pour répandre et exposer le message du Christ à toutes les nations. » GS chp II n° 58,2.
Le numéro suivant traitant le droit de tous d’accéder à la culture, mérite d’être cité en entier, tellement son contenu est important :
« Puisqu’on a maintenant la possibilité de libérer la plupart des hommes du fléau de l’ignorance, il est un devoir qui convient au plus haut point à notre temps, surtout pour les chrétiens : celui de travailler activement à ce que, tant en matière économique qu’en matière politique, tant dans le domaine national qu’international, des décisions fondamentales soient prises de nature à faire reconnaître, partout et pour tous, en harmonie avec la dignité de la personne humaine, sans distinction de race, de sexe, de nation , de religion ou de condition sociale, le droit à la culture et d’assurer sa réalisation.
Il faut donc procurer à chacun une quantité suffisante de biens culturels, surtout de biens qui constituent la culture dite "de base", pour qu’un très grand nombre ne soit pas empêché, par l’analphabétisme et le manque d’initiative, de coopérer de manière vraiment humaine au bien commun.
En conséquence, il faut tendre à donner à ceux qui en sont capables la possibilité de poursuivre des études supérieures ; et de telle façon que, dans la mesure du possible, ils occupent des fonctions, jouent un rôle et rendent des services dans la vie sociale qui correspondent soit à leurs aptitudes, soit à la compétence qu’ils auront acquise.
Ainsi tout homme et tout groupe social de chaque peuple pourront atteindre leur plein épanouissement culturel, conformément à leurs dons et leurs traditions.
En outre, il faut des efforts soutenus pour que chacun prenne conscience et du droit et du devoir qu’il a de se cultiver, et de l’obligation qui lui incombe d’aider les autres à le faire.
Il existe, en effet, ici ou là, des conditions de vie et de travail qui contrarient les efforts des hommes vers la culture et qui en détruisent chez eux le goût. Ceci vaut à un titre spécial pour les agriculteurs et les ouvriers, auxquels il faut assurer des conditions de travail telles qu’elles ne les empêchent pas de se cultiver, mais bien plutôt les y poussent.
Les femmes travaillent à présent dans presque tous les domaines de la vie ; il convient qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle selon leurs aptitudes propres.
Il appartiendra à tous de reconnaître la participation spécifique et nécessaire des femmes à la vie culturelle et de la promouvoir34. » GS chp II n° 60.
Le chapitre II s’achève en soulignant l’importance pour les théologiens de travailler en coopération avec les chercheurs de toutes disciplines, y compris scientifiques :
« Ceux qui s’appliquent aux sciences théologiques dans les séminaires et les universités s’efforceront de collaborer avec les hommes qui excellent dans les autres sciences, en mettant en commun leurs forces et leurs points de vue.
Pareillement, la recherche théologique, tout en visant l’approfondissement de la connaissance de la vérité révélée, ne doit pas négliger le lien avec son propre temps, afin de pouvoir aider les hommes cultivés, dans les différentes disciplines, à acquérir une connaissance plus complète de la foi35 » GS chp II n° 62, 7.
On notera qu’au sujet de laïcs, le Concile les presse - au même titre que les clercs - à se former théologiquement :
« Il faut souhaiter que de nombreux laïcs acquièrent une formation adaptée dans les sciences sacrées et que plusieurs parmi eux se livrent à ces études ex professo36 et les fassent progresser. » ibid.
La vie économique et sociale37

Dès les premières lignes du chapitre III, le Concile affirme que le développement économique doit être au service de l’homme et non sur le profit :
«  C’est l’homme en effet qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale. ».GS chp III n° 63,1.
L’introduction de ce chapitre qui s’inscrit dans la ligne des grandes encycliques sociales des papes Léon XIII, Pie XI et Jean XXIII38, est consacrée à la description du développement économique. Elle reconnaît l’espoir que celui-ci représente : faire de l’économie un instrument apte à mieux répondre aux besoins accrus de l’humanité.
Mais elle souligne aussi les inquiétudes que ce développement économique fait naître, à savoir :
  • l’assujettissement d’un grand nombre de personnes à la réalité économique.
  • l’aggravation des inégalités sociales entre les personnes, les groupes et les peuples concernant les conditions de vie et de travail.
  • l’impossibilité pour beaucoup d’assumer de réelles responsabilités, et de pouvoir prendre des initiatives dans la société ou dans le cadre de leur travail :
« Le développement de l’économie qui pourrait réduire les inégalités sociales, conduit au contraire trop souvent à leur aggravation, et même, ici ou là, à une détérioration des conditions sociales des faibles et au mépris des pauvres.
Alors que des foules immenses manquent du strict nécessaire, certains, même dans les régions moins développées, vivent dans l’opulence et gaspillent sans compter. Le luxe côtoie la misère. Tandis qu’un petit nombre d’hommes jouissent d’un très large pouvoir de décision, beaucoup sont privés de presque toute possibilité d’initiative personnelle et de responsabilité ; souvent même, ils sont placés dans des conditions de vie et de travail indignes de la personne humaine…
Entre les nations économiquement plus développées et les autres nations, une opposition de plus en plus aiguë se manifeste, capable de mettre en péril jusqu’à la paix du monde39. ». GS chp III n°63,3-4.
Pour qu’il y ait développement, déclare le Concile, il ne suffit pas qu’il y ait croissance de l’appareil de production et augmentation des biens. Il faut que la production soit finalisée :
« non par le seul accroissement de la production, ni par le profit ni par la puissance, mais par le service de l’homme, de l'homme tout entier et de tous les hommes40. »
Moyennant ces conditions, le développement économique doit être poursuivi. Bien plus il s’impose comme un devoir, car il est un moyen indispensable pour satisfaire les besoins croissants d’une humanité elle-même en pleine croissance démographique. GS chp III n° 64.

