dimanche 23 mars 2014

Brève histoire de la catéchèse depuis les origines

Les étapes de la catéchèse1

Par saint Justin (v.100-166) et par la "Didaché2", nous savons que dès le IIème siècle, les païens et les juifs qui désirent recevoir le baptême sont présentés à l’évêque du lieu qui leur impose les mains et trace sur leur front le signe de la Croix.
Puis, comme le décrit, d’une façon très détaillée, la "Tradition apostolique3" (début IIIème siècle), commence pour eux l’entrée en catéchuménat durant lequel, pendant deux ou trois ans, ils reçoivent un enseignement jalonné de plusieurs étapes comportant de nombreux rites d’initiation4.
Lorsqu’ils en sont jugés dignes par la communauté chrétienne, les catéchumènes sont baptisés par immersion, dans la nuit de Pâques.
A partir du IVème et Vème siècles, comme en témoigne en particulier saint Cyrille de Jérusalem (v.315-386)5, la catéchèse dispensée avant le baptême est complétée par une catéchèse post-baptismale appelée : "catéchèse mystagogique6" ; cette catéchèse consiste à donner une instruction approfondie sur les sacrements (baptême, confirmation et eucharistie) que venaient de recevoir les "néophytes7" dans la nuit pascale.
A ces sacrements, l’Eglise donnait autrefois le nom de « mystères8 ».

Lorsque la pratique du baptême des enfants se généralise, entre le VIème et le VIIème siècle, le catéchuménat tombe en désuétude.
Lorsqu’au VIIème siècle, le catéchuménat a entièrement disparu, la catéchèse, à partir de ce moment là, ne se fait plus que par la liturgie, avec tout ce que celle-ci comporte d’enseignement : par les lectures de la Parole de Dieu, le prône9, les différents sacrements, les chants, la symbolique des gestes, des rites et des objets, mais aussi par l’architecture, les sculptures, les vitraux, les tableaux peints, etc…
Le problème qui demeurait, cependant, était la formation des éducateurs, en particulier des pasteurs et des enseignants.

Au XVIème siècle, c’est Luther qui, le premier, a l’idée de publier en 1525 un catéchisme imprimé10 dans le but, d’une part, de lutter contre l’ignorance religieuse et, d’autre part, de propager sa doctrine.
Il rédige deux catéchismes distincts et complémentaires : l’un, à l’usage des éducateurs, qui comprend tout un enseignement sur la doctrine chrétienne telle que la conçoit Luther, et l’autre à l’usage du peuple allemand.
Un peu plus tard, Calvin - pour l’Église réformée de Genève - rédige lui aussi, vers 1550, un catéchisme qui se présente sous la forme de questions et réponses ; il le destine aux adultes en général et en particulier aux pasteurs.
Dans le climat de la Contre Réforme catholique traumatisée par l’expansion du protestantisme, c’est un jésuite allemand, saint Pierre Canisius , qui publie en 1555, selon les directives du Concile de Trente (1545-1563), les premiers catéchismes catholiques : d’abord un catéchisme à l’usage des étudiants avec questions et réponses, puis, un second, destiné au peuple et aux enfants11.
En 1566, toujours pour répondre aux préoccupations du Concile de Trente, le pape Pie V (1566-1572) fait publier le "Catéchisme romain" principalement destiné au clergé paroissial pour l’enseignement des fidèles. Il sera traduit en plusieurs langues.

Au XVIIème siècle, également dans l’esprit de la Contre réforme catholique, saint François de Sales, saint Jean Eudes et saint Vincent de Paul12 rédigent des catéchismes à l’intention des prêtres et des fidèles.
Un peu plus tard Bossuet, l’évêque de Meaux, propose en 1667, une méthode de catéchèse progressive. Il met à la disposition de ses diocésains quatre livres de catéchisme :
  • le premier est destiné aux parents pour l’éducation chrétienne de leurs enfants.
  • le second prépare les enfants au sacrement de confirmation (conféré vers l’âge de huit ans).
  • le troisième achemine les enfants à la communion.
  • quant au quatrième qui présente et explique le déroulement de l’année liturgique, il s’adresse principalement aux adultes.
Cependant ces différents catéchismes de Bossuet - comme tous ceux qui, durant le XVIIème siècle, se multiplieront dans les diocèses - se présentent généralement comme de petits résumés de la doctrine chrétienne peu centrés sur la personne de Jésus et sans enracinement dans la Bible.

