lundi 7 juillet 2014

La réforme anglicane

Bien que l’Église d’Angleterre ait été déjà fortement secouée, aux XIVe et XVe siècles, par le mouvement évangélique du théologien John Wyclif1 et de ses disciples (les Lollards2), la séparation entre l’Église d’Angleterre et Rome n’est pas, comme en Allemagne et en Suisse, l’œuvre de théologiens.
C’est le roi Henri VIII (qui règne de 1509 à 1547) qui est à l’origine de cette rupture, non pas pour des raisons d’ordre théologique mais pour une question de remariage : le roi veut répudier sa femme Catherine d’ Aragon qui ne lui donne pas d’héritier mâle et épouser Anne Boleyn.
Le pape Clément VII lui refusant l’autorisation de divorcer, Henri VIII - en particulier sous l’influence d’un de ses conseillers, l’évêque Thomas Cranmer3 (1489-1556) - se tourne vers une commission ecclésiastique anglaise et obtient d’elle l’annulation de son mariage.
Le pape réplique aussitôt par l’excommunication du roi et de Thomas Cranmer en 1533.
Furieux, Henri VIII fait voter par le parlement, en 1534, l’« Acte de suprématie » qui fait du roi le chef suprême de l’Église d’Angleterre :
« Comme il est juste et droit que sa majesté le roi soit et doit être le chef suprême de l’Église d’Angleterre et qu’il soit reconnu tel par le clergé de ce royaume dans ses assemblées synodales, le présent parlement, par son autorité, promulgue ce qui suit, pour corroborer et confirmer cet état de choses… :
Le roi, notre souverain seigneur et ses héritiers et successeurs, rois de ce royaume, seront reconnus, acceptés et considérés comme les seuls chefs suprêmes sur la terre de l’Église d’Angleterre…
Ils auront plein pouvoir pour réprimer, redresser, réformer, ordonner, corriger, empêcher et amender toutes erreurs, hérésies, offenses, outrages et crimes, quels qu’ils soient… par leur autorité ou juridiction d’ordre spirituel, cela pour l’agrément de Dieu tout puissant, l’accroissement de la force de la religion du Christ, la conservation de la paix, de l’unité et de la tranquillité de ce royaume, quoi qu’il en soit de tout usage, coutume, loi étrangère, prescriptions ou autres choses contraires à ces dispositions. »
Ainsi, le schisme est consommé entre l’Église d’Angleterre et celle de Rome !
Avec le concours de Cranmer, nommé archevêque de Canterbury, Henri VIII conduit avec une extrême rigueur l’Église d’Angleterre devenue autonome.
Tous ses sujets sont contraints de reconnaître par serment l’autorité religieuse du roi. Ceux qui s’y opposent par fidélité à Rome, comme le chancelier Thomas More, sont exécutés, emprisonnés ou exilés.
Si le clergé, déjà habitué à l’emprise de l’État sur l’Église, prête serment dans son ensemble, il n’en est pas de même chez les religieux. Face à la résistance de ces derniers, Henri VIII fait fermer tous les couvents et saisir tous leurs biens.
Personnellement, le roi, demeurant très attaché à la foi catholique, s’affirme comme le « défenseur de la foi ». En 1539, contre l’avis de Cranmer, il rédige les « six articles » qui condamnent fermement la doctrine luthérienne.
Cependant sous l’influence discrète de Cranmer qui correspond régulièrement avec Calvin l’Église d’Angleterre s’ouvre peu à peu aux thèses des réformateurs protestants.
A la mort du roi Henri VIII, en 1547, son fils Edouard VI (1547-1553) n’a qu’une dizaine d’années. Cranmer en profite pour imposer la doctrine calviniste  (justification par la foi seule ; rejet de la transsubstantiation et de la messe comme sacrifice ; communion sous les deux espèces) sans remettre toutefois en cause l’institution épiscopale4 et les trois ordres : diaconat, presbytérat5 et épiscopat.

En 1549, dans son ouvrage Book of common prayer, il donne à l’Église d’Angleterre une nouvelle liturgie (entièrement en langue anglaise) centrée sur la Parole de Dieu et l’eucharistie.
En 1553, il rédige les Quarante articles, une véritable profession de foi d’esprit nettement calviniste.

Lorsque la reine Marie Tudor (1553-1558) succède à Edouard VI, elle s’emploie aussitôt à restaurer le catholicisme mais avec une telle brutalité et une telle intolérance qu’elle ne fait qu’attiser la colère des protestants et développer leur mouvement.
Durant son court règne, elle condamne au bûcher 300 protestants dont l’archevêque Cranmer lui-même. On la surnommera « Marie la sanglante ».
Quand Elisabeth I (1558-1603) soutenue par le parti protestant, monte sur le trône, son premier geste est de faire adopter par le parlement un nouvel Acte de suprématie et de réaffirmer ainsi qu’elle est seul maître de l’Église d’Angleterre. Elle est aussitôt excommuniée par le pape Pie V en 1570.
Avec Elisabeth I, on assiste à l’établissement de l’anglicanisme. Celui-ci est souvent appelé « voie moyenne » parce que l’esprit qui prévaut est nettement calviniste alors que la liturgie et la structure hiérarchique restent proches de la tradition catholique.
Sous son règne, les catholiques sont soumis à une violente répression. Elisabeth I ordonne de nombreuses exécutions dont la victime la plus illustre est Marie Stuart, reine d’Écosse6.

Nota Bene : Peu de temps après sa montée sur le trône, Elisabeth I exige que tous les membres du clergé prêtent serment à l’Acte de suprématie.
Comme tous les évêques refusent, sauf un, la reine les dépose et en fait consacrer d’autres pour les remplacer. L’évêque qui les consacre (celui qui a prêté serment) utilise un rituel anglican établi sous Edouard VI lequel est déclaré invalide par le pape Paul IV en 15557.
Dès lors, Rome estime que la succession apostolique est rompue au sein de l’Église anglicane.
En 1896 le pape Léon XIII réitère l’invalidité des ordinations anglicanes dans sa bulle Apostolicae curae.
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1 Voir Brève Histoire des Conciles Tome II.
2 « Lollard »: de l’allemand lollen signifiant « marmonner ». Ce mot est attribué par dérision aux partisans de John Wyclif.
3 Thomas Cranmer (1489-1586) est un prêtre acquis au luthéranisme ; nommé par le roi, archevêque de Canterbury, c’est lui qui bénit le mariage d’Henri VIII avec Anne Boleyn. En 1556, il sera condamné au bûcher par la reine Marie Tudor.
4 Pourtant tout à fait contraire à la doctrine de Calvin.
5 Les prêtres sont autorisés à se marier.
6 Marie Stuart s’était réfugiée en Angleterre lorsque son pays était passé à la reforme calviniste.
7 Parce qu’il ne prend en compte ni la doctrine catholique sur le caractère sacrificiel de la messe ni celle sur le prêtre ordonné en vue de la célébration du sacrifice du Christ.

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