Le numéro suivant se référant directement à l’encyclique "Mater et Magistra" de Jean XXIII, redit qu’il ne peut avoir développement économique que dans la mesure où, à tous les échelons, le plus de personnes possible participent à ce développement.
En insistant sur cette participation active des personnes et des groupes, ce numéro n’ouvre pas pour autant la voie à l’individualisme, car il est bien entendu que les initiatives des personnes et des groupes doivent être coordonnées sous le contrôle dernier des pouvoirs publics dont la mission première est la recherche du bien commun :
« Le développement doit demeurer sous le contrôle de l’homme41. Il ne doit pas être abandonné à la discrétion d’un petit nombre d’hommes ou de groupes jouissant d’une trop grande puissance économique ni à celle de la communauté politique ou à celle de quelques nations plus puissantes.
Il convient au contraire que le plus grand nombre possible d’hommes, à tous les niveaux, et au plan international, l’ensemble des nations, puissent prendre une part active à la gestion du développement économique. Il faut de même que les initiatives spontanées des individus et des associations libres soient coordonnées avec l’action des pouvoirs publics, et qu’elles soient harmonisées de façon appropriée et cohérente.
Le développement ne peut être laissé ni au seul jeu quasi automatique de l’activité économique des individus ni à la seule autorité publique42.
Il faut donc dénoncer les erreurs aussi bien des doctrines qui s’opposent aux réformes indispensables au nom d’une conception erronée de la liberté, que des doctrines qui sacrifient les droits fondamentaux des personnes et des groupes à l’organisation collective de la production43. ». GS chp III n° 65,1 et 2.
Enfin, ajoute le Concile dans le numéro suivant, on ne peut parler de véritable développement que si le progrès social va de pair avec la croissance économique. Là encore, il se réfère directement à l’encyclique "Mater et Magistra" dans laquelle on lit ces quelques lignes :
« Tandis que les économies des divers pays se développent rapidement, avec un rythme plus rapide encore depuis la dernière guerre, il nous paraît opportun d’attirer l’attention sur un principe fondamental. Le progrès social doit accompagner et rejoindre le développement économique, de telle sorte que toutes les catégories sociales aient leur part des produits accrus. Il faut donc veiller avec attention et s‘employer efficacement, à ce que les déséquilibres économiques et sociaux n’augmentent pas, mais s’atténuent dans la mesure du possible44. »
Dans ce même numéro, le Concile demande avec insistance que
« les travailleurs qui sont originaires d’autres pays ou régions et qui apportent leur concours à la croissance économique d’un peuple ou d’une province ne soient pas victimes de discrimination en matière de rémunération ou de condition de travail.
En outre, tous les membres de la société, en particulier les pouvoirs publics, doivent les traiter comme des personnes et non comme de simples instruments de production ; ils doivent faciliter auprès d’eux la venue de leur famille, les aider à se procurer un logement décent et favoriser leur insertion dans la vie sociale du pays ou de la région qui les accueille. Cependant il faut, dans la mesure du possible, créer des emplois dans leurs propres pays. ». GS chp III n° 66,2.
Le Concile, dans les lignes qui suivent, ne fait que remettre en mémoire l’enseignement traditionnel de l’Eglise :
  • le travail doit « passer avant les autres éléments de la vie économique, car eux-ci n’ont que valeur d’instruments ». Le travail est, en effet, l’expression de la personne humaine dans sa liberté, le facteur de la vie sociale et la participation à l’œuvre créatrice de Dieu45.
  • le droit et le devoir de travailler dans des conditions qui respectent les personnes : leur âge, le sexe, les besoins de la famille, la nécessité d’un temps réservé au repos et aux loisirs. :
    « Les travailleurs doivent trouver dans l’exécution de leur travail, la possibilité de développer leurs qualités propres et d’épanouir leur personnalité.
    Tout en consacrant à l’exécution du travail leur temps et leurs forces avec le sens de la responsabilité qui convient, tous doivent cependant bénéficier d’un temps de repos et de loisir suffisant pour entretenir une vie familiale, culturelle, sociale et religieuse » GS chp III n° 67.
  • le droit des travailleurs de fonder librement des syndicats et d’y militer sans crainte de représailles. GS chp III n° 68,2.
  • la nécessité du dialogue social (entre les ouvriers et ceux qui les emploient), plutôt que l’affrontement et les conflits « économicaux-sociaux », tout en reconnaissant la légitimité, dans certains cas, de la grève. GS chp III n° 68,3.
Précédemment le Concile avait souligné qu’il est très important de considérer les travailleurs comme « des associés », et de favoriser la participation active de tous les acteurs de la production à la gestion de leur entreprise :
« en prenant en considération les fonctions des uns et des autres, propriétaires, employeurs, cadres, ouvriers ; et en sauvegardant la nécessaire unité de direction de l’œuvre à réaliser, il faut promouvoir, selon des modalités à déterminer au mieux, la participation active de tous à la gestion des entreprises. » ; pas seulement à la gestion sociale , mais aussi à la gestion économique.GS chp III n° 68,1.
Les deux numéros suivants du chapitre sont consacrés à la propriété : Le premier numéro qu’on pourrait intituler "union de la justice et de la charité", s’inscrit dans la plus pure tradition de l’Eglise.
Dans un très beau texte, il rappelle que les biens de la terre sont destinés à toutes les personnes, et que celles-ci ont droit de bénéficier des biens nécessaires à elles et à leurs familles.