Au début du XIXème siècle, Napoléon impose un catéchisme unique pour toutes les Églises de l’empire français. Le manuel fait une grande place aux devoirs des citoyens envers l’empereur.
Les catéchismes qui suivront immédiatement sont très marqués par les déistes du XVIIIème siècle. Ils présentent un Dieu qui pourrait être celui de la religion naturelle.

Jusque vers le milieu du XXème siècle, tous les enfants ont entre les mains un "Catéchisme national" publié par les évêques de France en 1937. Rédigé sous la forme de questions et réponses, il présente en premier lieu les vérités à croire, puis les commandements de Dieu et de l’Église, et enfin les sacrements. Il donne plus de place à l’évangile.
En 1954, l’abbé Joseph Colomb - directeur du centre national de l’enseignement religieux à Paris - dénonce les carences du Catéchisme national.
Il réclame une catéchèse qui puise aux sources bibliques et liturgiques et qui fasse appel à des catéchistes intellectuellement et pédagogiquement formés13.
Par ailleurs, il demande que la catéchèse soit progressive, c’est-à-dire, tienne compte tout à la fois : de la situation humaine de l’enfant (familiale et sociale), de son niveau de foi, de ses capacités intellectuelles et de l’établissement scolaire auquel il appartient (public ou privé).
Mais en 1958, à la demande de Rome, Joseph Colomb doit quitter sa fonction d’enseignement religieux. Il lui est reproché sa méthode progressive et son enseignement qui n’est pas suffisamment dogmatique.

Dans les années soixante, des voix se font entendre de la part de laïcs pour que la catéchèse soit adaptée à la psychologie des enfants.
Confortés par le Concile Vatican II, les évêques de France décident en 1966 d’abandonner le Catéchisme national et de le remplacer par des documents adaptés aux enfants (à leur psychologie, au milieu dans lequel ils vivent, à leur niveau intellectuel).
Soutenus par l’épiscopat, des responsables de la catéchèse font alors paraître en 1981, l’ouvrage "Pierres vivantes" qui comprend : des textes bibliques fondamentaux, un résumé de l’histoire de l’Église, une initiation aux sacrements ainsi qu’à la liturgie et à la prière, et des explications simples sur certains mots du vocabulaire chrétien ; le tout accompagné de nombreuses illustrations.
Pour compléter l’ouvrage, des "Parcours catéchétiques" composés de fiches et de livres adaptés aux enfants de CE1, de CE2, de CM1 et CM2, sont mis à la disposition des catéchistes et des parents.

En 1971, en suivant les orientations du Concile Vatican II, les évêques de France font paraître un "Catéchisme pour adultes".
L’année suivante, le pape Jean-Paul II - comme l’a fait le pape Pie V à l’issue du Concile de Trente - promulgue un catéchisme présenté comme « une référence sûre et authentique pour l’enseignement de la doctrine chrétienne » : le "Catéchisme de l’Église catholique" qui sera traduit dans presque toutes les langues.

Le rétablissement du catéchuménat

Il faut attendre le XXème siècle - au sein d’une Europe qui s’est déchristianisée dans le climat de la modernité - pour que renaisse le catéchuménat des adultes.
En 1972, avec la promulgation du "Rituel de l’initiation chrétienne des adultes" conçu à partir des directives du Concile Vatican II14, le catéchuménat est rétabli dans l’Église catholique : pour les adultes non baptisés, mais aussi pour les jeunes de 8 à 13 ans qui, souvent au contact de leurs camarades, demandent le baptême.
Actuellement, le temps de préparation pour les adultes et les adolescents qui désirent recevoir le baptême s’étend, selon les cas, sur deux ou trois ans.
Ceux et celles qu’on appelle comme autrefois "catéchumènes" sont, durant toute la préparation, accompagnés à la fois individuellement par une personne, et par une équipe souvent constituée de paroissiens.
Tout au long de leur formation qui est jalonnée de plusieurs étapes,
  • ils reçoivent un enseignement (par les membres du clergé et par les catéchistes professionnel(le)s et participent à des célébrations liturgiques qui les initient au mystère chrétien.
  • et ils sont périodiquement mis en lien avec leur future communauté chrétienne.
Au terme de cette formation, les catéchumènes, lors de la vigile pascale, reçoivent les sacrements de l’initiation chrétienne, à savoir : d’abord le baptême, puis la confirmation et enfin l’eucharistie. Ils portent désormais le nom de "néophytes".
Ces derniers continuent d’être accompagnés pendant un certain temps pour devenir des membres actifs au sein de leur communauté chrétienne.
Depuis une cinquantaine d’années, adultes et adolescents sont de plus en plus nombreux à demander les sacrements de l’initiation chrétienne.

