mardi 8 juillet 2014

Ulrich Zwingli (1484-1531)

Le réformateur de Zurich

Ulrich Zwingli est né en Suisse, à Wildhaus, dans le canton de Saint Gall1. Il appartient à une famille nombreuse d’origine paysanne.
Après une première formation reçue de son oncle prêtre, il fait de solides études humanistes à Bâle, à Berne et à Vienne.
En 1506, il est ordonné prêtre par l’évêque de Constance puis nommé curé dans un village de campagne où il exerce durant dix années, ce qui lui permet d’approfondir sa formation biblique d’autant que durant cette période il rencontre Érasme qui vient de publier une nouvelle traduction du Nouveau Testament.
Après avoir été successivement chapelain dans une abbaye puis aumônier militaire des Suisses à la solde du pape2, il est nommé, en 1518, curé de la principale église de Zurich. Là, il prêche sur la Bible en la commentant page après page.
C’est à Zurich qu’il semble avoir subi l’influence de Luther, bien qu’il s’en défende :
« Qui donc m’a suggéré, écrit-il en 1523, la prédication et l’exposé suivi de tout un évangile ? Est-ce Luther ?
Pourtant j’ai commencé cette prédication avant même d’avoir entendu parler de lui et voici dix ans que je me suis mis à l’étude du grec pour m’initier à la source même du Christ.
Ce n’est pas Luther qui m’a donné cette idée, puisque son nom m’était encore inconnu après que j’eusse choisi l’Écriture comme source unique…
Je ne veux plus porter le nom de Luther, car intentionnellement, j’ai très peu lu de sa doctrine…
Ce que j’ai lu de lui… ce sont des choses courantes trouvées dans la Parole de Dieu et fondées sur elle.»
Il reconnaît cependant en Luther celui qu’il appelle :
« le David qui a mis à mort le sanglier romain »
Comme Luther, il affirme que l’Ecriture est le seul fondement pour la doctrine et la vie de l’Eglise ; et comme lui, il oppose la Parole de Dieu à tout ce qu’il estime n’être que traditions humaines : le sacerdoce ministériel, le célibat ecclésiastique, les vœux monastiques, la confession… etc.
Avec de telles prises de position, il ne tarde pas à entrer en conflit avec l’évêque de Constance dont il dépend ; surtout au moment où il lui demande instamment d’autoriser les prêtres à se marier3.

Pour préciser ses conceptions sur la réforme de l’Église, il rédige en 1523 67 thèses qu’il soumet à une assemblée de notables et d’ecclésiastiques de la ville de Zurich.
Soutenu par la majorité des membres de cette assemblée, il décide d’entreprendre la réforme de l’Église zurichoise et rompt avec Rome.
En 1525, après avoir publié son Commentaire sur la vraie et fausse religion, il qualifie d’idolâtrique le sacrifice de la messe.
Au même moment, il abolit la messe dominicale4 et la remplace par un culte consistant essentiellement en l’écoute de la Parole de Dieu suivie d’une prédication. Très dépouillé, ce culte ne compte ni chants, ni musique, ni invocation des saints, ni vénération des images5.
L’année 1529, au cours d’une rencontre avec Luther à Marbourg6, il lui fait part de son désaccord concernant la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, celle-ci n’ayant à ses yeux qu’une signification symbolique.
Zwingli se démarque également de Luther par le caractère politique et social qu’il donne à sa réforme. Voulant lier la réforme de l’Église zurichoise à l’accord des autorités civiles, il déclare que le pouvoir civil doit être confessionnel et, à ce titre, s’occuper des affaires de l’Église, en veillant tout spécialement à l’intégrité des personnes. Réciproquement, si les membres de l’autorité civile ne sont pas fidèles à l’évangile, les responsables de l’Église se doivent de les destituer.

Pour Zwingli, cette symbiose entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel est la condition nécessaire pour que tout le peuple se christianise.
C’est d’ailleurs avec le concours des autorités civiles de Zurich que Zwingli parvient à séculariser les couvents et à affecter leurs biens aux écoles, à l’assistance publique ou à d’autres institutions sociales, qu’il parvient également à créer un tribunal des mœurs pour assainir la moralité de la population.
Une des initiatives les plus originales de Zwingli est la « Prophétie » : conscient de sa mission de prophète, il apprend aux chrétiens à lire les événements et à les interpréter à la lumière de la Parole de Dieu.
Ces « prophéties » qui ont lieu chaque jour en début de matinée, comprennent une lecture biblique puis un commentaire en lien avec la vie quotidienne.

Zwingli déploie aussi une énergie considérable pour amener les cantons suisses catholiques à la Réforme, mais en vain. Face à ce refus, les autorités zurichoises décident de déclarer la guerre aux cinq cantons catholiques regroupés en Confédération.

Bien que fermement opposé à cette guerre7, d’autant qu’il avait le pressentiment de la défaite8, on lui intime l’ordre d’accompagner l’armée zurichoise en tant qu’aumônier :
« Notre cause est bonne, dit-il, aux zurichois, mais elle est mal défendue. Il m’en coûtera la vie et celle d’un grand nombre d’hommes de bien, qui désireraient rendre à la religion sa simplicité primitive, et à notre patrie ses anciennes mœurs.
N’importe : Dieu n’abandonnera pas ses serviteurs ; il viendra à leur secours, lorsque vous croirez tout perdu. Ma confiance repose sur Lui seul et non sur les hommes. Je me soumets à sa volonté. »
Dès les premiers moments de la mêlée, Zwingli reçoit un coup mortel, en s’écriant les yeux tournés vers le ciel :
« qu’importe que je succombe ; ils peuvent bien tuer le corps, mais ils ne peuvent rien sur l’âme. »
On trouve sur lui une petite Bible sur laquelle il avait noté le passage qu’il avait l’intention de commenter le lendemain, dans sa prédication.
Se croyant investi d’une mission que Dieu lui avait confiée, Zwingli meurt conformément à cette prière qu’il formulait quelques années plus tôt :
« Seigneur, je suis ton vase ; façonne-moi ou brise moi à ton gré. »
La mort tragique de Zwingli ne met pas un terme à son mouvement de réforme qui sera poursuivi par le théologien Heinrich Bullinger9 (1504-1575). Il perdure encore aujourd’hui dans le canton de Zurich.
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1 Au sud du lac de Constance.
2 Il participe notamment, comme aumônier à la bataille de Marignan en 1515 durant laquelle François 1er inflige une défaite aux Suisses, alliés de l’Italie.
3 Ce qu’il fait lui-même en épousant une veuve dont il aura quatre enfants.
4 Il ne célèbre la Cène que trois ou quatre fois par an.
5 Qui sont toutes enlevées dans les églises.
6 Ville d’Allemagne sur la Lahn.
7 Ayant été plusieurs fois sur les champs de bataille, Zwingli n’a cessé de militer contre les guerres.
8 Effectivement l’armée zurichoise sera battue à Kappel, en 1531.
9 Originaire du canton suisse d’Argovie, Heinrich Bullinger s’employa à consolider le travail de Zwingli. Cependant, estimant que l’Église ne devait pas être totalement subordonnée à l’État, il créa un comité mixte composé de magistrats et de pasteurs.
Très tolérant, il fait de Zurich un lieu de liberté religieuse. Considérant que la foi est un don de Dieu et qu’à ce titre elle ne peut être ordonnée, il ne persécuta jamais personne.

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