Il rappelle également avec vigueur des exigences trop souvent perdues de vue, à savoir :
  • qu’il faut veiller à une répartition équitable des biens.
  • que les biens possédés légitimement doivent être considérés comme des biens communs et, en conséquence, profiter à autrui.
  • qu’une personne dans l’extrême nécessité a le droit de se procurer l’indispensable à partir des richesses d’autrui.
  • qu’il faut secourir les plus pauvres, et parfois en donnant de son nécessaire :
« Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, sous la conduite de la justice, dont la charité est la compagne.
Quelles que soient les formes de la propriété, adaptées aux légitimes institutions des peuples, selon des circonstances diverses et changeantes, on doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens.
C’est pourquoi l’homme, dans l’usage qu’il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les considérer aussi comme communes : en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres.
Du reste, tous les hommes ont le droit d’avoir une part suffisante de biens pour eux-mêmes et leur famille. C’est ce qu’ont pensé les Pères et les docteurs de l’Eglise qui enseignaient que l’on est tenu d’aider les pauvres, et pas seulement au moyen de son superflu.
Quant à celui qui se trouve dans l’extrême nécessité, il a le droit de se procurer l’indispensable à partir des richesses d’autrui.
Vu le si grand nombre d’affamés de par le monde, le saint Concile insiste auprès de tous et auprès des autorités pour qu’ils se souviennent de ce mot des Pères :" donne à manger à celui qui meurt de faim, car si tu ne lui a pas donné à manger, tu l’as tué", et pour que, selon les possibilités de chacun, ils partagent réellement leurs biens et les emploient vraiment en procurant avant tout aux individus et aux peuples, les subsides qui leur permettront de s’aider eux-mêmes et de se développer. » GS chp III n° 69,1.
Ce principe de la juste répartition des biens a été communément admis, à partir de la doctrine des Pères de l’Eglise et par tout le Moyen Age. Il n’a jamais été contesté, mais seulement oublié.

Le second numéro concerne l’accès à la propriété. A ce sujet, le Concile déclare qu’elle est non seulement légitime mais souhaitable car, dit-il :
« la propriété et les autres formes de pouvoir privé sur les biens extérieurs contribuent à l’expression de la personne et lui donne l’occasion d’exercer sa responsabilité dans la société et l’économie…
La propriété privée ou un certain pouvoir sur les biens extérieurs assurent à chacun l’espace indispensable à l’exercice de l’autonomie personnelle et familiale ; il faut les regarder comme un prolongement de la liberté humaine.
Enfin, en stimulant l’exercice de la responsabilité, ils constituent l’une des conditions des libertés civiles. » GS chp III n° 71,1-2.
Cependant la propriété privée a un caractère social qui trouve sa justification dans la destination universelle des biens terrestres. Aussi le Concile estime que pour empêcher les abus de la propriété privée et les conflits qui risquent d’en résulter, l’Etat a le droit d’opérer un transfert de biens privés à la propriété publique, en vue de les répartir équitablement au profit des personnes dépourvues de terres ou n’en détenant que des parcelles infimes46 :
« Des réformes s’imposent qui viseront… parfois, même à répartir les propriétés insuffisamment cultivées au bénéfice d’hommes capables de les faire valoir… Chaque fois que le bien commun exigera l’expropriation, l’indemnisation devra être appréciée selon l’équité, compte tenu de toutes les circonstances. » GS chp III n° 71,447.
Chapitre IV : La vie de la communauté politique

"La vie de la communauté politique48", constate le Concile, connaît aujourd’hui de profondes transformations dans les structures et les institutions des peuples:
« Ces transformations exercent une profonde influence sur la vie de la communauté politique, surtout en ce qui concerne les droits et les devoirs de chacun dans l’exercice de la liberté civique et dans la poursuite du bien commun, en ce qui concerne l’organisation des relations des citoyens entre eux et de leurs rapports avec les pouvoirs publics.
La conscience de la dignité humaine est devenue plus vive. D’où l’effort pour instaurer un ordre politico-juridique dans lequel les droits de la personne au sein de la vie publique soient mieux protégés : par exemple les droits de libre réunion et d’association, le droit d’exprimer ses opinions personnelles et de professer sa religion en privé et en public. La sauvegarde des droits de la personne est, en effet, une condition indispensable pour que les citoyens, individuellement ou en groupe, puissent participer activement à la vie et au gouvernement de l’Etat…
Un grand nombre d’hommes désirent assumer un rôle plus important dans l’organisation de la communauté politique. Dans la conscience de beaucoup, s’intensifie le souci de préserver les droits des minorités à l’intérieur d’une nation, sans négliger pour autant les devoirs de celles-ci à l’égard de la communauté politique. En outre, le respect de ceux qui professent une opinion ou une religion différente grandit de jour en jour.
En même temps, une plus large collaboration s’établit, visant à ce que tous les citoyens, et pas seulement quelques privilégiés, puissent jouir de leurs droits personnels.
En revanche, on rejette toutes les formes politiques existant dans certaines régions qui entravent la liberté civile ou religieuse, qui multiplient les victimes des passions et des crimes politiques et détournent au profit d’un parti ou des gouvernants eux-mêmes l’exercice de l’autorité, au lieu de la faire servir au bien commun49.
Pour instaurer une vie politique vraiment humaine, rien n’est plus important que de développer le sens intérieur de la justice, de la bienveillance, du service du bien commun, et de renforcer les convictions fondamentales sur la nature véritable de la communauté politique. » GS chp IV n° 73.
Dans le numéro suivant, le Concile commence par rappeler que, s’il n’est pas de société sans but commun poursuivi par plusieurs, il n’est pas non plus de société sans autorité pour orienter, vers le bien commun, les volontés individuelles et arbitrer entre les opinions divergentes.
« Cette autorité publique trouve son fondement dans la nature humaine et relève par là d’un ordre fixé par Dieu ». GS chp IV n° 74,3.
L’autorité publique est avant tout une force morale. Aussi les dirigeants politiques doivent-ils toujours faire appel à la liberté et à la responsabilité des personnes et des groupes. Leur autorité doit également tendre à promouvoir le bien commun.
Dans ces conditions, les citoyens sont tenus en conscience d’obéir. Cependant, ils ne le sont plus, toutes les fois où l’autorité outrepasse ses droits et opprime les citoyens50. A ce sujet le Concile précise bien que, dans cette hypothèse,
« les citoyens n’ont pas à refuser ce qui est objectivement requis par le bien commun, mais ils doivent pouvoir défendre leurs droits et ceux de leurs concitoyens devant les abus du pouvoir, en respectant les limites tracées par la loi naturelle et la loi évangélique. ».GS chp IV n° 74,5.
Revenant sur le sujet de la collaboration de tous les citoyens à la vie publique, le Concile - au numéro 75 du chapitre IV - insiste sur la nécessité de concevoir des structures politico-juridiques qui permettent à tous de participer à la vie publique : dans le choix des constitutions, la mise en place des institutions et dans le choix des gouvernants.
Bien que le mot "démocratie" ne figure pas dans le texte conciliaire, c’est bien ce qu’il y a de meilleur dans le régime démocratique qui est reconnu.

Dans cet esprit le Concile met l’accent sur plusieurs points :
  • le devoir de voter.
  • la valeur de l’engagement politique.
  • l’importance de la formation civique et politique et sur les qualités requises à toute personne exerçant une responsabilité politique :
    « Pour que tous les citoyens soient en mesure de jouer leur rôle dans la vie de la communauté politique, on doit avoir un grand souci de l’éducation civique et politique ; elle est particulièrement nécessaire aujourd’hui pour l’ensemble des peuples et surtout pour les jeunes.
    Ceux qui sont, ou peuvent devenir, capables d’exercer l’art très difficile et en même temps très noble, de la politique, doivent s’y préparer ; qu’ils s’y livrent avec zèle, sans se soucier de leur intérêt personnel ni des avantages matériels. Ils lutteront avec intégrité et prudence contre l’injustice et l’oppression, contre la domination arbitraire et l’intolérance, qu’elles soient le fait d’un homme ou d’un parti politique ; ils se dévoueront au bien de tous avec sincérité et équité, bien plus, avec amour et le courage requis par la vie politique. »
  • le devoir du gouvernement de veiller à promouvoir les corps intermédiaires : comme les associations familiales, sociales culturelles, etc, notamment pour que les citoyens ne se déchargent pas de leurs responsabilités sur l’autorité publique.
A ce sujet le Concile formule une mise en garde à l’égard des citoyens:
« individuellement ou en association, qu’ils évitent de conférer aux pouvoirs publics une trop grande puissance ; qu’ils ne s’adressent pas à eux d’une manière intempestive pour réclamer des secours et des avantages excessifs, au risque d’amoindrir la responsabilité des personnes, des familles et des groupes sociaux. »
Dans le même numéro, le Concile fait le constat que l’autorité publique est souvent amenée avec raison à intervenir dans les affaires économiques et sociales pour assurer le bien commun. Il ne faut pas cependant qu’elle en arrive à adopter un régime totalitaire ou dictatorial qui serait la négation des droits de la personne.