Des centres de formation pour les animateurs de pastorale catéchétique

Depuis de nombreuses années, dans plusieurs grandes villes de France, des Instituts souvent rattachés à des Facultés catholiques, proposent une solide formation aux futurs animateurs de pastorale catéchétique dans les domaines suivants : biblique, théologique, historique, mais aussi apprentissage au vocabulaire de la foi et aux techniques audiovisuelles ou d’animation.
Après deux à quatre années d’études, ces Instituts délivrent un diplôme appelé selon les cas : diplôme de "catéchiste professionnel(le)" ou "d’animateur(trice) en pastorale".
Ce sont les catéchistes professionnels ou les animateurs en pastorale qui forment les catéchistes bénévoles en paroisses, dans les établissements scolaires, dans les centres de handicapés, etc…

Parmi les principaux Centres de formation, il faut citer :
  • l’Institut supérieur de pastorale catéchétique (I.S.P.C), à Paris.
  • l’Institut pastoral d’études religieuses (I.P.E.R), à Lille.
  • l’Institut pastoral d’études religieuses (I.P.E.R), à Lyon.
  • l’Institut de pédagogie religieuse (I.P.R), à Strasbourg.
  • l’Institut d’études religieuses et pastorales (I.E.R.P), à Toulouse.
  • l’Institut de théologie pratique de l’université catholique de l’Ouest, à Angers.
  • le Centre interdiocésain de pastorale catéchétique (C.I.P.A.C), à Lille.
  • le Centre autonome d’enseignement de pédagogie religieuse (C.A.E.P.R) à Metz.

Pour permettre aux catéchistes mais aussi aux parents de répondre aux questions qui leur sont posées concernant la foi chrétienne, des théologiens ont entrepris de rédiger une encyclopédie à laquelle ils ont donné le nom "Thabor".
Cet ouvrage n’est pas un catéchisme mais un recueil de mots, d’expressions et de notions, tous suivis d’une explication la plus claire possible.

Quelques catéchèses particulières

Depuis longtemps, les paroisses ou diocèses organisent de véritables catéchèses à l’intention des parents qui demandent le baptême pour un enfant, ainsi que pour les couples qui se préparent au mariage à l’Église15.

Mais il y a aussi de plus en plus d’adultes, qu’on appelle souvent des "recommençants", qui redécouvrent la foi ou cherchent tout simplement à l’approfondir.
C’est pour répondre à leurs aspirations que sont nés en France (en 1999) les parcours "Alpha16" :
Ils se déroulent généralement en soirée17, dans une salle paroissiale, autour d’un repas convivial préparé par les animateurs.
A l’issue de ce repas qui a permis aux participants de faire connaissance dans un climat fraternel, les animateurs engagent un débat où sont abordés les fondamentaux de la foi chrétienne, et où sont accueillies toutes les questions qui sont posées, quelles qu’elles soient18.

Les parcours "Alpha" ont pour particularité de ne pas se limiter à un enseignement dialogué, mais d’amener les participants - grâce aux échanges et aux expériences partagées - à faire peu à peu l’expérience de la présence de Dieu dans le quotidien de leur vie.

Pour aider les parents19 désirant que leurs petits enfants fassent le plus tôt possible l’expérience de la présence de Dieu à leur côté, il leur est proposé une démarche appelée "l’Eveil à la foi" :
Dans beaucoup de communautés chrétiennes, les petits enfants entourés de leurs parents et de catéchistes, sont conviés, à se rassembler au moment de la liturgie de la Parole. Par différents moyens adaptés à leur âge (explications très simples, dessins, prières gestuées, jeux, chants, petits temps de silence pour apprendre aux enfants à intérioriser, etc…), parents et catéchistes les aident à découvrir le message du Christ dans l’évangile.

