samedi 22 mars 2014

Paul VI, pape (1963-1978)

Le maître d’œuvre du Concile Vatican II

Une jeunesse perturbée par une santé précaire

Comme le laisse entendre le nom, les Montini sont d’origine montagnarde. Dès le XVème siècle, le nom apparaît dans les environs de Brescia : une ville de Lombardie située au pied des Alpes italiennes.
Depuis le XVIIème siècle, les Montini, de génération en génération exercent la profession de médecin. Giorgio, le père de Giovanni Battista1 rompt avec la tradition familiale puisqu’il entreprend des études de droit.
Très vite, il est appelé à diriger le journal catholique de la ville de Brescia dans le but de faire front aux autres journaux d’esprit socialiste ou libéral.
En 1895, Giorgio se marie avec Guiditta Alghisi qui lui donnera trois fils. Giovanni Battista - qui est le second - naît à Concessio2, le 27 septembre 1897. Très vite il manifeste une santé très fragile qui l’handicapera toute sa jeunesse3 et un tempérament d’une grande sensibilité.
Peut-être est-ce en raison de sa nature maladive, que Battista4 montre, durant les premières années, un caractère difficile dont visiblement il souffre puisque le jour de l’anniversaire de son père, il lui promet par lettre :
« de mieux travailler à l’école, de ne plus commettre d’impolitesse envers les femmes de service, d’être bon avec tous et de ne plus répondre à sa mère. »
Lorsque Battista commence ses études, il doit périodiquement les interrompre, toujours pour des raisons de santé ; si bien que ses parents décident, en 1910, de le retirer définitivement du collège et de lui faire donner des cours particuliers.
Sa mère s’occupe attentivement de sa formation spirituelle. Elle lui fait notamment découvrir "l’Histoire d’une âme" de Thérèse de Lisieux pour laquelle Battista aura, jusqu’à la fin de sa vie, une grande dévotion.
Il semble que c’est au contact d’une Communauté bénédictine proche de son domicile, que germe sa vocation.
Après avoir songé à la vie religieuse5, Battista entre au séminaire de Brescia. Il a alors 19 ans.
Cependant, son état de santé ne lui permettant pas de supporter la vie d’internat,  il ne sera pas un séminariste ordinaire; c’est chez lui, avec l’assistance de quelques prêtres, qu’il se prépare au sacerdoce.
Bien loin de s’isoler, il se préoccupe très vite de créer une "Bibliothèque du soldat" pour distraire et entretenir la foi des combattants6.
Peu après, avec quelques amis, il forme un grand projet : défendre la liberté de l’enseignement. Pour y parvenir, il lance un journal dans lequel il réclame, entre autres, l’ouverture d’une université catholique.
En fin d’année 1919, il revêt la soutane7 et six mois plus tard, bien que souffrant, il est ordonné prêtre. Ce jour là, il se sent si faible qu’il écrit :
« A ce moment là, je n’avais même pas l’espoir de vivre longtemps. »
Son évêque le sachant trop fragile pour lui confier la charge d’une paroisse, et connaissant le goût de Battista pour le travail intellectuel, décide de l’envoyer à Rome où il pourra poursuivre ses études.
Plus tard, il aimera rappeler qu’il a suivi à la lettre le conseil que lui a donné son évêque :
« Lis l’histoire des Conciles ; prends Hefele8 et étudie-le. Tu y trouveras tout : c'est-à-dire théologie, philosophie, spiritualité, politique, humanisme, christianisme, erreurs, discussions, vérités, abus, lois, vertus et sainteté de l’Eglise. »

Trente années dans l'enceinte du Vatican

Arrivé à Rome, il s’inscrit à l’université grégorienne9 pour étudier la philosophie, mais aussi à la Sapienza10 : une université d’Etat, laïque ; manifestant par là  sa volonté de s’ouvrir au monde dans lequel il vit.
A l’université, il s’occupe activement des étudiants et prend fermement position en faveur du P.P.I. (Parti populaire italien11) ; un parti qui exige la liberté de l’enseignement et qui défend les droits de la famille.
En 1921, une page décisive se tourne dans la vie de Battista ; il est reçu au Vatican qui l’inscrit d’office à "l’Académie des nobles ecclésiastiques" : une institution de haut niveau  chargée de former les membres du clergé au service diplomatique du Saint Siège.
Deux années après, sous le pontificat de Pie XI (1922-1939), Battista qu’on appelle désormais Mgr Montini est affecté à la nonciature de Varsovie en tant qu’adjoint du nonce.
De Pologne, il continue à suivre la politique italienne. Dans les lettres qu’il envoie, il critique les membres du P.P.I. qui collaborent avec le parti fasciste de Mussolini arrivé au pouvoir en 1922.
Son séjour à Varsovie est en fait de courte durée, car son père intervient auprès du Vatican pour faire savoir que son fils ne pourra pas supporter le froid de l’hiver polonais.
Le voilà donc de retour à Rome pour très longtemps. Là, très vite, il est nommé aumônier général du cercle romain de la FUCI (Fédération des universitaires catholiques italiens), une branche de l’Action catholique italienne. Durant ce temps, il milite pour l’indépendance des chrétiens face au fascisme. Il va jusqu’à exclure de celle-ci les étudiants de la F U C I qui adhèrent conjointement au Groupement universitaire fasciste.
L’influence du fascisme ne cesse d’inquiéter Mgr Montini qui demeure plus que circonspect concernant les Accords du Latran (1929) conclus entre le pape Pie XI et Mussolini12. C’est d’ailleurs au sujet de la signature de ces Accords qu’il écrit à ses parents :
« La méfiance et la prudence ne doivent jamais cesser, voilà la conclusion, et seuls les superficiels et les irresponsables peuvent éprouver, d’une façon méprisable, une joie complète. »
En 1937, après avoir été forcé de démissionner de sa charge d’aumônier général de la FUCI, suite à un conflit entre celle-ci et le mouvement fasciste, Mgr Montini est nommé substitut13 aux affaires ordinaires. Il devient ainsi un proche collaborateur du nouveau Secrétaire d’Etat : le cardinal Eugenio Pacelli. Il le devient plus encore lorsque ce dernier est élu pape en 1939, sous le nom de Pie XII.
« Presque tous les jours, écrit-il à ses parents, j’ai la chance et l’anxiété14 de l’audience du Saint Père qui est toujours affable et bon avec moi15 et avec tous. »
Sa collaboration avec le pape s’intensifie encore lorsque l’Allemagne envahit la Pologne en septembre 1939, et provoque la guerre. Pie XII demande, en effet, à Mgr Montini de diffuser des messages, via Radio Vatican, pour dénoncer le sort réservé par les nazis au clergé et aux civils polonais, et plus encore aux Juifs victimes d’atrocités de tous genres.
Tant Pie XII que Mgr Montini, tous deux savent qu’ils ne peuvent pas condamner nommément Hitler, au risque de représailles plus sévères encore contre les Juifs.
« On déplore que le pape ne parle pas, dira Pie XII. Mais le pape ne peut pas parler. S’il parlait, cela serait pire encore. »
Pie XII préfère intervenir par la diplomatie pour sauver ce qui pouvait être sauvé sans risque d’aggraver la situation.
Concernant les actions menées par le pape en faveur des Juifs, le consul d’Israël à Milan fera, à la fin de la guerre, cette déclaration pour tenter de mettre un terme à tous les propos accusant Pie XII pour son silence :
« Je peux affirmer que le pape personnellement, le Saint Siège, les nonces et toute l’Église catholique ont sauvé de cent cinquante mille à cinq cent mille Juifs d’une mort certaine. »
Lorsqu’en juillet 1944, les Alliés libèrent l’Italie, Pie XII ne remplace pas le Secrétaire d’Etat qui vient de mourir, c’est Mgr Montini qui, sans en avoir le titre et sans recevoir le chapeau de cardinal, devient le bras droit du pape, et exerce par le fait même des responsabilités de plus en plus importantes16.
D’esprit très ouvert et très disposé au dialogue17, Mgr Montini reçoit successivement, en 1946, deux théologiens français : le Père Congar et le Père de Lubac18 pourtant fortement critiqués par Pie XII qui déclare à leur sujet :
« Que personne ne trouble et ne bouleverse ce qui ne doit pas être changé. On a dit trop de choses, et d’une manière insuffisamment fouillée, au sujet de la "nouvelle théologie" qui doit évoluer comme toute chose évolue, être toujours en progrès sans se fixer jamais.
Si l’on devait embrasser une telle opinion, qu’adviendrait-il de l’unité et de la stabilité de la foi19 ? »
En 1949, Mgr Montini accueille également Roger Schutz et Max Thurian20, en vue d’engager avec eux un dialogue œcuménique alors que Pie XII manifeste à ce sujet plus que de la réticence.
Lorsqu’en 1953, le pape interdit l’apostolat des prêtres-ouvriers - ces derniers étant suspectés d’être trop politisés et de se situer dans une mouvance marxiste - Mgr Montini, bien que très intéressé par l’expérience parce qu’il est très préoccupé par la déchristianisation, le soutient dans sa décision. A l’époque, il estime lui aussi que les prêtres ne sont pas suffisamment formés pour une confrontation avec les communistes21.