Le Concile achève ce numéro par deux réflexions :
  • l’une, sur l’amour de la patrie51 dont il reconnaît la valeur, à la condition qu’il soit cultivé
    « sans étroitesse d’esprit, c’est-à-dire de telle façon qu’en même temps les citoyens prennent en considération le bien de toute la famille humaine qui rassemble races, peuples et nations, unis par toute sorte de liens. » 
  • l’autre, sur la légitime multiplicité des options politiques des chrétiens, et sur le respect que tous les citoyens doivent manifester à l’égard de ceux qui ne partagent pas leurs opinions politiques.
Le Concile conclut ce chapitre IV en traitant des relations entre la Communauté politique et l’Eglise.
Pour commencer, le Concile affirme l’autonomie de l’une par rapport à l’autre. La communauté politique, déclare-t-il, est chargée de promouvoir le bien commun temporel ;
« quant à l’Eglise qui n’est liée à aucun système politique, elle a pour mission de signifier et de sauvegarder le caractère transcendant de la personne. » GS chp IV n° 76,2
Tant la communauté politique que l’Eglise, toutes deux sont au service des mêmes personnes. Elles sont donc appelées à coopérer en se respectant mutuellement :
« La communauté politique et l’Eglise sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes dans le domaine qui est le leur. Mais toutes deux, bien qu’à des titres divers sont au service de la vocation personnelle des mêmes hommes. Toutes deux exerceront ce service pour le bien de tous avec d’autant plus d’efficacité qu’elles pratiqueront davantage entre elles une saine collaboration, en tenant compte des circonstances de temps et de lieux. ». GS chp IV n° 76,3.
En ce qui concerne plus spécialement l’Eglise, le Concile demande
« qu’elle puisse toujours et partout prêcher la foi avec une authentique liberté, enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entraves sa mission parmi les hommes, porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens, et ceux là seulement, qui sont conformes à l’évangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations. » GS chp IV n° 76,5.
Chapitre V : La sauvegarde de la paix et le développement de la communauté des Nations

Alors que l’humanité vient de sortir des guerres effroyables du XXème siècle, la Constitution consacre son dernier chapitre à la paix.
A la question qu’est-ce que la paix ? le Concile répond :
« que la paix n’est pas une pure absence de guerre et qu’elle ne se réduit pas seulement à assurer l’équilibre des forces adverses52; elle ne provient pas non plus d’une domination tyrannique, mais elle se définit exactement et proprement "œuvre de justice"…
La paix n’est jamais définitivement acquise, mais toujours à construire ».GS chp V n° 78,1.
Se situant dans la ligne de l’encyclique "Pacem in terris53", le Concile écrit que la paix est le fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par Dieu. Cet ordre est fondé sur la justice. Il a pour moteur l’amour ; un amour qui s’exprime par la reconnaissance mutuelle des personnes, le respect de la dignité de tous et par le partage des biens et des richesses matérielles, culturelles et spirituelles.

On remarquera que dans sa réponse, le Concile fait explicitement mention de "l’action non violente".
Tout en louant les adeptes de la non violence et la valeur d’une telle attitude, il reconnaît le droit à la légitime défense :
« Nous ne pouvons pas ne pas louer ceux qui, renonçant à l’action violente pour la défense des droits, ont recours à des moyens de défense qui, par ailleurs, sont à la portée même des plus faibles, pourvu que cela puisse se faire sans porter préjudice aux droits et aux devoirs des autres ou de la communauté. » GS chp V n° 78,5.
Les Pères conciliaires lancent ensuite à tous les hommes une véritable supplication : "mettez un frein à l’inhumanité des guerres".