Il faut mentionner aussi ce qu’on appelle "les dimanches autrement" : de plus en plus de paroisses proposent, le dimanche, dans le cadre de la liturgie de la messe qui va suivre, une catéchèse qui se déroule sous des formes très différentes selon les lieux. Souvent la périodicité de ces catéchèses est mensuelle.

Désormais dans plusieurs paroisses, il existe une catéchèse adaptée pour les jeunes et adultes porteurs d’un handicap.
Ce type de catéchèse est né en 1960, sous l’impulsion des évêques de France qui ont institué au Centre national de l’enseignement religieux, un service qui a pris le nom de "Pédagogie catéchétique spécialisée" (P.C.S).
Ce service a pour mission d’organiser une catéchèse auprès des personnes handicapées : enfants, adolescents, adultes ; qu’elles le soient pour des raisons d’ordre physique, psychologique, social, etc…
Cette catéchèse se fait dans le cadre de petits groupes : dans les paroisses, les centres où se tiennent les handicapés ou encore dans les familles.
Les animateurs, dûment formés, s’efforcent par des images, de petites figurines évoquant des scènes d’évangile, des prières chantées ou certains gestes, de leur faire découvrir le Christ, et si possible les acheminer vers les sacrements.
L’affection portée par les animateurs aux handicapés joue un très grand rôle dans l’éveil de la foi de ces derniers.
Actuellement plusieurs milliers d’handicapés participent à ces catéchèses spécialisées.
____
1 "catéchèse",  du grec "katechein", "faire résonner une parole à l’oreille d’un auditeur", "enseigner", "instruire". Le "catéchumène" est celui qui ouvre ses oreilles pour entendre la Parole de Dieu.
2 La "Didaché" ("enseignement") est un document du IIème siècle s’adressant aux juifs et aux païens pour les mettre sur le chemin de la conversion.
3 Au sujet de la "Tradition Apostolique", voir "Brève Histoire des Conciles". Tome V (1ère partie) page 79.
4 Toute la préparation est prise en charge par des membres de la communauté chrétienne, et chaque catéchumène est accompagné par "un parrain" ou une "marraine".
5 Père (grec) de l’Église, auteur de 18 catéchèses destinées aux nouveaux baptisés.
6 " mystagogique", du grec "mustès","initié" et "agein" "conduire". La mystagogie est une initiation aux "mystères" que sont les sacrements de l’initiation chrétienne.
7 "néophyte", du grec "neos" (nouveau) et "phuein" (naître). Le mot désigne celui qui vient d’être baptisé (celui qui est parvenu à une "vie nouvelle")
8 "mystère", du grec "musterion" : "caché", "secret". Au IVème siècle le mot est appliqué aux sacrements, en ce sens que les sacrements nous transmettent l’amour infini de Dieu qui, en Jésus Christ, est allé jusqu’à mourir pour nous.
9 c’est-à-dire les instructions (avec parmi elles, l’homélie) données par le célébrant après la proclamation de l’évangile.
10 l’imprimerie ayant été inventée au milieu du XVème siècle.
11 Ce dernier, illustré de gravures, connaîtra un tel succès qu’il restera en usage pendant près de deux siècles en Allemagne.
12 En 1640, Vincent de Paul rédige un catéchisme destiné aux plus pauvres, qu’il intitule "Le catéchisme à la rencontre".
13 Voir ci-dessous les différents Centres de formation pour catéchistes.
14 Voir "Décret sur la charge pastorale des évêques". CD n°14.
15 Les Centres de préparation au mariage (C.P.M.) organisent des soirées ou des sessions qui rassemblent des couples de fiancés autour de couples mariés généralement accompagnés d’un prêtre, pour réfléchir sur le sens du sacrement du mariage et ce qu’il implique.
16 Le premier parcours Alpha est né dans une l’Église anglicane.
17 environ une soirée par mois.
18 « Venez comme vous êtes », telle est une des devises d’Alpha.
19 qui demeurent les premiers éducateurs de la foi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire