samedi 20 juillet 2013

La Constitution sur l’Eglise (Lumen Gentium)

« Lumen gentium1 »

La Constitution sur l’Eglise est considérée - d’un point de vue doctrinal - comme le document conciliaire le plus important. Elle constitue la synthèse de la pensée de l’Eglise sur son mystère et sur sa mission universelle. Elle complète et équilibre la Constitution "Pastor aeternus" de Vatican I centrée sur l’Infaillibilité pontificale.

Le mystère de l'Eglise2

Elle n'est pas une Eglise de "purs"

Après la persécution par l’empereur romain Dioclétien, vers l’année 303, qui a provoqué l’apostasie de nombreux chrétiens avec, parmi eux, des prêtres et même des évêques, Donat, évêque de Numidie3, en Afrique du Nord, prétend que l’Eglise ne peut être qu’une Eglise de "purs". Pour lui, l’Eglise ne peut être constituée que de chrétiens restés fidèles jusqu’au bout, malgré les menaces de mort qui ont pesé sur eux.
Aussi, après avoir dénoncé l’ensemble des "lapsi4", Donat déclare que les prêtres et les évêques qui ont renié leur foi par peur des persécutions ne peuvent plus être considérés comme ministres du Christ, et, qu’en conséquence, les sacrements qu’ils dispensent ne sont pas valides.
Cette déclaration (hérétique) qui a pour nom le donatisme5 entraîne, en Afrique du Nord, un schisme qui attire tellement d’adeptes que saint Augustin, évêque d’Hippone doit intervenir.
Face au raisonnement de Donat affirmant que les clercs indignes ne peuvent plus être regardés comme ministres du Christ, saint Augustin oppose le raisonnement suivant qui sera approuvé au concile de Carthage en 411 : quels que soient les ministres, dignes ou indignes, c’est toujours le Christ qui agit ; à travers eux, c’est toujours le Christ qui confère les sacrements :
« Pierre baptise, dit-il, mais c’est toujours le Christ lui-même qui baptise.
Paul baptise, mais c’est toujours le Christ qui baptise.
Judas baptise, mais c’est toujours le Christ qui baptise. »
Ce problème de l’indignité des ministres et de la validité de leurs actions auprès des chrétiens, resurgit périodiquement dans l’histoire de l’Eglise, notamment :
  • au XIIème siècle, avec les vaudois et ensuite les cathares6.
  • au XIVème siècle, avec le théologien anglais John Wyclif puis le théologien tchèque Jan Huss7.
  • au XVIème siècle, avec Martin Luther et Jean Calvin qui font la distinction entre l’Eglise invisible (celle constituée de chrétiens animés par une vraie foi) et l’Eglise visible (l’Eglise institutionnelle)8.
Chaque fois, l’Eglise répondra en reprenant l’argumentation de saint Augustin citée plus haut.

Qu'est-ce que l'Eglise ?

Pour la première fois dans l’histoire du christianisme, un Concile - par la voix des cardinaux Suenens9 et Montini10 - se saisit de cette question :

« Église que dis-tu de toi-même ? »
Une question que Jean Baptiste Montini développe en ces termes, à l’issue de la première session du Concile :

«  Au Concile, l’Eglise se cherche elle-même ; elle tente avec une grande confiance et avec un grand effort de mieux se définir, de comprendre elle-même ce qu’elle est. Après vingt siècles d’histoire, l’Eglise semble comme submergée par la civilisation profane, comme absente du monde actuel. Elle éprouve alors le besoin de se recueillir, de se purifier, de se refaire pour pouvoir reprendre avec une nouvelle énergie son propre chemin…
Tandis qu’elle entreprend ainsi de se qualifier et de se définir, l’Eglise cherche le monde, tente de venir en contact avec cette société.
Et de quelle manière réaliser ce contact ? Elle raccroche le dialogue avec le monde, lisant les besoins de la société où elle opère, observant les carences, les nécessités, les souffrances, les espérances qui sont au cœur de l’homme. »
La constitution

A cette question : "qu’est-ce que l’Eglise ?" les Pères conciliaires répondent que l’Eglise est "humano-divine", c’est-à-dire qu’elle est constituée d’un élément humain et d’un élément divin,  et qu’à ce titre elle est à la fois visible et invisible :

«  Cette communauté (qu’est l’Eglise) structurée hiérarchiquement d’une part, et le Corps mystique du Christ d’autre part, l’assemblée visible et la Communauté spirituelle, l’Eglise de la terre et l’Eglise riche des biens célestes, ne doivent pas être considérées comme deux entités, mais elles forment une seule réalité complexe constituée d’un élément humain et d’un élément divin étroitement liés. » LG  chp I n°8,1.
L’Eglise est "humaine" parce qu’elle est composée de femmes et d’hommes, avec leurs grandeurs et leurs faiblesses.
Elle est "divine" parce que, selon l’expression de saint Paul, le Christ fait "corps" avec elle11 et parce qu’elle est animée par l’Esprit Saint.
Pour affirmer cette union (humano-divine), les Pères remettent en valeur une formule ancienne, à savoir que l’Eglise est "le Sacrement du Christ" :
«  L’Eglise étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, elle se propose de mettre dans une plus vive lumière… sa propre nature et sa mission universelle. » LG  chp I n°1
En réutilisant l’expression "Eglise, sacrement du Christ", les Pères affirment que l’Eglise est le signe de la présence du Christ dans le monde12; en d’autres termes, que c’est par l’Eglise que le Christ se montre et se donne à tous les hommes. L’Eglise n’est pas le Christ ; elle n’existe et ne vit que pour signifier la présence du Christ au cœur de notre humanité.

Le mot "sacrement" qui lui est attribué traduit également le fait que l’Eglise n’est pas l’œuvre des hommes – en d’autres termes, qu’elle n’est pas une institution comme les autres – mais qu’elle vient du Christ et que c’est de lui qu’elle a reçu sa mission ; sa mission, comme sacrement du Christ, étant de se mettre au service de tous les hommes et de devenir pour eux la condition d’une rencontre personnelle avec le Christ. L’Eglise n’existe pas pour elle-même mais pour l’humanité : pour réaliser la communion entre les hommes et Dieu.
Si le Christ se tient et vit au cœur de l’Eglise comme lui-même l’a promis :
«  Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des siècles13 »,
l’Eglise est à ce titre revêtue de "sainteté".
L’Eglise est "Sainte" par le Christ qui en a fait son Corps et par l’Esprit Saint qui l’anime, mais l’histoire du christianisme est là pour nous rappeler qu’elle ne l’est pas toujours dans ses membres marqués par les faiblesses et les infirmités de la nature humaine.
Tous, sans exception, reconnaît le Concile, nous sommes des pécheurs; d’où la nécessité d’une conversion et d’une purification permanente pour que l’Eglise devienne toujours plus digne de la mission que le Christ lui a confiée et dont elle a la responsabilité :
« Tandis que le Christ, saint, innocent, sans tâche, n’a pas connu le péché…, l’Eglise, elle, comprend dans son propre sein des pécheurs ; elle est donc à la fois appelée sainte et appelée à se purifier, poursuivant constamment son effort de pénitence et de renouvellement14. » LG  chp I n°8,2.
Ainsi, à la lumière de l’évangile, s’impose à l’Eglise constituée d’hommes et de femmes tous pécheurs, un véritable "aggiornamento" ; c’est-à-dire « une réforme permanente dont elle a perpétuellement besoin en tant qu’institution humaine et terrestre. » UR  chp II n°6.

Un nouveau nom donné à l'Eglise

Depuis le Moyen Age15, l’Eglise était considérée comme une "société" constituée à l’image d’une pyramide : avec au sommet le pape, puis les évêques, puis les prêtres et enfin, à la base, la foule des fidèles.
Telle est encore la vision qu’a le pape Pie X dans son encyclique "Vehementer nos" publiée en 1906, c'est-à-dire une quarantaine d’années ans après le dogme de la primauté pontificale :
« L’Eglise, écrit-il, est par essence une société inégale, c’est-à-dire comprenant deux catégories de personnes : les pasteurs et le troupeau… Quant à la multitude elle n’a pas d’autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs16. »
Reprenant la définition que les Pères de l’Eglise donnent de l’Eglise, le Concile Vatican II présente celle-ci, non plus comme une société hiérarchisée, mais comme "le Peuple de Dieu17"; un Peuple qui est "le Corps du Christ" et "le Temple de l’Esprit Saint". LG chp II n°9.

Une autre nouveauté au concile Vatican II
Le tout autre regard que la hiérarchie porte sur elle-même


Alors qu’avant le Concile Vatican II, pour les évêques et les clercs en général, parler de l’Eglise c’était parler de la hiérarchie ecclésiastique et de l’autorité qu’elle exerçait sur les fidèles18, peu à peu une tout autre conception commence à naître ; elle se résume en un mot : la "diakonia19". Un véritable retournement va s’opérer, car désormais, les Pères conciliaires, approfondissant leurs réflexions, déclarent que la hiérarchie n’a pas été instituée par le Christ d’abord pour "gouverner", mais pour se mettre au service du Peuple de Dieu, car c’est lui qui, aux yeux de Dieu, est premier. La hiérarchie, ajoutent-ils, n’existe que pour le Peuple de Dieu et se doit, en conséquence, de considérer son rôle uniquement comme un "ministère", c'est-à-dire comme un "service" :
«  La charge confiée par le Seigneur aux pasteurs de son peuple, est un véritable service (et donc, pas un pouvoir au sens humain du terme) ; dans la Sainte Ecriture, (le rôle des pasteurs) est appelé expressément diakonia20 ou ministère. » LG  chp III n°24
"L’aggiornamento" de l’Eglise, réclamé dès le début du Concile, ne pourra se réaliser, affirment les Pères, que dans cette perspective.
Comme l’a enseigné le Christ dans l’évangile du Lavement des pieds (Jean 13, 12-18), ceux qui président dans l’Eglise sont appelés à se comporter non pas comme des "maîtres", mais comme des "serviteurs". Telle est la condition pour que l’Eglise retrouve son rayonnement dans le monde21.
En effectuant ce retournement, c’est-à-dire ce passage d’une attitude d’autorité à une attitude de service et de don d’elle-même à tous les hommes, l’Eglise se réfère à Dieu lui-même car, dit l’apôtre Jean, "Dieu est Amour22" et, en conséquence, n’existe que pour accueillir et se donner :
  • se donner en lui-même, puisque Dieu est "trine", c'est-à-dire, communion de trois personnes, chacune ne vivant que pour les deux autres.
  • se donner à l’humanité par l’Incarnation de son Fils Jésus Christ.
L'Eglise : le peuple de Dieu conçu à l'image de la Trinité

Le Peuple de Dieu étant considéré comme premier aux yeux de Dieu, c’est à lui et non à la hiérarchie ecclésiastique que les Pères - contrairement aux Conciles précédents - consacrent les premiers chapitres de la Constitution sur l’Eglise.
Reprenant la première épître de saint Pierre  s’adressant aux chrétiens :
« Vous êtes la race élue, la communauté sacerdotale, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis23 »,
les Pères du Concile présentent l’Eglise comme étant "le nouveau Peuple de Dieu" ; un peuple en continuité avec le peuple d’Israël24 rassemblé à l’appel de Dieu sur le mont Sinaï.
Ce qui était un appel à un peuple déterminé - le peuple juif - est devenu un appel universel, adressé de nouveau par Dieu, au monde entier, c’est-à-dire :
« aux juifs comme aux païens, pour en faire un peuple qui se rassemblerait dans l’unité, non pas selon la chair mais dans l’Esprit. » LG  chp II n°9.
Ainsi, à l’Ancienne Alliance établie avec Moïse, a succédé « une Nouvelle Alliance instituée par le Christ dans son sang » LG  chp II n°9.

Juste après, le Concile ouvre une parenthèse au sujet des non-chrétiens. Il précise que ces derniers sont eux aussi « ordonnés au Peuple de Dieu » et peuvent accéder au salut :
« Ceux qui cherchent Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de la grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel. » LG chp II n°16.
Reprenant sa réflexion sur le Peuple de Dieu, le Concile ajoute que ce Peuple a été conçu à l’image de la Trinité, c’est-à-dire à l’image de Dieu qui est Communion de trois personnes : le Père et le Fils unis par l’Esprit Saint :
« Quand le Seigneur Jésus prie le Père pour que "tous soient un… comme nous nous sommes un" (Jean 17,21-22), il ouvre des perspectives inaccessibles à la raison, et Il nous suggère qu’il y a une certaine ressemblance entre l’union des Personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour.
Cette ressemblance montre clairement que l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se réaliser que par le don sincère de lui-même. ».GS chp II n°24,3.
Puisque Dieu est Communion et a conçu l’Eglise à son image, la réalité de l’Eglise (et de ses membres) est d’être, elle aussi, communion25; une communion où toutes les personnes, aux yeux de Dieu, sont fondamentalement à égalité26 (en dignité) et appelées à la sainteté :
« Commune est la dignité des membres  du fait de leur régénération dans le Christ ; commune la grâce d’adoption filiale ; commune la vocation à la perfection… Il n’y a donc, dans le Christ et dans l’Eglise aucune inégalité qui viendrait de la race ou de la nation, de la condition sociale ou du sexe, car "il n’y a ni juif ni grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme, vous n’êtes tous qu’un dans le Christ Jésus27".
Si donc, dans l’Eglise, tous ne suivent pas le même chemin, tous, cependant, sont appelés à la sainteté et ont, par la justice de Dieu, reçu une foi du même prix.
Même si certains, par la volonté du Christ, sont institués docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l’activité commune à tous les fidèles dans l’édification du Corps du Christ, il règne entre tous une véritable égalité28».LG  chp IV n° 32,1.
  De par son baptême, tout fidèle participe au sacerdoce du Christ

Incorporé au Christ par le baptême et devenu ainsi participant de ce que le Christ est en lui-même, tout chrétien, affirment les Pères du Concile, est comme le Christ : prêtre, prophète et roi.
"Prêtre", non pas parce qu’il exerce un ministère de "clerc", mais parce que comme le Christ, tout baptisé est appelé à faire de toute sa vie une offrande spirituelle à Dieu le Père :
«  En effet, toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leur travail quotidien, leurs détentes intellectuelles et corporelles, s’ils sont vécus dans l’Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie, pourvu qu’elles soient patiemment supportées, "tout cela devient offrandes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus Christ29" ; et dans la célébration eucharistique (présidée par le prêtre), ces offrandes rejoignent l’oblation du Corps du Christ pour être offertes en tout amour au Père30.
C’est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte d’adoration. ».LG  chp IV n°34,1.
  "Prophète", parce que, comme le Christ, tout baptisé a pour mission d’annoncer, par ses paroles, ses actes et sa manière de vivre, la Parole de Dieu :
« Le Christ, grand prophète… accomplit sa fonction prophétique jusqu’à la pleine manifestation de la gloire, non seulement par la hiérarchie (ecclésiastique) qui enseigne en son nom et avec son pouvoir, mais aussi par les laïcs dont il fait pour cela également des témoins en les dotant du sens de la foi et de la grâce de la parole, afin que brille dans leur vie quotidienne, familiale et sociale, la force de l’évangile. » LG  chp IV n°35,1.
  "Roi", parce que le Christ, par sa résurrection au matin de Pâques, destine tout baptisé à entrer avec lui dans la gloire de son Royaume :
« Le Christ… ayant été exalté par le Père, est entré dans la gloire de son Royaume… Ce pouvoir, il l’a communiqué à ses disciples pour qu’ils soient eux aussi établis dans la liberté royale… et connaissent ainsi la liberté glorieuse des fils de Dieu. » LG  chp IV n°36,1.
  C’est parce que tout chrétien est "prêtre", "prophète" et "roi", que l’Eglise parle du "sacerdoce commun des fidèles31" :
Le Seigneur Jésus, « que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde fait participer tout son Corps à l’onction de l’Esprit qu’il a lui-même reçue : en lui tous les chrétiens deviennent un sacerdoce saint et royal, offrant des sacrifices spirituels à Dieu par Jésus Christ, et proclamant les hauts faits de celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière. » PO  chp I,2.
  Le sacerdoce des fidèles consiste, comme on vient de le dire, à faire de toute leur vie une offrande spirituelle au Père, mais aussi - comme on le verra plus loin – à être les témoins et les apôtres du Christ  dans leurs relations humaines, leurs responsabilités et leurs engagements, au cœur du monde dans lequel ils sont "plongés"
« La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c’est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée.
A cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leur propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et pour manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie, rayonnant de la foi, d’espérance et de charité.
C’est à eux qu’il revient, d’une manière particulière, d’éclairer et d’orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle sorte qu’elles se fassent et prospèrent constamment selon le Christ. » LG chp IV n°31
  Ainsi, au regard des Pères conciliaires, les laïcs au sein du Peuple de Dieu ont une responsabilité ecclésiale : permettre à l’Eglise d’être présente dans le monde :
« L’apostolat des laïcs est une participation à la mission salvifique elle-même de l’Eglise…
Les laïcs sont appelés tout spécialement à assurer la présence et l’action de l’Eglise dans les lieux et les circonstances où elle ne peut devenir autrement que par eux le sel de la terre.
Ainsi tout laïc, en vertu des dons qui lui ont été faits (le baptême, la confirmation et l’eucharistie) constitue un témoin et en même temps un serviteur vivant de la mission de l’Eglise elle -même. » LG  chp IV n°33.
  C’est pourquoi, en conclusion, les Pères ne résistent pas à l’envie de citer une parole extraite d’un très vieil écrit datant du IIème siècle ou du tout début du IIIème :
 «  Chacun des laïcs doit être devant le monde le témoin de la résurrection de la vie du Seigneur et signe du Dieu vivant.
Tous ensemble et chacun pour sa part doit nourrir le monde des fruits spirituels et répandre sur lui cet esprit qui anime les pauvres, les doux, les pacifiques que le Seigneur dans l’évangile proclame bienheureux.
En un mot "ce que l’âme est dans le corps, il faut que les chrétiens le soient dans le monde32". ».LG chp IV n°38
  Le sacerdoce ministériel des prêtres

Le mot "presbytre33", d’origine grecque, qui sera traduit par le mot "prêtre", désignait, dans l’Eglise primitive, le ou les responsables de Communautés chrétiennes ayant reçu des apôtres la mission de rassembler les chrétiens (de leur communauté) dans la prière et autour de l’eucharistie.
Ce n’est qu’au début du IIIème siècle, que l’Egise utilise le mot "prêtre" pour désigner ceux qui ont pour fonction officielle de célébrer l’eucharistie et le sacrement de la réconciliation ; distinguant ainsi les prêtres, de ceux qu’elle appelle les "laïcs34". A partir de cette période, les Conciles enseignent que le prêtre est regardé comme celui qui agit "in persona Christi", c’est-à-dire "au nom de la personne du Christ35".
Le Christ étant le seul véritable Prêtre, ceux qui exercent le ministère36 sacerdotal (évêques et prêtres) ont pour fonction, non pas de le remplacer, mais uniquement de le "re-présenter37", c’est-à-dire de signifier qu’à travers eux le Christ est réellement présent au sein de la Communauté chrétienne et qu’il se donne totalement à elle.
C’est par les apôtres que le ministère sacerdotal - qu’ils avaient reçu du Christ - a été transmis à leurs successeurs (les évêques) et aux collaborateurs de ces derniers (les prêtres) :
« Le Christ a "envoyé" ses apôtres comme lui-même a été "envoyé par le Père" (Jn 20,21) ; puis par les apôtres eux-mêmes, il a fait participer à sa consécration et à sa mission les évêques, leurs successeurs, dont la fonction ministérielle a été transmise aux prêtres à un degré subordonné, de façon que ceux-ci, établis dans l’Ordre du presbytérat soient les coopérateurs de l’Ordre épiscopal, dans l’accomplissement de la mission apostolique confiée par le Christ. » PO  chp I,2.
  Par rapport au sacerdoce des fidèles, le rôle spécifique de ceux qui ont reçu un ministère est d’annoncer, au nom du Christ, l’Evangile et de célébrer les Actes du Christ, en particulier l’eucharistie et le sacrement du pardon :
« Le même Seigneur, voulant faire des chrétiens un seul corps où "tous les membres n’ont pas la même fonction" (Rm 12,4), a établi parmi eux des ministres qui, dans la communauté des chrétiens, seraient investis par l’Ordre du pouvoir sacré, d’offrir le Sacrifice et de remettre les péchés, et y exerceraient publiquement pour les hommes, au nom du Christ, la fonction sacerdotale. » PO chp I,2.
  Par l’onction du Saint Esprit à leur ordination, évêques et prêtres ont reçu la mission d’exercer dans le Corps du Christ (c’est-à-dire au sein du Peuple de Dieu) le rôle de Tête de ce Corps (c’est-à-dire de "re-présenter", aux yeux du Peuple de Dieu, le Christ, Tête de son Eglise) :
« La fonction du prêtre, en tant qu’elle est unie à l’Ordre épiscopal, participe à l’autorité par laquelle le Christ lui-même édifie, sanctifie et gouverne son Corps.
C’est pourquoi le sacerdoce des prêtres, s’il suppose les sacrements de l’initiation chrétienne (baptême, confirmation et eucharistie), est cependant conféré au moyen du sacrement particulier qui, par l’onction du Saint Esprit, les marque d’un caractère spécial, et les configure ainsi au Christ Prêtre pour les rendre capables d’agir au nom du Christ Tête. » PO chp I,2.
  En tant que "re-présentants" du Christ, Chef de son Eglise, évêques et prêtres ont pour fonction de se mette au service du Peuple de Dieu et de lui dispenser tous les dons du Christ. Il résulte de tout ce qui a été dit précédemment, que les deux formes de sacerdoce (le sacerdoce des fidèles et le sacerdoce ministériel des prêtres) sont indissociables :
« Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, qui ont entre eux une différence essentielle et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l’un à l’autre : l’un et l’autre, en effet, chacun selon son mode propre, participent à l’unique sacerdoce du Christ. Celui qui a reçu le sacerdoce ministériel jouit d’un pouvoir sacré pour former et conduire le peuple sacerdotal, pour célébrer, en la personne du Christ, le sacrifice eucharistique et l’offrir à Dieu au nom du peuple tout entier.
Les fidèles eux, de par le sacerdoce royal qui est le leur, concourent à l’offrande de l’eucharistie et exercent leur sacerdoce par la réception des sacrements, la prière et l’action de grâces, le témoignage d’une vie sainte, leur renoncement et leur charité active. » LG chp II n°10.
  La collégialité épiscopale