Après avoir fait deux constats :
  • malgré les désastres causés par les deux derniers conflits mondiaux, la guerre existe toujours ; en outre, les belligérants utilisent des armes de plus en plus dévastatrices et inhumaines :
    « Du fait qu’on emploie des armes scientifiques de tout genre pour faire la guerre, son caractère sauvage menace d’amener les belligérants à une barbarie qui surpassera de loin celle des temps passés. »
  • le terrorisme qui se développe d’année en année, « est devenu une nouvelle forme de guerre ». GS chp V n° 79,1
le Concile énumère ensuite tout un ensemble de principes qu’il faut, à tout prix, respecter :
  • la condamnation de toutes les actions criminelles entreprises contre les personnes, les minorités ethniques ou contre les nations. Si de tels actes sont commandés, il y a obligation de résister ; dans ce cas précis, l’obéissance n’est pas une excuse.
    Parmi ces actions :
    « il faut compter avant tout celles par lesquelles… on extermine tout un peuple, une nation ou une minorité ethnique. Elles doivent être condamnées avec vigueur comme des crimes abominables. Et il faut louer au plus haut point le courage de ceux qui ne craignent pas de résister ouvertement à ceux qui ordonnent de tels crimes. »
  • les conventions internationales relatives aux soldats blessés, aux prisonniers, aux populations civiles ; celles-ci étant établies pour rendre les guerres moins inhumaines.
  • les lois qui protègent ceux qui refusent pour des motifs de conscience l’emploi des armes54, « à la condition que ces derniers servent d’une autre manière la communauté humaine. »
  • le droit des nations d’être armées et de s’engager dans une guerre, après avoir fait tout ce qui est possible pour régler un litige d’une manière pacifique. Entreprendre une guerre défensive est autre chose que se lancer dans une guerre offensive pour imposer son pouvoir sur une autre nation. GS chp V n°79,2-5.
Suite à cette énumération de règles à respecter, le Concile condamne en premier lieu, la "guerre totale", c'est-à-dire le type de guerre qui utilise des armes tellement puissantes55 qu’elles peuvent provoquer des destructions de villes entières et de vastes territoires avec leurs habitants. Bien plus, ajoute le Concile :
« si ces armes telles qu’elles existent actuellement dans les arsenaux des grands pays étaient entièrement utilisées, il en résulterait une destruction presque totale et pleinement réciproque de l’un des adversaires par l’autre. »
Le Concile qualifie ce genre de guerre de « crime contre Dieu et contre l’homme ; il doit être condamné fermement et sans hésitation ».GS chp V n° 80,4.

En second lieu, il s’oppose à "la course effrénée aux armements".
Déjà, dans l’encyclique "Mater et Magistra", le pape Jean XXIII condamnait avec la plus grande fermeté l’idée qu’il fallait développer les armements « pour dissuader de toute agression l’hypothétique agresseur56. »
Il soulignait en outre que la course aux armements était excessivement onéreuse (gaspillage d’énergie humaine et de ressources matérielles), et qu’elle pouvait entraîner une psychose de peur susceptible de déclencher une terrible catastrophe.

Aux propos de Jean XXIII, le Concile ajoute que le budget consacré à l’armement devient tel, en certains pays, qu’il constitue une injustice à l’égard des plus démunis qui pourraient bénéficier de l’argent déraisonnablement dépensé à des fins militaires :
« Tandis qu’on dépense des richesses gigantesques dans la préparation d’armes toujours nouvelles, il devient impossible de porter suffisamment remède à tant de misères si nombreuses du monde d’aujourd’hui.
Au lieu d’apaiser véritablement et radicalement les conflits entre nations, on en répand plutôt la contagion à d’autres parties du monde.
De nouvelles voies qui impliquent la réforme des esprits, devront être choisies pour mettre fin à ce scandale et pour pouvoir rendre la vraie paix à un monde libéré de l’angoisse qui pèse sur lui. C’est pourquoi, il faut, encore une fois, déclarer : la course aux armements est une plaie extrêmement grave de l’humanité et lèse les pauvres d’une manière intolérable. Et il est bien à craindre que, si elle persiste, elle enfante un jour les désastres funestes dont elle prépare déjà les moyens. » GS chp V n° 81,2 et 3.
D’où la nécessité, conclut le Concile, de travailler à mettre en place une instance internationale pour parvenir à "l’absolue proscription de la guerre57" :
« Il est clair que nous devons nous efforcer de préparer de toutes nos forces ce moment où, avec l’accord général des nations, toute guerre pourra être absolument proscrite. Ce qui, assurément, requiert l’institution d’une autorité publique universelle, reconnue par tous, qui dispose d’une puissance efficace en vue de garantir à tous la sécurité, la sauvegarde de la justice et la garantie des droits.
La paix exige des hommes qu’ils élargissent leur intelligence et leur cœur au-delà des frontières de leur propre pays, qu’ils renoncent à l’égoïsme national et à l’ambition de dominer les autres nations, et qu’ils nourrissent un profond respect envers toute l’humanité, qui s’avance avec tant de difficultés vers une plus grande unité…
D’où l’urgence et l’extrême nécessité d’un renouveau dans la formation des mentalités, et d’un changement de ton dans l’opinion publique.
Que ceux qui se consacrent à une œuvre d’éducation, en particulier auprès des jeunes, ou qui forment l’opinion publique, considèrent comme leur plus grave devoir celui d’inculquer à tous les esprits de nouveaux sentiments générateurs de paix. ». GS chp V n° 82,1-3.
Pour obtenir la paix, ajoute le Concile, il faut également bâtir une véritable Communauté internationale.
Une telle Communauté entre les nations exige la création d’Institutions internationales ayant pour objectifs de lutter contre « les excessives inégalités d’ordre économique », en organisant une véritable coopération et solidarité entre les nations pour favoriser leur développement, et contre toutes « les formes de domination » car celles-ci sont toujours sources de rivalités et de violences entre les peuples. GS chp V n° 83-85. Le chapitre s’achève en s’adressant tout particulièrement aux chrétiens. Il leur est expressément demandé plusieurs choses : par fidélité à l’évangile, d’ouvrir lucidement les yeux sur le problème de la pauvreté dans le monde, d’engager des actions d’ordre caritatif pour soulager dans l’immédiat « ceux et celles qui sont privés de ce qui est nécessaire pour la vie et connaissent les tourments, de la faim, des maladies et des misères de toute sorte », et d’organiser sur place des centres de formation pour aider ces populations à se développer par elles-mêmes, enfin de « s’efforcer de collaborer activement et positivement soit avec leurs frères séparés qui, ensemble avec eux, professent l’amour évangélique, soit avec tous les hommes qui aspirent à une paix véritable. »