Nommé archevêque de Milan

Pie XII n’est pas sans se rendre compte que Mgr Montini prend des initiatives qui lui déplaisent22, et que certaines sont prises à son insu, comme par exemple les contacts que prend ce dernier avec les autorités soviétiques pour tenter d’améliorer les relations entre l’U.R.S.S. et le Saint Siège23.
Peut-être est-ce ce manque d’entière confiance en Mgr Montini qui amène le pape à l’éloigner de Rome et à le nommer, en1954, archevêque de Milan ? Et, là encore, sans lui donner le titre de cardinal24.
Bien qu’il aurait dû se réjouir d’une telle promotion, d’autant que le diocèse de Milan est le plus important d’Italie, Mgr Montini la reçoit comme une sanction. Son neveu en témoigne : ne plus travailler aux côtés de Pie XII qu’il admirait, le faisait terriblement souffrir :
« C’était pour lui un drame dans tous les sens du mot, et même dans le sens affectif ; à ce moment là, je l’ai vu les larmes aux yeux. »
A Milan, il est tellement préoccupé de la déchristianisation de ses habitants, qu’il annonce son intention d’organiser une grande Mission, dans le but, dit-il, d’aller vers tous ceux qui se sont éloignés de l’Église.
Dans le discours qu’il prononce - sur un ton lyrique - avant de lancer cette Mission, on perçoit quelques objectifs qu’il cherchera, plus tard, à mettre en œuvre au Concile Vatican II :
« Nous aimerons ceux qui nous sont proches et ceux qui nous sont éloignés… Nous aimerons les catholiques, nous aimerons les schismatiques, les protestants, les anglicans, les indifférents, les musulmans, les païens, les athées.
Nous aimerons toutes les classes sociales, mais surtout celles qui ont le plus besoin d’aide, de secours, de promotion…
Nous aimerons nos adversaires : ils sont hommes, et nous ne voulons en tenir aucun pour ennemi.
Nous aimerons notre temps, notre civilisation, notre technique, notre art, notre sport, notre monde.
Nous aimerons en nous efforçant de comprendre, de compatir, d’estimer, de servir, de souffrir. Nous aimerons avec le cœur du Christ. »
Pour assurer le succès de cette Mission qui durera trois semaines, Mgr Montini fait appel à d’autres diocèses. Au total, 24 évêques et plus d’un millier de prêtres et de religieux sont mobilisés pour prêcher dans tous les lieux de la ville de Milan : dans les églises, mais aussi sur les places publiques, dans les usines, les administrations, les centres scolaires, les hôpitaux, les magasins…
Pourtant, cette Mission, comme il l’avouera lui-même, ne rencontrera pas le succès escompté. Mgr Montini sera très déçu du résultat ; il ira jusqu’à le juger "alarmant". Lorsque meurt le pape Pie XII, en octobre 1958, après une longue agonie, Mgr Montini ne l’a pas revu personnellement depuis sa nomination à Milan; ce qui lui a été très douloureux25.
Avant le conclave, bien que Mgr Montini ne soit pas cardinal, certains envisageaient déjà son élection au trône de Saint Pierre26. Finalement, après deux jours et 10 tours de scrutin, c’est le cardinal Roncalli27 qui finit par s’imposer comme solution de compromis.
A peine est-il intronisé, Jean XXIII nomme 23 cardinaux dont, en premier lieu, Mgr Montini pour lequel il ne cache pas son estime.
Le 25 janvier 1958, quand Jean XXIII annonce son intention de convoquer un Concile, Mgr Montini - contrairement à la majorité des cardinaux de la Curie - est enthousiasmé. Dans un message à ses diocésains, il déclare que
« ce Concile est un événement historique de première grandeur… grand aujourd’hui pour demain ; grand pour les peuples et les cœurs humains ; grand pour l’Église entière et pour l’humanité. »
Et quand une commission est créée pour recueillir les vœux des évêques du monde entier sur les sujets à débattre au Concile, il se prononce : pour l’adoption, dans la liturgie, de la langue vernaculaire28 et pour l’organisation de réunions fréquentes entre catholiques, orthodoxes, protestants et anglicans en vue de rétablir l’unité des chrétiens. Mais il s’oppose à la proclamation du dogme de Marie Médiatrice et Corédemptrice, alors que beaucoup d’évêques le souhaitaient, et à la condamnation explicite du communisme et du laïcisme.
Avant de mourir, en juin 1963, Le pape Jean XXIII aurait annoncé - selon le témoignage de sa secrétaire - le nom de son successeur :
« Mon successeur, à mon avis, sera le cardinal Montini. C’est sur lui que devraient converger les votes du Sacré Collège. »
Dans l’éloge funèbre que le cardinal prononce à la cathédrale de Milan, il exprime son admiration pour le pape défunt, et esquisse ce que devra être, selon lui, le programme du prochain pontificat :
« Ce n’est plus en arrière, ce n’est plus lui (le pape Jean XXIII) que nous regardons maintenant, mais l’horizon qu’il a ouvert à la marche de l’Eglise et de l’Histoire. Sa tombe ne peut renfermer son héritage, ni la mort étouffer son esprit. »
Pour le cardinal, cet héritage c’est ce qu’il appelle: d’une part, "l’œcuménisme intérieur" ; entendant par cette expression "la collégialité épiscopale", c’est-à-dire, selon ses propres termes :
« la collaboration convenable du corps épiscopal, non pas à l’exercice, qui restera certainement personnel et unitaire, mais à la responsabilité du gouvernement de l’Eglise entière. »
d’autre part, "l’œcuménisme extérieur", c’est-à-dire : le rétablissement de l’unité entre les chrétiens et « la paix entre les peuples et les classes sociales »

Mgr Montini succède au pape Jean XXIII

Le 19 juin, lorsque les 80 cardinaux entrent en conclave dans la Chapelle Sixtine, le cardinal est classé dans les premiers parmi les papabili.
Cependant, son nom est loin de s’imposer. Certains cardinaux d’esprit conservateur, effrayés par la tournure novatrice qu’a pris le Concile, ne cachent pas leur préférence pour le cardinal Siri29 qui ne cessait de se battre - comme le cardinal Ottaviani30 - pour maintenir la doctrine traditionnelle de l’Eglise.
Parmi les réformistes31, dont faisait partie le cardinal Montini, le cardinal Lercaro32 était un rival sérieux.
Après cinq scrutins infructueux, le cardinal Montini est élu avec 60 voix33, le 21 juin.
Au doyen du Sacré Collège (le cardinal Tisserant) qui demande à l’élu s’il accepte la charge, le cardinal Montini, reprenant sa devise épiscopale, répond : « j’accepte "au nom du Seigneur" ». Lorsque lui est posée la question : « quel sera ton nom ? », il répond : « mon nom sera Paul34. »
La première fois que le nouveau pape prend la parole c’est devant les cardinaux pour leur annoncer la reprise du Concile35, et leur dire qu’il sera mené dans l’esprit du pape Jean XXIII et avec le même objectif : "l’aggiornamento" de l’Église.

Reprise du concile

Le 27 juin, le Secrétaire d’État annonce que le Concile reprendra le 29 septembre pour une deuxième session36 (qui s’étendra du 29 septembre au 4 décembre 1963).
Peu avant la réouverture du Concile, le pape Paul VI précise ses intentions :
« Aujourd’hui, ce mot glorieux "aggiornamento" constitue tout un programme. Le Concile œcuménique, chacun le sait, l’a fait sien, polarisant en lui les objectifs de réforme et de renouveau.
Il ne faut pas voir dans cet objectif qui accompagne les manifestations les plus hautes et les plus caractéristiques de la vie ecclésiale un fléchissement inconscient, mais nocif, vers le pragmatisme et l’activisme de notre temps, au détriment de la vie intérieure et de la contemplation, lesquelles doivent avoir la première place dans l’échelle de nos valeurs religieuses37. »
S’adressant plus directement à la Curie romaine, Paul VI lui fait part de son projet : la création d’un collège d’évêques du monde entier appelés à être associés aux responsabilités du gouvernement de l’Église. Le pape respectait ainsi la majorité des évêques qui s’était prononcée en faveur de la formule suivante :
« Le collège des évêques jouit de la pleine et souveraine autorité sur l’Église tout entière, ensemble avec à sa tête le pontife romain et jamais sans cette tête. »
Dans le discours d’ouverture de la deuxième session, le pape réaffirme la foi catholique, mais invite en même temps les catholiques à reconnaître « les richesses spirituelles » qu’ont gardées « les frères séparés », et à demander pardon pour les fautes commises à leur égard dans le passé.
Lors de la clôture de cette deuxième session, Paul VI promulgue deux textes : le décret "Inter Mirifica" sur les Moyens de communication sociale et la Constitution "Sacrosanctum concilium" sur la liturgie.
Le même jour, il fait à l’assemblée conciliaire, une annonce spectaculaire qui va susciter une salve d’applaudissements :
« Nous avons décidé…de nous faire pèlerin sur la terre de Jésus Notre Seigneur…Nous verrons ce sol béni, d’où partit Pierre et où nul de ses successeurs ne revint38. »

Départ pour la Terre Sainte

Le 4 janvier 1964, Paul VI quitte Rome pour gagner la Jordanie et le territoire israélien.
A Jérusalem, il rencontre le Patriarche Athénagoras39 venu exprès de Constantinople40 ; une rencontre qui revêt un caractère exceptionnel, puisque, après plusieurs paroles et gestes d’amitié très émouvants, l’un et l’autre décident de créer une commission où théologiens orthodoxes et catholiques se réuniront et discuteront sur les questions concernant l’origine du schisme entre l’Église d’Orient et celle d’Occident, en 105441.
A Bethléem, le pape adresse à l’humanité entière un message qui se présente comme une hymne exaltant la grandeur de l’homme ; l’homme qui est appelé à contempler le Christ-Homme pour prendre conscience de sa dignité:
« La mission du christianisme est une mission d’amitié parmi les peuples de la terre, une mission de compréhension, d’encouragement, de promotion, d’élévation…Nous savons que l’homme moderne met sa fierté à faire des choses par lui-même. Il invente du nouveau et réalise des choses étonnantes. Mais toutes ces réalisations ne le rendent ni meilleur ni plus heureux ; elles n’apportent pas aux problèmes de l’homme une solution radicale, définitive et universelle.
L’homme lutte contre lui-même ; il connaît des doutes atroces. Nous savons que son âme est envahie de ténèbres et assiégée de souffrances. Nous avons à lui dire un message que Nous croyons libérateur. Et Nous Nous croyons d’autant plus autorisé à le proposer qu’il est pleinement humain. C’est le message de l’Homme
(le Christ) à l’homme.
Le Christ que nous apportons à l’humanité est le Fils de l’Homme, comme il s’est appelé lui-même. Il est le Premier-Né, le Prototype de la nouvelle humanité ; il est le Frère, il est le Compagnon, il est l’Ami par excellence. De lui seul on a pu dire en toute vérité qu’il connaissait ce qu’il y avait dans l’homme42. »
Au cours de son voyage en Terre Sainte, Paul VI rencontre également toutes les autorités religieuses : catholiques, orthodoxes, protestantes, anglicanes, juives et musulmanes.
C’est à l’issue de ces rencontres qu’il a l’idée ("comme une illumination", dira-il) de fonder un Centre œcuménique qui aura son siège en Terre Sainte, et où orthodoxes, protestants, anglicans et catholiques pourront débattre des grandes questions théologiques ; une idée qu’il mettra en œuvre dès son retour à Rome43.

De sérieuses tentations au sein de l'assemblée conciliaire

Bien qu’étant d’une grande fermeté sur certains points, Paul VI - très scrupuleux de tempérament - montrera tout au long de son pontificat le visage d’un homme constamment ouvert au dialogue, y compris avec les membres de la minorité44.
Très soucieux des tensions existant au sein de l’assemblée conciliaire (entre la majorité et la minorité), il ne cessera jamais, dans un esprit de conciliation, d’écouter la minorité des évêques accrochés aux doctrines traditionnelles.
Pareillement, pour éclairer et nuancer sa pensée, il multipliera les rencontres avec différentes personnalités : tant parmi les laïcs45 que parmi les ecclésiastiques.
Sa volonté de dialogue était tellement ancrée en lui, qu’il publiera en 1964, l’encyclique "Ecclesiam suam"  avec pour thème : la nécessite du dialogue46. L’idée centrale de son encyclique est, en effet, d’affirmer que le dialogue - surtout dans les circonstances actuelles - est le moyen le plus adéquat pour que l’Église puisse exercer sa mission.
En premier lieu, Paul VI voulait un dialogue approfondi et continu avec trois instances : "les Frères séparés" (orthodoxes, protestants, anglicans) ; "les croyants des autres religions" et enfin "les non-croyants"47.
En ce qui concerne les non-croyants, Paul VI, malgré son aversion pour le communisme athée, engagera une politique de dialogue avec tous les gouvernements communistes48 :
« Restons fermes, dira-t-il souvent à leur sujet, sur l’application des principes (chrétiens) tout en étant disposés aux ententes honnêtes et loyales conciliables avec ces principes. »
Cette politique d’ouverture et de dialogue avec les pays de l’Est permettra - pour la première fois - de parvenir à certains accords qui ouvriront une ère nouvelle entre le Vatican et le monde communiste.
En septembre 1964, lorsque s’ouvre la troisième session49, de sérieuses tensions - lors des débats - apparaissent de nouveau dans l’assemblée conciliaire. Quelques cardinaux et évêques - en particulier Mgr Marcel Lefebvre - soulèvent des protestations parfois très virulentes50 au sujet de certains textes débattus au Concile : notamment ceux sur la "collégialité épiscopale", sur "l’œcuménisme", et plus encore sur "la liberté religieuse".
Concernant la collégialité épiscopale, ils la rejettent en affirmant que « le pape est le seul responsable devant Dieu ».
Quant aux textes sur l’œcuménisme et sur la liberté religieuse, ils les déclarent excessivement dangereux parce qu’ils ouvrent la porte au relativisme et à l’indifférentisme. De plus, disent-il, proclamer la liberté religieuse, c’est amener tous les pays où la religion catholique est encore religion d’État, à déclarer la séparation de l’Église et de l’État.
Bien que ces remous qui fracturent l’assemblée conciliaire soient le fait d’une minorité, Paul VI en est très affecté51. Il est traversé par des sentiments d’inquiétude qui vont parfois jusqu’à l’angoisse, d’autant qu’il pressent que cette fracture risque de se répercuter dans le clergé et parmi les fidèles, et d’engendrer un schisme52.
C’est dans un moment de profond accablement qu’il laisse échapper publiquement cette plainte :
« Le pape, lui aussi a besoin de réconfort… Le pape a ses peines qui viennent avant tout de son insuffisance humaine, laquelle à chaque instant, se trouve confrontée et presque en conflit avec le poids énorme et démesuré de ses devoirs, de ses problèmes, de ses responsabilités. Cela va parfois jusqu’à l’agonie53 »
une plainte qui s’accentue encore lorsqu’il écrit, dans une méditation sur la mort, qu’il souhaite être déchargé de sa charge :
« L’heure (de ma mort) vient. J’en ai le pressentiment depuis quelque temps. Plus encore que la fatigue physique, prête à céder à tout instant, le drame de mes responsabilités semble suggérer comme solution providentielle mon départ de ce monde, afin que la Providence puisse se manifester et conduire l’Eglise vers un monde meilleur… Il semble bien clair que je doive être appelé à l’autre vie pour que je sois remplacé par un autre plus valide, qui ne soit pas lié par les difficultés présentes. »
Cependant, au-delà de l’inquiétude qui ne le quitte plus, Paul VI se ressaisit et c’est avec toute sa foi dans l’Eglise qu’il se prépare à ouvrir la quatrième et dernière session du Concile.

La dernière session du concile entrecoupée par un voyage à l'ONU

Dès le commencement de la quatrième session, le 4 décembre 1965, Paul VI commence par annoncer, à la surprise générale, la création d’une institution nouvelle : le "Synode des évêques", c’est-à-dire, le rassemblement périodique d’évêques du monde entier pour que le collège épiscopal participe au gouvernement de l’Eglise54.
Puis, après avoir attendu le vote du texte sur "la liberté religieuse", le pape quitte Rome pour se rendre au siège de l’O.N.U.55, à New York56.
Il venait d’être invité par son Secrétaire général U’Thant qui avait beaucoup apprécié le message que le pape avait adressé au monde lors de son voyage à Bombay, en décembre 1964. Paul VI, profondément ému par la misère qui sévissait dans la ville, avait, en effet, exhorté toutes les nations,
« à renoncer à la course aux armements et à consacrer en revanche leurs ressources et leurs énergies à l’assistance fraternelle aux pays en voie de développement. »
Après être passé dans la "Salle de Méditation57", Paul VI se dirigea vers les 6 000 personnalités58 qui l’attendaient pour entendre le message que le pape voulait adresser au nom de l’Église, mais aussi au nom de communautés non catholiques.
N’ayant pas l’intention d’évangéliser son auditoire, le pape déclare cependant :
« Voici arrivée l’heure où s’impose une halte, un moment de recueillement, de réflexion, quasi de prière : repenser à notre commune origine, à notre histoire, à notre destin commun.
Jamais, comme aujourd’hui, dans une époque marquée par un tel progrès humain, n’a été aussi nécessaire l’appel à la conscience morale de l’homme. Car le péril ne vient ni du progrès ni de la science, qui, bien utilisés, pourront au contraire, résoudre un grand nombre de graves problèmes qui assaillent l’humanité.
Le vrai péril se tient dans l’homme, qui dispose d’instruments toujours plus puissants, aptes aussi bien à la ruine qu’aux plus hautes conquêtes. En un mot, l’édifice de la civilisation moderne ne peut se construire que sur des principes spirituels, les seuls capables, non seulement de le soutenir, mais aussi de l’éclairer et de l’animer. Et ces indispensables principes de sagesse supérieure ne peuvent reposer - c’est Notre conviction, vous le savez - que sur la foi en Dieu.»
Puis, après avoir présenté l’Église comme une conscience morale de la société et comme « experte en humanité », il lance cette exhortation qui fera le tour du monde :
« Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais !... Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ; c’est la paix, la paix qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité »
à laquelle il ajoutera cette parole de John Kennedy59 :
« L’humanité devra mettre fin à la guerre ou c’est la guerre qui mettra fin à l’humanité. »
De retour à Rome, Paul VI n’interviendra directement au Concile qu’à deux reprises : lors du débat sur "le ministère des prêtres" durant lequel certains Pères conciliaires s’exprimèrent en faveur du mariage des prêtres. Après avoir rappelé que le célibat en Occident était « une loi antique, sacrée, providentielle », Paul VI exigea que la question ne soit pas abordée au Concile. avec la même fermeté, il s’opposa à la condamnation du communisme, alors que celle-ci avait été demandée par de nombreux évêques. Tandis que le Concile parvenait à son terme, Paul VI, bien que demeurant inquiet sur ses retombées, restait confiant :
« A côté d’une crise de la foi dans le monde (dira-t-il), il n’y a pas, heureusement, une crise de l’Église. »
A ce moment là, il estimait, en effet, que l’Église renouvelée par le Concile allait fortifier la foi des fidèles et disposait désormais de moyens susceptibles d’ouvrir le monde aux messages de l’évangile.
Se doutait-il alors que, peu de temps après, il serait bien obligé de constater que l’Église, elle aussi, était entrée en crise ? :
« Nous en espérions (du Concile) un printemps, et malheureusement, il est venu une tempête. »

Les premiers signes de la crise de l'Eglise

La crise de l’Église que pressentait Paul VI, c’est la réforme de la liturgie - par le fait qu’elle atteignait intimement les prêtres et les fidèles - qui, la première, allait la déclencher.
Lorsque, au cours de l’année 1965, commence à se répandre l’usage de la langue vernaculaire dans la célébration de la messe, les réactions négatives chez certains sont telles que Paul VI doit intervenir en personne pour tenter d’y mettre fin :
« Ces critiques, dit-il, ne dénotent pas une vraie dévotion ou un sens authentique de la signification et de la valeur de la messe, mais bien plutôt une certaine indolence spirituelle qui se refuse de faire l’effort personnel d’intelligence et de participation. »
Presque en même temps - dans un tout autre domaine, puisqu’il s’agit du célibat sacerdotal - le pape doit s’opposer avec beaucoup de fermeté à de futurs prêtres qui demandent la possibilité de se marier.
Il le fait en publiant, en février 1967, l’encyclique "Sacerdotalis coelibatus" dans laquelle il déclare que le célibat est une loi antique imposée par l’Église d’Occident pour que les prêtres imitent le Christ, et puissent accomplir leur ministère pastoral dans une totale disponibilité.
Pour revenir à la réforme liturgique, la contestation s’amplifie (seulement dans une partie de l’opinion) quand le pape publie, en 1969, ce qu’on a appelé la "Nouvelle Messe".
Pourquoi cette expression ? Parce que le missel codifié par le pape Pie V, en 1570, est remplacé par un nouveau missel auquel on donnera très vite le nom de "Missel de Paul VI" ; un missel qui comporte les changements suivants :
  • l’introduction de trois nouvelles prières eucharistiques ajoutées à la très ancienne prière eucharistique romaine60.
  • l’introduction également de nouvelles préfaces et de nouvelles oraisons.
  • l’autel et le célébrant désormais tournés vers l’assemblée.
  • la langue utilisée qui n’est plus le latin, mais la langue courante de chaque nation.
Quant à la définition de la messe, elle n’est plus celle donnée par le Concile de Trente, à savoir : "le sacrement qui met les fidèles en présence du sacrifice du Christ sur la croix", mais celle-ci : « le rassemblement du peuple de Dieu se réunissant sous la présidence du prêtre pour célébrer le mémorial du Christ61. »
Violemment combattue par Mgr Marcel Lefebvre et ses adeptes62 qui exigent le rétablissement de la "Messe Traditionnelle", la "Nouvelle Messe" est à l’origine d’un schisme63 à l’intérieur de l’Église catholique ; une déchirure très douloureusement ressentie par Paul VI, même si elle n’est le fait que d’une minorité.

L'autorité du Pape contestée

Très douloureuse aussi est sa souffrance, quand remontent jusqu’à lui les réactions hostiles que suscite son encyclique "Humanae vitae" publiée en 1968, sur la régulation des naissances.
Dans cette encyclique - la dernière de son pontificat - le pape rejette - dans la ligne de l’enseignement de Pie XI et Pie XII - toute contraception selon des méthodes artificielles64 , et condamne avec force l’avortement, la stérilisation et tous les moyens qui rendent impossible la procréation65.
L’encyclique suscite une large contestation, car beaucoup de fidèles estiment que Paul VI a pris une position personnelle qui ne les engage pas, d’autant que le pape semble ignorer le fait que de nombreux couples sont affrontés à des situations telles qu’ils ne peuvent pas, raisonnablement, accueillir un nouvel enfant.
Même certains évêques manifestent ouvertement leur désaccord en déclarant que Paul VI aurait dû les consulter66 avant de publier l’encyclique67.
Très mal accueillie par toute une partie de l’opinion catholique, "Humanae vitae" aura pour conséquence un affaiblissement de l’autorité de l’Église et une baisse de popularité de Paul VI dont les initiatives avaient été, jusque là, appréciées par la majorité des fidèles.
La contestation de l’autorité de Paul VI est aussi le fait de toute une partie de la hiérarchie ecclésiastique : deux tendances, en effet s’affrontent lorsque le pape réunit, en octobre 1969, un synode des évêques : l’une représentée par le cardinal Suenens, primat de Belgique68, qui reproche au pape une attitude encore trop autoritaire, et qui lui demande sur un ton impérieux d’exercer son pouvoir d’une manière plus collégiale, c’est-à-dire en collaboration avec l’ensemble de l’épiscopat; en particulier quand il s’agit de la publication des encycliques et des principaux textes pontificaux. l’autre qui, derrière le cardinal Daniélou69, estime que pour affronter la crise que traverse l’Eglise, il faut, au contraire, soutenir sinon renforcer l’autorité pontificale. Pour tenter d’apaiser ces tensions au sein de l’épiscopat, Paul VI proposa une convocation du synode des évêques tous les deux ans, ainsi que la création d’un organisme collectant régulièrement les questions qui se posent aux évêques entre chaque synode.

« J'ai fait ce que j'ai pu »

Dès le début de l’année 1978, l’entourage de Paul VI se rend compte qu’il arrive au soir de sa vie.
Il est en effet épuisé ; épuisé physiquement par l’arthrose qui l’oblige à rester très souvent allongé, mais plus encore, moralement, en raison de la crise de l’Eglise qui s’accroît d’année en année, et qu’il ne parvient pas à enrayer.
Ses craintes sur l’avenir de l’Eglise occasionne en lui des moments de dépression telle, qu’un jour, il en arrive à laisser échapper devant Jean Guitton70, cette parole de l’évangile : « Lorsque le Fils de l’homme reviendra, trouvera t-il encore la foi sur la terre ? »
Après une dernière épreuve : la mort d’un ami de très longue date, Aldo Moro, chef de la Démocratie chrétienne, assassiné par les Brigades rouges, Paul VI qui avait eu recours à ses dernière forces pour tenter de l’arracher des mains de ses ravisseurs, se retire à Castel Gondolfo.
Victime d’une crise cardiaque, c’est là qu’il meurt le 6 août 1978, jour de la Transfiguration, après avoir prononcé ces mots :
« j’ai fait ce que j’ai pu. »
Conformément à ses volontés71, ses funérailles sont célébrées avec une extrême simplicité sur le parvis de la basilique Saint Pierre.

Les voyages de Paul VI

Le pape Paul VI est le premier pape de l’histoire à avoir entrepris de multiples voyages à travers le monde72.
Après s’être rendu successivement en Terre Sainte, à Bombay (pour présider un congrès eucharistique), puis à New York où il s’est exprimé devant les membres de l’Organisation des Nations Unies, Paul VI poursuit le dialogue avec les différentes Églises.
Il rend visite au Conseil œcuménique des Églises, à Genève en 1965 et reçoit l’année suivante, dans la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs, le Dr Ramsey, primat de l’Église anglicane.
Il rencontre de nouveau le patriarche Athénagoras à Istanbul en 1967, puis à Rome la même année.
Peu après, Il se rend en Amérique latine en 1968 ; en Afrique en 1969, puis l’année suivante en Extrême Orient.
En Europe, il fait, en 1967, un pèlerinage au sanctuaire de Fatima, au Portugal, et en 1970, au sanctuaire de Cagliari, en Sardaigne.

Les encycliques et les actes pontificaux de Paul VI

Outre les encycliques "Ecclesiam suam" (sur le dialogue), "Sacerdotalis coelibatus" (sur le célibat des prêtres) et "Humanae vitae" (sur la régulation des naissances), déjà mentionnées, Paul VI publie également :
  • en 1965, l’encyclique "Mysterium fidei" ("le Mystère de la foi") dans laquelle il rappelle que l’eucharistie occupe la première place dans la liturgie. Il condamne tout à la fois : ceux qui prétendent que la messe communautaire est de beaucoup préférable à la messe privée ; ceux qui affirment qu’il n’y a plus présence réelle dès que la célébration eucharistique est achevée, et ceux qui contestent le terme "transsubstantiation".
  • en 1967, l’encyclique "Populorum progressio" ("Le développement des peuples") qui se situe dans la ligne des encycliques "Mater et Magistra" et "Pacem in terris" du pape Jean XXIII.
    Dans cette nouvelle encyclique, Paul VI déclare que c’est « un humanisme plénier qu’il faut promouvoir » ; entendant par là qu’il est urgent d’œuvrer pour « le développement intégral de tout l’homme et de tout homme ... Le développement est le nouveau nom de la paix.»
    Dénonçant « la recherche exclusive de l’avoir » au détriment de « la croissance de l’être » ; dénonçant également le « néo-colonialisme », le pape réclame « un monde plus juste et plus structuré dans une solidarité universelle », la seule solution, dit-il, à tous les maux que subissent les pays du tiers-monde.
    Dans la même encyclique Paul VI rejette l’insurrection révolutionnaire « sauf dans les cas de tyrannie évidente et prolongée qui porterait atteinte aux droits fondamentaux de la personne et nuirait dangereusement au bien commun du pays73 ».
  • en 1971 - à l’occasion du 80ème anniversaire de l’encyclique "Rerum novarum" du pape Léon XIII, consacrée à la question sociale - Paul VI publie la lettre apostolique "Octogesima Adveniens".
    Dans cette lettre, il demande fermement aux chrétiens de s’engager dans l’action politique, ne serait-ce que pour promouvoir une plus grande justice sociale. Estimant qu’il n’y a pas de politique spécifiquement chrétienne, il reconnaît que le « pluralisme politique » parmi les chrétiens est légitime, et que la même foi religieuse peut conduire à des choix politiques différents. Contrairement à Pie XI qui, dans son encyclique "Quadragesimo anno"(1931), condamne le socialisme jugé matérialiste, Paul VI considère qu’un chrétien peut s’engager dans cette voie dans la mesure où sont respectées « les valeurs notamment de liberté, de responsabilité et d’ouverture au spirituel qui garantissent l’épanouissement intégral de l’homme »
  • en 1975, il adresse l’exhortation apostolique "Evangelii nuntiandi" qui veut donner un nouvel élan à l’évangélisation du monde moderne pour qu’il soit plus humain.
    Dans cette exhortation, Paul VI appelle également l’Église à être ouverte à tous les hommes, toutes les nations et toutes les cultures ; sa préoccupation étant l’inculturation de l’évangile pour qu’il inspire toutes les cultures.