Le chapitre III de la Constitution sur l’Eglise est un des plus importants, en ce sens qu’il apporte un développement essentiel sur l’épiscopat : il aborde, en effet, l’énorme difficulté d’accorder les affirmations concernant la collégialité de l’épiscopat38 avec celles qui, au Concile Vatican I, définissaient la primauté et l’infaillibilité pontificale39.
La collégialité épiscopale n’allait-elle pas remettre en cause la primauté de l’évêque de Rome définie au Concile Vatican I ? Comment concilier en termes de pouvoir et de droit la primauté pontificale et la reconnaissance de la collégialité épiscopale ? Autant de questions délicates à traiter qui expliquent la longueur des discussions dont le chapitre III a fait l’objet40.
Ce chapitre commence par remettre en mémoire les définitions données par la Constitution "Pastor aeternus" de Vatican I centrée sur le pouvoir et l’infaillibilité du successeur de l’apôtre Pierre : l’évêque de Rome ; celui-ci étant, comme Pierre, reconnu comme le fondement de l’unité de l’Eglise et le garant de la communion universelle :
« Ce saint Concile, s’engageant sur les traces du premier Concile du Vatican, enseigne avec lui et déclare que Jésus Christ, Pasteur éternel, a édifié la sainte Eglise en envoyant ses apôtres, comme lui-même a été envoyé par le Père ; il a voulu que les successeurs de ces apôtres, c’est-à-dire les évêques, soient dans l’Eglise, pasteurs jusqu’à la consommation des siècles.
Mais pour que l’épiscopat lui-même fût un et indivis, il a mis le bienheureux Pierre à la tête des autres apôtres, instituant, dans sa personne, un principe et un fondement perpétuel et visible d’unité de la foi et de communion.
Cette doctrine du primat du pontife romain et de son infaillible magistère, quant à son institution, à sa perpétuité, à sa force et à sa conception, le saint Concile à nouveau le propose à tous les fidèles comme objet certain de foi. » LG chp III n°18.
  Ce n’est qu’après avoir rappelé les prérogatives du pape que les Pères conciliaires énoncent et explicitent la doctrine concernant les évêques41.
Avec beaucoup d’insistance, ils affirment que les évêques, successeurs des apôtres, forment ensemble un "collège42" qui, sous la conduite de l’évêque de Rome, perpétue le collège des douze Apôtres ; lesquels ont reçu du Christ la mission de diriger son Eglise43; et cela sous l’autorité de Pierre. Une mission confirmée le jour de la Pentecôte, c’est-à-dire le jour où tous furent remplis de l’Esprit Saint :
« Le Seigneur Jésus, après avoir longuement prié son Père, appela à lui ceux qu’il voulut, et en institua douze pour en faire ses compagnons et les envoyer prêcher le Royaume de Dieu ; il les a institués apôtres, leur donnant forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux.
Il les envoya… pour que, participant à son pouvoir, ils fassent de tous les peuples ses disciples, pour qu’ils les sanctifient et les gouvernent, propageant ainsi l’Eglise et remplissant peu à peu, sous la conduite du Seigneur, leur ministère pastoral tous les jours jusqu’à la consommation des siècles.
Le jour de la Pentecôte, ils furent pleinement confirmés dans cette mission selon la promesse du Seigneur : « Vous recevrez une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre ». LG  chp III n°19.
  Le Concile précise que cette "collégialité épiscopale ", ne peut s’exercer que moyennant plusieurs conditions :
  • se situer en toutes circonstances sous l’autorité de l’évêque de Rome44.
  • demeurer toujours en pleine communion avec lui.
  • ne prendre aucune initiative importante pour l’Eglise sans son consentement.
  • ne jamais porter préjudice à son pouvoir suprême.
  • se sentir, avec lui, responsable de l’Eglise universelle :
« De même que saint Pierre et les autres apôtres constituent de par l’institution du Seigneur, un seul collège apostolique, semblablement le Pontife romain, successeur de Pierre et les évêques successeurs des apôtres, sont unis entre eux.
Déjà, la très antique discipline en vertu de laquelle les évêques établis dans le monde entier vivaient en communion entre eux et avec l’évêque de Rome par le lien de l’unité, de la charité et de la paix, et de même la réunion de Conciles, où l’on décidait en commun de toutes les questions les plus importantes, par une décision que l’avis de l’ensemble permettait d’équilibrer, tout cela signifiait le caractère et la nature collégiale de l’ordre épiscopal ; celle-ci se trouve manifestement confirmée par le fait des Conciles œcuméniques tenus tout le long des siècles.
On la trouve également évoquée dans l’usage qui s’est introduit depuis l’Antiquité d’appeler plusieurs évêques pour coopérer à l’élévation d’un nouvel élu au ministère sacerdotal le plus élevé. C’est en vertu de la consécration sacramentelle et par la communion hiérarchique45 avec la Tête du Collège et ses membres que quelqu'un est fait membre du corps épiscopal.
Cependant, le Collège ou corps épiscopal n’a d’autorité que si on l’entend comme uni au Pontife romain, successeur de Pierre, comme à sa Tête et sans préjudice pour le pouvoir46 de ce primat qui s’étend à tous, pasteurs ou fidèles.
En effet, le Pontife romain a sur l’Eglise, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Eglise, un pouvoir plénier suprême et universel qu’il peut toujours exercer librement.
L’ordre des évêques qui succèdent au collège apostolique dans le magistère et le gouvernement pastoral… constitue, lui aussi, en union avec le Pontife romain, son chef, et jamais en dehors de ce chef, le sujet d’un pouvoir suprême et plénier sur toute l’Eglise, pouvoir cependant qui ne peut s’exercer qu’avec le consentement du Pontife romain47.
Le Seigneur a fait du seul Simon la pierre de son Eglise, à lui seul il en a remis les clés ; il l’a institué pasteur de tout son troupeau, mais cette charge de lier et de délier qui a été donnée à Pierre, a été aussi donnée, sans aucun doute, au Collège des apôtres unis à leur Tête. Par sa composition multiple, ce Collège exprime la variété et l’universalité du peuple de Dieu ; il exprime, par son rassemblement sous une seule Tête, l’unité du troupeau du Christ.
Dans ce Collège, les évêques fidèles à observer le primat et l’autorité de leur Tête exercent, pour le bien de leurs fidèles et même de toute l’Eglise, un pouvoir propre, l’Esprit Saint assurant par l’action continue de sa force, la structure et la concorde dans l’organisme.
Le pouvoir suprême dont jouit ce Collège à l’égard de l’Eglise universelle s’exerce solennellement dans le Concile œcuménique. Il n’y a jamais de Concile œcuménique s’il n’est, comme tel, confirmé ou tout au moins accepté par le successeur de Pierre : au Pontife romain appartient comme une prérogative de convoquer ces Conciles, de les présider et de les confirmer. Le pouvoir collégial peut être exercé en union avec le pape par les évêques résidant sur la surface de la terre, pourvu que la Tête du Collège les appelle à agir collégialement, ou du moins qu’il donne à cette action commune des évêques dispersés en des lieux différents son approbation ou sa libre acceptation pour en faire un véritable acte collégial. ».LG  chp III n°22.
  Deux chapitres plus loin, le Concile apporte une précision importante concernant le sens de la formule controversée du Concile Vatican I qui affirme en conclusion de la déclaration de l’infaillibilité pontificale :
« les définitions du pape sont dites, à juste titre, irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Eglise48. »
  A cette formule du Concile Vatican I, le Concile Vatican II ajoute, en effet :
« ...étant donné que ces définitions du pape ont été prononcées avec l’assistance de l’Esprit Saint qui lui a été transmise en la personne du bienheureux Pierre, par conséquent elles n’ont nullement besoin d’être approuvées par d’autres et n’admettent aucun appel à un autre jugement.
Dans ce cas, en effet, le pontife romain ne propose pas un avis en tant que personne privée, mais il expose ou défend la doctrine de foi catholique, en tant qu’il est, à l’égard de l’Eglise universelle, le maître suprême en qui réside, à titre singulier, le charisme d’infaillibilité qui est celui de l’Eglise elle-même49...
A ces définitions du pape, l’Eglise ne peut jamais faire défaut, étant donné l’action du même Esprit Saint qui conserve et fait progresser le troupeau entier du Christ dans l’unité de la foi. » LG chp III n°25.
  Ainsi, le Concile Vatican II précise que le pape et l’Eglise universelle étant tous les deux sous la mouvance de l’Esprit Saint, ne peuvent pas ne pas exprimer la même foi.
Le pape Paul VI accordait une telle importance à ce chapitre sur la collégialité épiscopale que, lors de la promulgation de la Constitution sur l’Eglise, il a voulu en faire lui-même un commentaire dont voici quelques extraits :
« C’est la doctrine de l’Épiscopat qui a été le point d’application le plus ardu et le plus mémorable de l’effort du Concile…
Qu’on nous permette de dire brièvement là-dessus notre sentiment…
Nous sommes satisfaits qu’on ait donné à l’étude et à la discussion de cette doctrine l’ampleur qu’elle méritait, et aux conclusions, une aussi grande clarté. Il le fallait pour compléter le premier Concile du Vatican…
On ne peut, nous semble t-il, en faire de meilleur commentaire qu’en disant que vraiment cette promulgation ne change en rien la doctrine traditionnelle. Ce que veut le Christ, nous le voulons aussi. Ce qui était demeure. Ce que l’Eglise a enseigné pendant des siècles, nous l’enseignons également. Ce qui était jusqu’ici simplement vécu se trouve maintenant exprimé. Ce qui était incertain est éclairci. Ce qui était médité, discuté et en partie controversé, parvient aujourd’hui à une formulation sereine… On ne sera pas sans remarquer l’insistance avec laquelle ce texte revient sur les prérogatives du Souverain Pontife. La matière l’exigeait pour prévenir toute erreur et établir avec la Constitution du premier Concile du Vatican, une continuité parfaite et indiscutable…
Il était très important qu’une telle reconnaissance des prérogatives du Pape soit explicitement exprimée au moment où l’on devait définir la question de l’autorité épiscopale dans l’Eglise, de telle façon que cette autorité apparaisse non en contraste mais en harmonie juste et constitutionnelle avec celle du Vicaire du Christ, chef du Collège épiscopal.
C’est cette relation intime et essentielle qui fait de l’épiscopat un corps unitaire, qui trouve dans l’évêque successeur de saint Pierre, non pas un pouvoir différent et étranger, mais son centre et son chef…
En reconnaissant ainsi, dans sa plénitude, la charge épiscopale, Nous sentons croître autour de Nous la communion de foi, de charité, de responsabilité, de collaboration.
Nous n’avons pas peur de voir Notre autorité diminuée ou battue en brèche quand Nous affirmons et célébrons la vôtre ; mais au contraire, Nous Nous sentons plus capable de guider l’Eglise universelle, vous sachant, chacun d’entre vous, à la recherche du même but ; plus confiant en l’aide du Christ, car tous ensemble nous sommes et nous voulons être plus étroitement unis en son nom.
Il faut donc apporter à ce point de la collégialité une attention exceptionnelle… »
  La sacramentalité de l'épiscopat

Par leur ordination épiscopale les évêques successeurs des apôtres50, reçoivent du Christ, comme ces derniers, la plénitude du sacerdoce et par là, le pouvoir d’enseigner la Parole de Dieu et la doctrine, de sanctifier par les sacrements et de gouverner, au nom du Christ, la population du territoire qui leur est confiée.
Pour assumer leur ministère, les évêques reçoivent comme les apôtres et leurs successeurs, une grâce particulière conférée par l’imposition des mains51.

Bien qu’étant ordonné pour « exercer leur autorité pastorale sur la portion du peuple qui leur a été confié, et non sur les autres Eglises ou sur l’Eglise universelle », l’évêque ne reste pas cantonné dans la seule responsabilité de son Église locale. Depuis toujours, en tant que membre du Collège épiscopal, il est associé avec les autres évêques à la co-responsabilité de l’Eglise universelle. LG chp III n°23.
C’est pourquoi, depuis les origines, les évêques se réunissent en Concile52 ou en synode pour traiter des différents problèmes de l’Eglise.

La Constitution sur l’Eglise résume la mission de l’évêque en ces termes :
«  En la personne des évêques assistés des prêtres, c’est le Seigneur Jésus Christ, Pontife suprême, qui est présent au milieu des croyants...
Choisis comme pasteurs pour paître le troupeau du Seigneur, ils sont les ministres du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu. A eux a été confiée la charge de rendre témoignage de l’Evangile de la grâce de Dieu et d’exercer le ministère glorieux de l’Esprit et de la justice.
Pour remplir de si hautes charges, les apôtres furent enrichis par le Christ d’une effusion spéciale de l’Esprit Saint descendant sur eux.
Eux-mêmes, par l’imposition des mains, transmirent à leurs collaborateurs, le don de l’Esprit qui s’est communiqué jusqu’à nous à travers la consécration épiscopale.
Le saint Concile enseigne que, par la consécration épiscopale, est conférée la plénitude du sacrement de l’Ordre, que la coutume liturgique de l’Eglise et la voix des saints Pères désignent, en effet, sous le nom de sacerdoce suprême, sommet du ministère sacré.
La consécration épiscopale, en même temps que la charge de sanctification, confère aussi des charges d’enseigner et de gouverner, lesquelles cependant, de par leur nature, ne peuvent s’exercer que dans la communion hiérarchique53 avec la Tête et les membres du Collège. » LG  chp III n°21.55
  Nota Bene : le synode des évêques

De très nombreux évêques demandèrent que soit institué, autour du pape et au dessus de la Curie, un Conseil international formé de délégués des Conférences épiscopales ; ce conseil étant une forme de participation des évêques au gouvernement de l’Eglise universelle55.
Avant son élection, Paul VI s’était montré favorable à une telle participation. Aussi, le 14 septembre 1965, lors du discours d’ouverture de la quatrième session, le pape annonça la création d’un synode d’évêques chargé de l’assister dans le gouvernement de l’Eglise :
« Nous avons la joie de vous annoncer que va être institué, selon le souhait de ce Concile, un synode d’évêques. Celui-ci, composé en majorité d’évêques nommés par les Conférences épiscopales, avec notre approbation, sera convoqué par le souverain Pontife, selon les besoins de l’Eglise, afin de lui apporter ses avis et son concours, lorsque cela lui semblera opportun pour le bien général de l’Eglise. Il Nous semble superflu d’ajouter que cette collaboration de l’épiscopat, doit être d’un grand avantage pour le Saint Siège et l’Eglise tout entière.
Elle pourra, en particulier, être utile pour le travail quotidien de la Curie romaine, à laquelle Nous devons tant de reconnaissance pour son aide très efficace, dont Nous avons constamment besoin, Nous-mêmes et les évêques dans leurs diocèses, pour les tâches de Notre mission apostolique. »
  Cette annonce sera suivie d’effet dès le lendemain, par la promulgation du Motu proprio "Apostolica sollicitudo" qui définissait le sens de cette nouvelle institution.
Cependant le contenu du Motu proprio décevra beaucoup de Pères conciliaires car la participation des évêques au gouvernement de l’Eglise universelle restait très en retrait par rapport à leur souhait : ces derniers demeuraient soumis à « l’autorité directe et immédiate du pape56 » et n’échappaient pas au contrôle de la Curie57.

Les prêtres : les coopérateurs des évêques

Pour accomplir leur mission, les évêques sont aidés par les prêtres de leur diocèse qui forment avec eux un collège appelé "presbyterium".
La Constitution sur l’Eglise présente le sacerdoce de l’évêque comme le sacerdoce premier dont le sacerdoce du prêtre est la participation et le prolongement.
La mission des prêtres est donc radicalement liée à celle des apôtres et, en conséquence, à celle des évêques, leurs successeurs.
Evêques et prêtres participent ensemble au même sacerdoce : le sacerdoce du Christ.
Ainsi, les Pères conciliaires en présentant le prêtre, non pas comme un subalterne, mais comme un réel "coopérateur" de l’évêque, nous font assister à une véritable promotion du sacerdoce du prêtre :
« Tout en n’ayant pas la charge suprême du pontificat et tout en dépendant des évêques dans l’exercice de leur pouvoir, les prêtres leur sont cependant unis dans la dignité sacerdotale ; et par la vertu du sacrement de l’Ordre, à l’image du Christ, Prêtre suprême et éternel, ils sont consacrés pour proclamer l’évangile, pour être les pasteurs des fidèles et célébrer le culte divin en vrais prêtres de la Nouvelle Alliance…
Coopérateurs avisés de l’Ordre épiscopal dont ils sont l’aide et l’instrument, appelés au service du Peuple de Dieu, les prêtres constituent avec leur évêque, un seul presbyterium aux fonctions diverses. En chaque lieu où se trouve une communauté de fidèles, ils rendent d’une certaine façon présent l’évêque auquel ils sont associés d’un cœur confiant et généreux, assumant pour leur part ses charges et sa sollicitude y apportant leur soin quotidien.
Sanctifiant et dirigeant, sous l’autorité de l’évêque, la portion du troupeau du Seigneur qui leur est confiée, c’est l’Eglise universelle qu’ils rendent visible aux lieux où ils sont…
Sans cesse tendus vers ce qui est le bien des fils de Dieu, ils doivent mettre leur zèle à contribuer à l’œuvre pastorale du diocèse entier ; bien mieux, de toute l’Eglise.
En raison de cette participation au sacerdoce et à la mission de leur évêque, les prêtres reconnaîtront en lui leur père et lui obéiront respectueusement. L’évêque, de son côté, considérera les prêtres, ses coopérateurs, comme des fils et des amis, tout comme le Christ appelle ses disciples non plus serviteurs, mais amis. » LG  chp III n° 28,1 et 2.
  Cette intime communion qui doit s’établir entre les évêques et leurs prêtres, saint Cyprien, évêque de Carthage, la vivait déjà au IIIème siècle :
« Dès le début de mon épiscopat je me suis fixé pour règle de ne rien décider d’après mon opinion personnelle sans votre conseil, à vous les prêtres et les diacres, et sans le suffrage de mon peuple58. »
  Les diacres

Dans l’Eglise primitive, le diacre59, après imposition des mains, recevait pour fonction d’être un proche assistant de l’évêque.
Il accomplissait diverses tâches : outre celle d’être au service de l’évêque et, par lui, de l’Eglise, il participait à l’annonce de l’évangile, administrait le sacrement du baptême, gérait les biens de l’Eglise et était chargé de distribuer aux plus pauvres les dons que recevait la Communauté chrétienne. Comme celui de l’ordination épiscopale et presbytérale, le premier rituel de l’ordination diaconale apparaît, lui aussi, au tout début du IIIèmesiecle, dans la "Tradition Apostolique60". Il comporte :
  • une imposition des mains par l’évêque seul (et non par les prêtres présents à l’ordination) pour signifier que le diacre n’est pas ordonné au sacerdoce mais au service de l’évêque ;
  • une prière d’action de grâce à Dieu le Père qui lui accorde une grâce particulière de l’Esprit Saint pour qu’il se mette au service de l’Eglise.
Le diaconat disparaît vers le VIIème- VIIIème siècle61.

C’est au concile Vatican II62 que les Pères décident de rétablir le diaconat comme un état permanent dans l’Eglise63. Dans la Constitution, ils commencent par définir sa place au sein du clergé et son rôle dans l’Eglise :
« Au degré inférieur de la hiérarchie (ecclésiastique) se situent les diacres auxquels on impose les mains non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du service.
La grâce sacramentelle, en effet, leur donne la force nécessaire pour servir le peuple de Dieu dans la "diaconie" (c’est-à-dire, le service) de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec l’évêque et son presbyterium.
Selon les dispositions prises par l’autorité compétente, il appartient aux diacres d’administrer solennellement le baptême, de conserver et de distribuer l’eucharistie, d’assister au nom de l’Eglise au mariage et de le bénir, d’apporter le viatique aux mourants, de donner lecture aux fidèles de la sainte Ecriture, d’instruire et exhorter le peuple, de présider au culte et à la prière des fidèles, d’être ministres des sacramentaux, de présider aux rites funèbres et à la sépulture.
Comme ces fonctions, nécessaires au plus haut point à la vie de l’Eglise, peuvent difficilement être remplies en beaucoup de régions dans le cadre de la discipline actuellement en vigueur dans l’Eglise latine, le diaconat pourra, à l’avenir, être rétabli comme degré propre et permanent de la hiérarchie...
  Puis, dans le même numéro, les Pères précisent les conditions du rétablissement du diaconat :
« … C’est aux Assemblées épiscopales territoriales compétentes, sous leurs diverses formes, qu’il appartient, avec l’approbation du Souverain Pontife, de décider de l’opportunité… de l’institution de tels diacres.
Si le Souverain Pontife y consent, ce diaconat pourra être conféré à des hommes mûrs, même mariés64, ainsi qu’à des jeunes gens aptes à cet office, mais pour lesquels la loi du célibat doit demeurer ferme. » LG  chp III n°2965.
  Rituel d'ordination dans la "tradition apostolique"
(début IIIème siècle)


Ordination épiscopale

« Qu’on ordonne comme évêque celui qui a été choisi par tout le peuple, qui est irréprochable.
Lorsqu’on aura prononcé son nom et lorsqu’il aura été agréé, le peuple se rassemblera avec le presbyterium ainsi que les évêques qui sont présents, le jour du dimanche.
Du consentement de tous, que ceux-ci (les évêques) lui imposent les mains et que le presbyterium se tienne sans rien faire.
Que tous gardent le silence, priant dans leur cœur pour la descente de l’Esprit.
Après quoi, que l’un des évêques présents, à la demande de tous, en imposant la main à celui qui est fait évêque, prie en disant :
« Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus Christ, Père des miséricordes et de toute consolation, qui habites au plus haut des cieux et regardes ce qui est humble, qui connais toutes chose avant qu’elles soient, toi qui as donné les règles à ton Eglise par la Parole de ta grâce, qui as prédestiné dès l’origine la race des justes descendants d’Abraham, qui as institué des chefs et des prêtres et n’a pas laissé son sanctuaire sans service ; Toi à qui il a plu dès la fondation du monde d’être glorifié en ceux que tu as choisis, maintenant encore répands la puissance qui vient de Toi, celle de l’Esprit souverain, que tu as donné à ton Enfant bien-aimé Jésus Christ, qu’il a accordé à tes saints apôtres qui ont fondé l’Eglise en tout lieu comme ton sanctuaire, pour la gloire et la louange incessante de ton nom.

Accorde, Père qui connais les cœurs, à ton serviteur que tu as choisi pour l’épiscopat, qu’il fasse paître ton saint troupeau et qu’il exerce à ton égard le souverain sacerdoce sans reproche, en te servant nuit et jour.
Qu’il rende sans cesse ton visage propice et qu’il offre les dons de ta sainte Eglise ; qu’il ait, en vertu de l’esprit du souverain sacerdoce, le pouvoir de remettre les péchés suivant ton commandement.
Qu’il distribue les charges suivant ton ordre et qu’il délie de tout lien en vertu du pouvoir que tu as donné aux apôtres ; qu’il te plaise par sa douceur et son cœur pur, en t’offrant un parfum agréable, par ton Enfant Jésus Christ, par qui à Toi gloire, puissance, honneur, Père et Fils avec le Saint Esprit dans la sainte Eglise, maintenant et dans les siècles des siècles. Amen. »
  Ordination presbytérale

« Quand on ordonne un prêtre, que l’évêque lui impose la main sur la tête, tandis que les prêtres le touchent également, et qu’il s’exprime, ainsi qu’il a été dit plus haut, comme nous l’avons dit pour l’évêque, priant et disant :
« Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus Christ, regarde ton serviteur que voici et accorde-lui l’Esprit de grâce et de conseil du presbyterium, afin qu’il aide et gouverne ton peuple avec un cœur pur, de même que tu as regardé ton peuple choisi et que tu as ordonné à Moïse de choisir des anciens que tu as remplis de l’Esprit que tu as donné à ton serviteur.
Maintenant encore, Seigneur, accorde, en le gardant indéfectible en nous, l’Esprit de ta grâce, et rends le digne une fois rempli de cet Esprit, de te servir dans la simplicité du cœur, en te louant par ton Enfant Jésus Christ, par qui à toi gloire et puissance, Père et Fils avec l’Esprit Saint dans la sainte Eglise, maintenant et dans les siècles des siècles. Amen.»
  Ordination diaconale

« Quand on institue un diacre, qu’on le choisisse ainsi qu’il a été dit plus haut, l’évêque seul lui imposant les mains, comme nous l’avons prescrit.
A l’ordination du diacre, que l’évêque seul lui impose les mains, parce que le diacre n’est pas ordonné au sacerdoce, mais au service de l’évêque, pour faire ce que celui-ci lui indique.
En effet, il ne fait pas partie du conseil du clergé, mais il administre et signale à l’évêque ce qui est nécessaire.
Il ne reçoit pas l’Esprit commun du presbyterium auquel participent les prêtres, mais celui qui lui est confié sous le pouvoir de l’évêque.
C’est pourquoi, que l’évêque seul ordonne le diacre ; mais sur le prêtre, que les prêtres également imposent les mains, à cause de l’Esprit commun et semblable de leur charge.
Le prêtre en effet, n’a que le pouvoir de le recevoir, mais il n’a pas le pouvoir de le donner. Aussi n’institue-t-il pas les clercs.
Cependant, pour l’ordination du prêtre, il fait le geste tandis que l’évêque ordonne. Sur le diacre (que l’évêque) dise ainsi :
« Dieu qui as tout créé et tout disposé par le Verbe, Père de Notre Seigneur Jésus Christ, que tu as envoyé pour servir suivant ta volonté et nous manifester ton dessein, accorde l’Esprit de grâce et de zèle à ton serviteur que tu as choisi pour servir ton Eglise et pour présenter dans ton sanctuaire ce qui t’est offert par celui qui est établi comme ton grand prêtre, à la gloire de ton nom, afin qu’en servant sans reproche et dans une vie pure, il obtienne un degré supérieur, et qu’il te loue et glorifie par ton Enfant Jésus Christ Notre Seigneur, par qui à Toi gloire, puissance, louange, avec l’Esprit Saint, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen. »
  Les laïcs66

Après avoir précisé les différentes fonctions de la hiérarchie, le Concile tourne son regard vers ceux qui portent le nom de laïcs. Tout de suite il déclare :
« Les pasteurs savent fort bien l’importance de la contribution des laïcs au bien de l’Eglise entière.
Les pasteurs savent qu’ils n’ont pas été institués comme tels pour assumer à eux seuls l’ensemble de la mission salvifique de l’Eglise à l’égard du monde, mais bien pour nourrir et conduire les fidèles de telle sorte que, chacun à sa façon, et selon ses grâces propres, apporte son concours à l’œuvre commune. ». LG chp IV n°30.
Tout laïc, en vertu des dons qu’il a reçus, est à la fois un témoin et un instrument vivant de la mission de l’Eglise elle-même. » LG chp IV n°33,2
  Cette phrase des Pères conciliaires exprime ainsi l’un des leitmotivs du Concile, à savoir l’harmonisation entre les dimensions verticales et horizontales de l’Eglise. Les pasteurs assument leurs responsabilités, mais ils le font de manière à encourager l’engagement actif de chaque fidèle à la mission de l’Eglise67.
"Coopérer", travailler ensemble, est un des maîtres mots du Concile Vatican II.

Le texte ci-dessous montre bien l’importance que les Pères conciliaires accordent  au rôle des laïcs dans l’Eglise :
« Il appartient aux laïcs, en raison de leur vocation propre, de chercher le Royaume de Dieu en gérant les affaires temporelles et en les ordonnant selon Dieu. Ils vivent dans le siècle, c’est-à-dire qu’ils sont engagés tous et chacun dans des emplois et des travaux du monde et dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale, dont leur existence est comme tissée.
C’est à cette place qu’ils sont appelés par Dieu, pour que, en accomplissant leur charge propre, en se laissant conduire par l’esprit évangélique, ils contribuent à la sanctification du monde comme du dedans, à la manière d’un ferment, et qu’ainsi ils manifestent le Christ aux autres, avant tout par le témoignage de leur vie, dans le rayonnement de leur foi, de leur espérance et de leur charité.
C’est donc à eux qu’il revient, à un titre particulier, d’éclairer et d’ordonner toutes les réalités temporelles, auxquelles ils sont étroitement liés, de telle façon qu’elles se fassent et se développent selon le Christ. » LG  chp IV n°31.
  La communion entre l'Eglise du Ciel et celle de la Terre

Dans la Constitution sur l’Eglise, le chapitre VII intitulé, "Le caractère eschatologique68de l’Eglise en marche et son union avec l’Eglise du ciel", traite des relations qui existent entre ceux que les Pères conciliaires appellent "la portion glorieuse du Peuple de Dieu", à savoir les saints, et ceux qui demeurent encore sur Terre.

D'emblée, le Concile affirme qu’il a un lien très fort et continu entre l’Eglise du ciel et celle de la terre. Etroitement unis au Christ, les saints nous sont, par le fait même, plus étroitement unis ; une union intime que l’Eglise appelle la "Communion des Saints" :
«  L’union de ceux qui sont encore en chemin, avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ, ne connaît pas la moindre intermittence ; au contraire, selon la foi constante de l’Eglise, cette union est renforcée par la communication des biens spirituels.

Etant, en effet, liés plus intimement avec le Christ, les habitants du ciel contribuent à affermir plus solidement l’Eglise en sainteté. Ils ennoblissent le culte que l’Eglise rend à Dieu sur terre et l’aident de multiples façons à donner plus d’ampleur à son édification.
En effet, accueillis dans la Patrie et présents devant le Seigneur, ils ne cessent par Lui, avec Lui et en Lui d’intercéder pour nous auprès du Père. » LG  chp VII n°49.
  En raison de notre communion avec les saints, nous sommes conviés, ici bas, à les prier pour qu’ils nous unissent toujours davantage au Christ :
«  Tout comme la communion entre les chrétiens de la terre nous approche de plus près du Christ, ainsi la communauté avec les saints nous unit au Christ de qui découlent… toute grâce et la vie du Peuple de Dieu lui-même…
Il convient au plus haut point que nous aimions ces amis et cohéritiers du Christ… et que nous les invoquions avec ardeur pour obtenir de Dieu par son Fils Jésus Christ les bienfaits dont nous avons besoin. » LG  chp VII n°50,2.
  Marie, figure et modèle de l'Eglise

Si Marie, fait l’objet du dernier chapitre de la Constitution sur l’Eglise, c’est en raison de la mission qu’elle a reçue du Christ dans l’Eglise.
Par toutes les grâces qu’elle a reçues dès sa conception et qui l’ont exemptée du péché ; par le "oui " qu’elle a prononcé le jour de l’Annonciation et qu’elle n’a jamais cessé de redire tout le long de son séjour sur terre,  et par son Assomption dans le ciel, Marie est la figure et le modèle de l’Eglise :
 « Marie, comme descendante d’Adam se trouve réunie à l’ensemble de l’humanité ; bien plus, "elle est vraiment Mère des membres du Christ puisqu’elle a coopéré par sa charité à ce que naissent dans l’Eglise des fidèles qui sont membres de cette Tête69".
« C’est pourquoi Marie est aussi saluée comme un membre suréminent et absolument unique de l’Eglise, et comme son image et son modèle le plus remarquable dans la foi et la charité, et l’Eglise catholique, instruite par l’Esprit Saint, l’entoure d’un sentiment de piété filiale, la considérant comme une mère très aimante. » LG chp VIII n°53
  Les Pères conciliaires, après avoir rappelé le rôle de Marie dans le mystère du Verbe incarné et du Corps mystique, soulignent :
« les devoirs des hommes envers la Mère de Dieu, Mère du Christ et Mère des hommes. Toutefois, ajoutent-t-il, le Concile n’a pas l’intention de présenter un enseignement doctrinal complet sur Marie ni de trancher des questions que le travail des théologiens n’a pas encore fait accéder à la pleine lumière. Par conséquent, gardent leurs droits les opinions qui sont proposées librement dans les écoles catholiques, au sujet de celle qui, dans la sainte Eglise, occupe, après le Christ, la place la plus élevée et en même temps la plus proche de nous ». LG chp VIII n°5470.
  En Marie immédiatement introduite dans la gloire de Dieu, l’Eglise peut contempler sa destinée et l’avenir glorieux qui l’attend :
« Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Eglise en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre, en attendant le jour de la venue du Seigneur, elle brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le Peuple de Dieu en pèlerinage. » LG chp VIII n°68.
  Marie, étant « Notre Mère, dans l’ordre de la grâce» (LG chp VIII n°61), précise le Concile, nous sommes tous conviés - en union avec nos frères séparés qui eux aussi la vénèrent - à prier Marie pour qu’elle fortifie notre foi, et pour qu’elle nous accompagne quotidiennement jusqu’à notre entrée dans le Royaume de Dieu :
« C’est une grande joie et consolation pour le Concile de voir que, parmi les frères séparés aussi, il n’en manque pas qui rendent à la Mère du Seigneur et Sauveur l’honneur qui lui est dû, en particulier chez les Orientaux… qui se montrent unis pour vénérer la Mère de Dieu toujours Vierge.
Il faut que tous les chrétiens adressent à la Mère de Dieu et des hommes, d’instantes supplications, afin qu’après avoir assisté de ses prières l’Eglise naissante, maintenant encore, tandis qu’elle est exaltée dans le ciel au dessus de tous les bienheureux et des anges, elle continue à intercéder auprès de son Fils, dans la communion de tous les saints, jusqu'à ce que toutes les familles des peuples, qu’ils soient déjà parés du beau nom de chrétiens ou qu’ils ignorent encore leur Sauveur, aient enfin le bonheur d’être rassemblés dans la paix et la concorde en un seul Peuple de Dieu. » LG  chp VIII n°69.
  Nota Bene : On remarquera que le Concile ne donne pas explicitement à Marie le titre de "Mère de l’Eglise".
C’est le pape Paul VI qui, à l’issue du Concile lui attribue ce titre :
« En ce Concile, de très nombreux Pères ont fait leur, Notre propre vœu en demandant instamment que soit explicitement déclarée, pendant ce Concile, la fonction maternelle que la Vierge Marie exerce envers le peuple chrétien….
C’est donc à la gloire de la Vierge et à notre réconfort que Nous proclamons Marie très sainte Mère de l’Eglise, c'est-à-dire de tout le peuple de Dieu, aussi bien des fidèles…
Nous souhaitons donc que la promulgation de la Constitution sur l’Eglise, renforcée par la proclamation de Marie, Mère de l’Eglise, c’est-à-dire de tous, fidèles et pasteurs, fasse que le peuple chrétien s’adresse à la Sainte Vierge avec plus de confiance et de ferveur et lui rende le culte et l’honneur qui lui reviennent71. »
  Après cette proclamation, le pape Paul VI fera construire une église dédiée à "Marie, Mère de l’Eglise".
A la suite d’un vote quasiment unanime (2151 voix pour, et 5 voix contre) et au milieu d’une profonde émotion, le pape Paul VI, le 21 novembre 1964, promulguait solennellement la "Constitution sur L’Église".

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1 « Lumière des nations. »
2 Comme titre au premier chapitre de la Constitution, les Pères conciliaires ont préféré le mot "mystère" à celui de "nature" (de l’Eglise), car l’Eglise ne peut pas se définir comme n’importe quelle société. Etant le "Corps du Christ", l’Eglise est indéfinissable.
3 en Afrique du Nord.
4 c’est-à-dire, les chrétiens qui sont "tombés", qui ont renié leur foi par peur.
5 Voir "Brève histoire des Conciles", tome I pages 20 et sq.
6 Voir "Brève histoire des Conciles", tome II pages 22 et sq.
7 ibidem, tome II, pages 59 et sq.
8 ibidem, tome III pages 12 et 27.
9 archevêque de Malines-Bruxelles et primat de Belgique.
10 archevêque de Milan, et futur successeur du pape Jean XXIII, sous le nom de Paul VI (voir fiche biographique).
11 Ro.12,4-5 et I Cor.12,27.
12 Le Concile fait passer d’une vision juridique (monarchique) de l’Eglise à une vision sacramentelle, puisque l’Eglise est présentée comme le signe de la présence du Christ dans le monde.
13 Mt 28,20.
14 Le Concile revient souvent sur la nécessité d’une "rénovation" de l’Eglise catholique.
15 plus précisément, depuis le pape Grégoire VII (1073-1085).
16 Pie X ne faisant que reprendre la définition de l’Eglise que donnent les papes depuis Grégoire VII au XIème siècle : une époque où l’Eglise, sous la pression des laïcs (principalement des princes), s’est sécularisée (voir "Brève Histoire des Conciles" Tome II pages 8 et sq.). Cette crainte de l’Eglise d’être inféodée au pouvoir politique a subsisté durant tous les siècles où il y a eu Alliance du Trône et de l’Autel.
17 Pour éviter de donner à l’expression "Peuple de Dieu" un sens trop politique et trop sociologique et pour ne pas oublier que "le Peuple de Dieu" n’est pas un peuple comme les autres, mais qu’il est le Corps du Christ habité par l’Esprit Saint, le pape Jean-Paul II, au synode de 1985, a insisté sur la notion d’Eglise comme "Communion".
18 On remarquera que"Lumen gentium" n’emploie plus le terme de "monarchie", en usage jusqu’alors dans tous les manuels de théologie pour désigner la structure de l’Eglise.
19 "diakonia" : mot d’origine grecque signifiant "service", "ministère".
20 Actes ; 1,17 et 25.
21 Un Père conciliaire dira : comme le Christ « la mission de l’Eglise est de"s’incarner" humblement dans le monde, de se "livrer" au monde. »
22 I Jn, 4,16.
23 I P,2,9.
24 Israël figure et prépare l’Eglise.
25 une communion, reflet de la Communion trinitaire. L’Eglise est "koinonia", c’est-à-dire "communion", parce que Dieu lui-même est Communion.
26 Les Pères conciliaires mettent l’accent sur l’égalité fondamentale de tous les membres de l’Eglise (notamment l’égalité des laïcs avec les membres de la hiérarchie. ). Dans le Décret sur "le ministère et la vie des prêtres" il rappelle combien est important le ministère des prêtres dans et pour le peuple de Dieu, mais il précise aussitôt : « avec tous les chrétiens, ils sont les disciples du Seigneur… Au milieu de tous les baptisés, les prêtres sont des frères parmi leurs frères, membres de l’unique Corps du Christ dont la construction a été confiée à tous. » (PO chp II, n°9)
27 Gal.3,28.
28 seules les fonctions exercées dans l’Eglise diffèrent. 29 I Pierre 2,5.
30 Les chrétiens sont en effet appelés à se joindre étroitement au célébrant lorsque celui-ci, au moment de la prière eucharistique, fait l’offrande du Corps du Christ au Père, c'est-à-dire celle du Christ et de toute son Eglise.
31 ou du "sacerdoce universel des fidèles".
32 "Lettre à Diognète" 6.
33 mot signifiant : "ancien","sage".
34 du grec "laikos ": "qui appartient au peuple".
35 LG,chp III n°28.
36 Rappelons que le mot "ministère" signifie "service". La fonction sacerdotale n’est pas un pouvoir mais une mission : servir les hommes pour qu’ils apprennent à se tourner vers Dieu.
37 dans le sens de "rendre présent" le Christ.
38 réclamée par la majorité des évêques qui voulaient se joindre au pape dans son gouvernement de l’Eglise universelle et mettre un terme au centralisme romain.
39 Voir "Brève Histoire des Conciles". Tome IV pages 47-56.
40 La crainte de la Curie était d’avoir un épiscopat qui participe avec le pape au gouvernement de l’Eglise. Certains voyaient dans la doctrine de la collégialité un conciliarisme déguisé (doctrine affirmant la supériorité de l’autorité du concile sur celle du pape). D’autres craignaient la formation d’Eglises nationales.
41 Le Concile Vatican I avait proclamé le dogme de l’Infaillibilité pontificale, mais n’avait pas défini la responsabilité des évêques dans l’Eglise.
42 Plus loin le Concile utilise le mot "corps" dont l’évêque de Rome est la "tête".
43 Le Christ a confié son Eglise, non pas à un seul, mais à l’ensemble des douze apôtres. En cela, est fondée la collégialité épiscopale.
44 en d’autres termes, l’autorité des évêques ne peut jamais s’exercer indépendamment du pontife romain.
45 Voir page 74 note 1 le sens qui a été donné à cette expression.
46 On remarquera que le Concile fait une distinction entre "la charge confiée aux évêques" (voir, plus loin, LG chp III n°21, page 74) et "le pouvoir du pontife romain". Pour être en droit d’exercer les fonctions liées à leurs charges, les évêques ont besoin d’un acte juridique du pape qui leur donne le pouvoir de les exercer. Autrement dit, c’est la primauté de la juridiction du pape qui est la source de la juridiction épiscopale.
47 Le Concile n’exclut pas une initiative de l’épiscopat ; cependant pour qu’il y ait un acte collégial, cette initiative requiert l’approbation ou le consentement du pape en tant que tête du collège des évêques.
48 Voir "Brève Histoire des Conciles". Tome IV pages 52 et 53.
49 En ce qui concerne l’infaillibilité de l’Eglise, voir Brève Histoire des Conciles. Tome IV pages 55 et 56.
50 Comme le relatent les Actes des apôtres et saint Paul dans ses épîtres, les apôtres, par le geste de l’imposition des mains, transmettaient à leurs successeurs le don de l’Esprit Saint et le pouvoir qu’eux-mêmes avaient reçus du Christ à savoir : évangéliser, baptiser, pardonner, célébrer l’eucharistie et gouverner l’Eglise. Les successeurs des apôtres accomplissaient le même geste de l’imposition des mains pour que l’Eglise ne reste pas sans responsables pour la gouverner. Cette succession ininterrompue depuis les origines est appelée "succession apostolique".
51 effectuée par les évêques consécrateurs (au moins trois) pour signifier que le nouvel évêque est agrégé au collège épiscopal.
52 comme les apôtres, au Concile de Jérusalem, en l’année 49.
53 C’est pour satisfaire la Curie que la formulation originelle "communion" (souhaitée par la majorité des Pères du Concile qui étaient pour une participation permanente des évêques au gouvernement de l’Eglise universelle) fut remplacée par l’expression" communion hiérarchique" soulignant ainsi : la subordination des évêques, la totale liberté d’action du pape et le fait que, dans l’exercice de son pouvoir, le collège des évêques dépend du consentement du pape.
54 On remarquera dans ces deux chapitres ("collégialité épiscopale" et "sacramentalité de l’épiscopat"), le nombre de fois où, malgré la reconnaissance de la collégialité, est rappelée la primauté pontificale.
55 Cette réflexion dans l’assemblée conciliaire du patriarche melkite Maximos IV (membre de la commission des Eglises orientales catholiques) traduit bien celle de la majorité des évêques : « il n’est pas bon que le conseil dont s’entoure le pape ne soit formé que de gens du diocèse de Rome. Malgré leurs connaissances et leur bonne volonté, ils ne peuvent pas être au courant des problèmes si différents qui se posent ici ou là. En tant que chef de l’Eglise universelle, il faut que le pape ait un conseil qui comporte les principaux évêques du monde. » A l’appui de sa déclaration, il rappelle que la collégialité remonte aux origines de l’Eglise et qu’elle s’est toujours maintenue dans les Eglises orientales. En Occident l’institution synodale a été abolie au XVIème siècle.
56 ce qui veut dire que ces synodes restent consultatifs ; le pape fixant lui seul le programme des synodes.
57 Le souhait des évêques fut victime de ce que certains ont appelé : "le spectre d’un congubernium"(expression utilisée la première fois par Joseph Ratzinger), c'est-à-dire (comme on l’a déjà souligné plus haut), la hantise qu’avait la Curie d’un "co-gouvernement" (pape-évêques). C’est cette hantise de la Curie d’empêcher à tout prix une participation de l’épiscopat au gouvernement de l’Eglise qui est présente dans les textes de Vatican II.
58 Pour les religieux, voir Décret "sur rénovation et adaptation de la vie religieuse" : tome V (2ème partie) page 255.
59 "Diacre " : du grec  "diakonos", "serviteur", "assistant".
60 Le premier rituel d’ordination épiscopale, presbytérale et diaconale que nous possédons date du tout début du IIIème siècle. On le trouve dans un document qui a pour nom "La Tradition Apostolique". Longtemps attribuée à un prêtre de Rome (mort martyr en 235), elle provient plus probablement de la Syrie occidentale, non loin d’Antioche.
61 peut-être en raison des tensions avec les prêtres qui les regardaient comme des concurrents ou comme inférieurs à eux ; peut-être aussi, parce que le fait de gérer les biens de l’Eglise donnait à certains trop de pouvoir.
62 à la demande instante de nombreux évêques d’Afrique et d’Amérique latine, notamment, souffrant d’un manque de prêtres.
63 Les théologiens Joseph Ratzinger (futur Benoît XVI) et Karl Rahner, joueront un rôle décisif dans le rétablissement du diaconat.
64 La décision d’ouvrir le diaconat permanent à des hommes mariés impliquait une modification des pratiques de l’Eglise d’Occident, dans laquelle les diacres, même ceux qui autrefois n’étaient pas ensuite ordonnés prêtres, se trouvaient dans l’obligation de respecter le célibat qui était devenu la règle.
65 C’est dans le cadre de la restauration du diaconat masculin que les femmes pourraient retrouver dans l’Eglise la place qui leur fait défaut. Autrefois les diaconesses recevaient une ordination propre par l’imposition des mains.
66 Voir en complément le Décret sur "l’Apostolat des laïcs" : tome V (2ème partie) page 207.
67 Les laïcs sont les témoins de la Résurrection dans un monde dont il leur appartient de "sanctifier" les activités, mais sans engager l’Eglise dans leurs options temporelles (par exemple leur engagement politique, syndical...).
68 "Eschatologie" : des mots grecs : "eschatos", "dernier" et "logos", "discours". L’eschatologie est la partie de la théologie qui traite de la destinée du Peuple de Dieu à la fin des temps, à savoir sa parfaite incorporation au Christ et par Lui son introduction dans le Royaume de Dieu, pour l’éternité. A la fin des temps l’univers, lui aussi, sera renouvelé et trouvera sa perfection.
69 Saint Augustin.
70 Le Concile admet donc que, concernant le rôle de Marie dans l’Eglise, il peut y avoir des opinions différentes.
71 Le terme "Marie corédemptrice" (c’est-à-dire : Marie rachetant les péchés au même titre que le Christ) souhaité par certains Pères conciliaires, sera rejeté.

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