Concernant le rôle des chrétiens dans les institutions internationales oeuvrant pour instaurer la paix et pour endiguer la misère dans le monde, le Concile conclut en formulant un vœu : « la création d’un organisme de l’Eglise universelle » pour inciter les catholiques à promouvoir effectivement le développement des nations pauvres et la justice sociale entre les peuples. GS chp V n° 88-90.

La Constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps recueillera 2309 voix contre 75 et sera approuvée par le pape Paul VI le 7 décembre 1965.
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1 On l’appelle "Constitution pastorale" parce qu’elle entend exprimer les rapports de l’Eglise et du monde, de l’Eglise et des hommes.
2 Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie et futur Jean-Paul II, a pris une part importante dans la rédaction de cette Constitution "Gaudium et spes".
3 Trois cardinaux restent attachés à la préparation de cette Constitution : Mgr Lercaro, archevêque de Bologne ; Mgr Montini, archevêque de Milan et futur Paul VI ; Mgr Suenens, archevêque de Malines-Bruxelles.
4 notamment sous les pontificats de Grégoire XVI et de Pie IX.
5 Il est significatif que la Constitution ne s’adresse pas uniquement à l’Eglise, mais à tous les hommes de bonne volonté.
6 "Paraclet", du grec "paracletos", "celui qu’on appelle à l’aide", "le défenseur".
7 Après ce préambule, une conclusion s’impose : l’Eglise sort d’une position défensive à l’égard de la modernité et s’ouvre à son temps.
8 à propos des difficultés qu’engendre le monde moderne, le Concile souligne notamment que l’humanité est partagée entre ceux qui possèdent d’immenses richesses et d’autres qui souffrent d’une pauvreté extrême dans tous les domaines : économique, culturel, sanitaire, etc.
Le Concile mentionne d’autres difficultés: d’une part, une immigration galopante qui entraîne des changements de vie chez les populations qui n’y sont pas préparées et qui craignent de perdre leur identité culturelle ; d’autre part, le problème des jeunes qui remettent en question les valeurs reçues et qui entrent en conflit avec les générations qui les précèdent.
9 On pourrait intituler également ce chapitre :" hymne à la grandeur de l’homme".
10 à l’image des Personnes de la Trinité qui se donnent l’une à l’autre.
11 Dès sa création, et pas seulement à un moment de l’histoire de l’humanité, l’homme s’est senti appelé à se tourner vers Dieu car l’Esprit Saint, dès l’origine, agissait en lui. (Voir biographie Père de Lubac).
12 le péché amoindrit l’homme mais ne lui enlève pas sa dignité.
13 c'est-à-dire, par la conscience qui l’habite.
14 "Agnostique", du grec "agnostos", "ignorant". L’agnostique est celui qui déclare que l’homme ne peut pas connaître ce qui est au-delà du donné expérimental.
15 Le mal et la souffrance demeurent pour beaucoup un obstacle à la foi au Dieu de l’évangile. Si Dieu est Amour, pensent-ils, pourquoi tant de malheurs et de catastrophes dans le monde ?
16 dans son ouvrage : "Le drame de l’humanisme athée", publié en 1945.
17 Sans les nommer, le Concile fait clairement allusion au nazisme en Allemagne, et au communisme en Union soviétique et dans les pays où il s’est implanté.
18 Les Pères conciliaires avaient déjà développé cette affirmation dans la Constitution sur L’Eglise, au paragraphe  consacré aux non chrétiens. Voir LG n° 16.page 58.
19 Le pape Paul VI dans son exhortation apostolique "Evangelii Nuntiandi" (1975) tiendra le même langage : "Il ne serait pas inutile que chaque chrétien et chaque évangélisateur approfondisse dans la prière cette pensée : les hommes pourront se sauver aussi par d’autres chemins, grâce à la miséricorde de Dieu, même si nous ne leur annonçons pas l’évangile".
20 Conçu à l’image du Dieu trinitaire (Dieu qui est Communion de trois Personnes), l’homme ne peut être fidèle à sa vocation que dans la mesure où il vit en profonde communion avec ses semblables.
21 et réciproquement.
22 même « les ennemis », disent-ils, doivent être traités humainement.
23 Le Concile condamne ici l’attitude de certains chrétiens qui, dans l’histoire, n’ont pas su reconnaître la légitime autonomie des sciences. (l’Affaire Galilée ; la crise moderniste).
24 LG  chap. I,8.
25 Si l’Eglise se reçoit de Dieu, elle se reçoit aussi des hommes. C’est une affirmation sans précédent dans un document ecclésiastique.
26 Allocution de Paul VI au corps diplomatique, le 8 janvier 1966.
27 Beaucoup de laïcs furent associés à l’élaboration de ce texte conciliaire.