Conclusion

Lorsqu’ il écrit en 1950 comment il conçoit l’idéal sacerdotal, Paul VI esquisse, sans aucun doute, l’idéal que lui-même a cherché à poursuivre toute sa vie de prêtre :
« Le sacerdoce est un service social. Le prêtre existe pour les autres…Les mots jaillissent sans fin sous la plume : apôtre, missionnaire, pasteur, maître, frère, serviteur et victime. D’où une aptitude extrême à se distinguer et à se mêler, à influer et à patienter, à parler et à écouter. Il est lumière, il est sel. Artiste, ouvrier spécialisé, médecin indispensable, invité aux subtiles et profondes phénoménologies de l’esprit : homme d’étude, homme de parole, homme de goût, homme de tact, homme de sensibilité, de finesse, de force… »
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1 tel est le prénom du futur Paul VI.
2 non loin de Brescia.
3 en particulier, une insuffisance cardiaque.
4 C’est ainsi qu’il se fera appeler et qu’il signera pendant longtemps.
5 Le Père abbé l’en dissuadera en lui faisant comprendre que la Règle de l’Ordre est trop rigoureuse pour lui.
6 En 1915, l’Italie a, en effet, rejoint les Alliés et est entrée en guerre contre l’Allemagne.
7 signe de la consécration à Dieu.
8 Karl Joseph von Hefele, théologien et évêque, écrit (à la fin du XIXème siècle) "l’Histoire des Conciles". L’ouvrage sera traduit par dom H. Leclerc en sept volumes.
9 dirigée par les jésuites.
10 où il s’inscrit en Lettres.
11 un parti où son père est député.
12 Dans les Accords du Latran le pape reconnaissait l’annexion des États pontificaux (en 1870) ainsi que le nouveau royaume d’Italie (avec Rome pour capitale). Quant au gouvernement italien, il reconnaissait au pape la souveraineté temporelle sur la Cité du Vatican ; et pour dédommager le Saint Siège de la perte de ses anciens États qui assuraient l’essentiel de ses ressources, il s’engageait à lui verser une importante indemnité financière.
13 Le substitut est chargé des relations du Saint Siège avec les hauts responsables ecclésiastiques et politiques. Il est chargé en outre de recueillir les dépêches à caractère confidentiel.
14 parce que Pie XII s’avère très exigeant sur le travail à exécuter.
15 Une anecdote : Pie XII, pour la saint Jean-Baptiste, offre à Mgr Montini cinq bouteilles d’excellent vin de messe.
16 Bien qu’appréciant beaucoup Mgr Montini, Pie XII n’est pas sans manifester une certaine défiance à son égard.
17 alors que Pie XII, au fil des années, manifeste un raidissement doctrinal et devient de plus en plus autoritaire.
18 Tous les deux sont accusés d’être les artisans d’une "nouvelle théologie", c’est-à-dire, différente du thomisme. En 1954, ils seront interdits d’enseignement par le Vatican.
19 Mgr Montini étant vite repéré comme un prélat plus accueillant et plus ouvert aux idées nouvelles que le pape Pie XII, un adage circule dans les milieux ecclésiastique : « Pourquoi allez à la montagne (Pie XII) alors qu’on peut passer par Montini ? »
20 Tous deux, responsables de la Communauté protestante monastique fondée en 1940 à Taizé.
20 mais, en 1965, devenu pape, il rétablira l’expérience des prêtres au travail.
22 comme celles citées ci-dessus.
23 Une initiative qui heurte profondément Pie XII tellement le communisme le répugne.
24 Pie XII estimait peut-être que Mgr Montini n’avait pas les qualités suffisantes pour devenir pape.
25 Auprès de son lit de mort, Mgr Montini aurait murmuré ces quelques mots : « Comme je lui voulais du bien ! Et pourtant nous ne nous sommes pas compris ! »
26 ce qui était canoniquement possible, mais qui, dans l’histoire, ne s’était produit qu’une seule fois, avec l’élection du pape Urbain VI, en 1378, lors du Grand schisme d’Occident.
27 qui prend le nom de Jean XXIII.
28 c'est-à-dire, la langue couramment utilisée par les différentes nations.
29 archevêque de Gênes.
30 Secrétaire de la Congrégation du Saint Office.
31 Les réformistes, souvent appelés "les progressistes", étaient majoritaires dans l’assemblée conciliaire.
32 archevêque de Bologne.
33 54 voix étaient nécessaires pour être élu.
34 en référence à l’apôtre Paul sur les épîtres duquel il a beaucoup médité. Peut-être aussi en souvenir du pape Paul V qui a mis en œuvre les décisions du Concile de Trente.
35 Certains cardinaux de la Curie et quelques évêques n’étaient pas favorables à la reprise du Concile.
36 La première session s’étant achevée avec la mort du pape Jean XXIII.
37 On remarquera dans ces propos que Paul VI, tout en maintenant fermement le but fixé par Jean XXIII (l’aggiornamento de l’Église) tient à rassurer la minorité conciliaire qui craint que le Concile s’engage sur une voie périlleuse pour l’Église
38 Paul VI est, en effet, le premier pape à se rendre en Terre Sainte.
39 Athénagoras (1886-1972), patriarche de Constantinople, ne prétend pas représenter tous les orthodoxes. Certains patriarches orthodoxes étaient d’ailleurs réservés sinon hostiles concernant cette rencontre.
40 Une telle rencontre ne s’était pas produite depuis le Concile de Florence en 1439.
41 A l’issue de cette rencontre, Paul VI et Athénagoras s’offrent des cadeaux et disent la prière pour l’unité (celle de l’évangile de saint Jean ; chapitre 17) et celle du "Notre Père", alternativement en latin et en grec. A la fin du Concile, le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras, d’un commun accord, mettront fin aux excommunications (entre Rome et Constantinople) prononcées en 1054, d’un côté, par le légat du pape Léon IX, le cardinal Humbert, et de l’autre, par le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire. A la demande de l’Eglise grecque orthodoxe, Paul VI remettra la relique de l’apôtre saint André vénérée par les grecs depuis l’antiquité ; une relique que le Vatican détenait depuis le XVème siècle.
42 A la fin du Concile, Paul VI ira jusqu’à dire dans un commentaire sur la parabole du "Bon samaritain" : « Nous aussi, Nous plus que quiconque, Nous avons le culte de l’homme. »
43 Ce Centre œcuménique se tiendra à Tantur, entre Jérusalem et Bethléem.
44 Paul VI ne voulait pas que le Concile soit le triomphe d’une tendance (celle de la majorité) et que l’autre (celle de la minorité) soit sacrifiée.
45 A ce sujet, on sait combien il appréciait ses entretiens avec Jean Guitton et Jacques Maritain. A plusieurs reprises il demandera à l’un et à l’autre de rédiger des messages qu’il adressera au monde et même à l’assemblée conciliaire.
46 On sait que, dans un premier temps, il avait songé donner pour titre à l’encyclique : "Sur le dialogue"
47 Après la création d’un "Secrétariat pour l’unité des chrétiens" voulu par le pape Jean XXIII, Paul VI créera un "Secrétariat pour les non-chrétiens" puis un "Secrétariat pour les non-croyants".
48 C’est ce qu’on a appelé"l’Ostpolitik": la politique d’ouverture vers l’Est.
49 qui sera écourtée par le voyage en Inde de Paul VI qui voulait présider le congrès eucharistique à Bombay.
50 certains allant jusqu’à proférer des injures !
51 Il ne se passait pas un seul jour sans que Paul VI ne soit assiégé par des membres de la minorité qui font pression sur lui pour qu’il ne laisse pas "détruire" l’Église. Une de ses plus grande souffrance : une lettre que lui envoient 25 cardinaux, dont 16 de la Curie et 13 évêques, lui reprochant d’être manipulé par les "progressistes "de l’Assemblée conciliaire.
52 ce qui, effectivement, se produira lorsque se formera le mouvement dit "intégriste".
53 Au sens étymologique du terme ; c’est-à-dire, "jusqu’à l’angoisse".
54 Durant son pontificat, Paul VI réunira cinq fois le synode des évêques.
55 "Organisation des Nations Unies" constituée en 1945.
56 C’était la première fois qu’un pape se rendait sur la terre que Christophe Colomb avait découvert cinq siècles auparavant, et la première fois aussi que le successeur de Pierre rencontrait presque tous les représentants de la planète.
57 Une salle permettant à tous ceux qui adhèrent à une religion de venir se recueillir.
58 Représentant 177 nations.
59 Président des Etats-Unis assassiné en 1963.
60 c'est-à-dire celle qui figure en première position dans le Nouveau Missel et qui, précédemment était appelée le Canon romain datant du IVème siècle. C’est ce Canon romain que Pie V imposera à toute l’Eglise après y avoir ajouté quelques rubriques pour que les prêtres célèbrent convenablement la messe.
61 c’est-à-dire : le Mystère de la mort et aussi de la résurrection du Christ.
62 comme l’abbé Georges de Nantes (1924-2010) qui, en profonde réaction contre le Concile Vatican II, veut l’annuler et en convoquer un autre. Très violent dans ses propos, il accuse Paul VI et le Concile de professer des hérésies. En 1970, il donne à son mouvement le nom de "Ligue de la Contre -réforme catholique".
63 un schisme provoqué par Mgr Lefebvre qui rejette également plusieurs documents conciliaires, en particulier : les deux Constitutions sur l’Eglise, le Décret sur l’œcuménisme, le Déclaration sur la liberté religieuse, etc. Suite à ce rejet, Mgr Lefebvre crée en 1970 "la Fraternité sacerdotale Saint Pie X", puis fonde l’année suivante le séminaire traditionaliste d’Ecône (en Suisse, dans le Valais).
64 c’est-à-dire toutes les méthodes chimiques et mécaniques.
65 même quand ils sont pratiqués pour des raisons thérapeutiques.
66 par exemple, en convoquant un synode des évêques.
67 Les évêques qui expriment leur désaccord considèrent que l’Eglise n’a pas à intervenir sur ce sujet et qu’elle doit laisser les parents décider selon leur conscience.
68 soutenu par les théologiens Karl Rahner et Hans Küng.
69 Jean Daniélou est un jésuite spécialiste des Pères de l’Eglise. Il sera nommé expert au Concile Vatican II, et sera créé cardinal par Paul VI en 1969.
70 Jean Guitton a été tout au long du pontificat de Paul VI et même avant : un ami, un confident et un collaborateur.
71 Dans son testament Paul VI avait demandé qu’on « supprime le catafalque » et que « sa tombe soit dans de la vraie terre ».
72 Les quelques papes qui ont quitté l’Italie au cours de l’histoire, l’ont toujours quittée parce que obligés ou forcés par les circonstances.
73 C’est cette parole qui sera exploitée par les théologiens qui donneront naissance à la théologie dite "théologie de la libération" ; une théologie née sous les dictatures sud- américaines ; elle recherche, à la lumière de l’évangile, comment libérer les peuples victimes de l’oppression et vivant dans une extrême précarité. On reprochera aux prêtres à l’origine de la théologie de la libération (Gutierrez, Dussel, Boff, Castillo…) des méthodes d’analyses sociales proches de celles de la pensée marxiste.

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