28 Doctrine qui fait du plaisir le principe et le but de la vie.
29 Jamais cette affirmation n’avait été énoncée avec une telle netteté dans les documents ecclésiastiques.
30 On remarquera que le Concile s’abstient de condamner explicitement le contrôle des naissances.
31 Le Concile se refuse d’affirmer comme les encycliques "Arcanum" de Léon XIII et "Casti connubii" de Pie XI et comme les allocutions de Pie XII, sur le mariage, que le premier objectif du mariage est la procréation. Il s’étend longuement sur l’amour des époux ; la venue des enfants étant regardée comme l’aboutissement de cet amour. On remarquera que le mot "amour", pour qualifier l’amour conjugal, revient 32 fois.
On est loin de l’enseignement chez nombre de Pères de l’Eglise et de théologiens du Moyen Age (y compris saint Thomas d’Aquin) qui déclaraient qu’un homme ne devait s’approcher d’une femme que pour la procréation, et que celui qui vouait un amour passionné pour son épouse était condamnable. Saint Jérôme (IVème-Vème siècle) va jusqu’à dire :"Celui qui est pour sa propre épouse un amant très ardent est adultère."
32 Dans cette expression, "légitime promotion sociale de la femme", le Concile fait allusion aux femmes qui exercent une activité ou une profession hors du foyer.
33 ces échanges étant favorisés par les moyens modernes de communication qui permettent aux personnes de toute la planète de se rencontrer et de faire part de leur savoir et de leur mode de vie.
34 On remarquera que dans plusieurs textes conciliaires, il est fait mention du rôle important de la femme dans la société.
35 Le Concile demande également « aux croyants (en général) de vivre en très étroite union avec les hommes de leur temps et de s’efforcer de comprendre leur façon de penser et de sentir. »GS n°62,6.
36 "ex professo" : expression latine signifiant : "comme quelqu’un qui connaît parfaitement son sujet".
37 L’une des originalités de ce chapitre, c’est qu’il fait du développement l’axe central de sa réflexion.
38 Les encycliques "Rerum novarum" de Léon XIII (1891), "Quadragesimo anno" de Pie XI (1931) et "Mater et Magistra" de Jean XXIII (1964).
39 un sujet sur lequel le pape Jean XXIII revient souvent.
40 d’où la nécessité de veiller au développement des multiples dimensions humaines : matérielle certes, mais aussi sociale, culturelle et spirituelle.
41 au risque sinon de laisser libre cours à des agissements et des procédés dont les conséquences peuvent être désastreuses pour les personnes. A titre d’exemple, il suffit de penser aux méfaits des "subprimes" ou aux investissements spéculatifs.
42 Ce qui exige qu’on ne se laisse pas entraîner par ceux qui prétendent que les lois de l’économie, pour être bénéfiques, ne doivent pas être contrôlées.
43 Allusion à l’économie ultra libérale, mais aussi, à l’inverse, à l’économie productiviste des démocraties populaires.
44 "Mater et Magistra" n° 74.
45 Le pape Jean-Paul II dira dans son encyclique "Laborem exercens" , qu’il faut établir  « la priorité du travail sur le capital ».
46 Allusion aux "latifundia" : des domaines agricoles immenses d’Amérique du sud appartenant à des individus qui les exploitent très peu ou qui les mettent en réserve en vue de spéculations, alors que la population environnante vit dans la misère et l’asservissement.
47 Ce numéro peut aussi nourrir une réflexion sur l’écologie.
48 "Communauté politique" est entendue ici au sens de société politique.
49 Allusion aux régimes totalitaires.
50 comme c’est le cas dans les démocraties populaires.
51 C’est au sujet de la patrie que Paul VI fera cette déclaration : « Le nom de catholique n’enlève rien à la loyauté de leur amour envers la patrie, car l’appartenance à l’Eglise , loin de l’affaiblir, exalte et renforce leur amour et fait des citoyens les garants de sa sécurité, de sa paix et de son progrès véritable. »
52 Il est, en effet, des paix trompeuses car un ordre apparent peut cacher un désordre de fait. La paix est le fruit d’un bon ordre de la société humaine.
53 du pape Jean XXIII, en 1963.
54 ce qu’on appelle l’objection de conscience.
551 comme les armes nucléaires. A propos de ces armes de destruction massive, le Concile affirme, pour la première fois, que la légitime défense ne justifie pas leur utilisation.
56 "Mater et magistra" n° 206.
57 Le principe de cette instance internationale a été maintes fois affirmé par les papes depuis le pape Benoît XV (1914-1922).

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